Jonas et la baleine : de l’angoisse à la délivrance ?

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D’où vient l'histoire de Jonas et la baleine ? Pourquoi Jonas est-il avalé par un gros poisson ? Jonas est-il mort dans le ventre de la baleine ? Quelle est la symbolique de cette histoire ? Et quel est le rapport avec Jésus ?

3 minutes et 49 secondes
Dernière mise à jour -  
7/5/2024

Quand Bourvil rejoue l’histoire de Jonas et la baleine


Il y a quelques semaines, notre cher ami Marc, lecteur assidu de PRIXM depuis le Canada, nous a partagé une trouvaille que nous entonnons sans cesse avec délice depuis que nous l’avons découverte… Bourvil qui pousse la chansonnette pour raconter l’histoire de Jonas et la baleine :

Jonas chantait de la cale au tillac / Car il était marin
Jonas avait plus d'un tour dans son sac / Car il était marin
En pleine mer, Jonas balayait la dunette
Quand vint une tempête / Qui balaya Jonas
Il avalait de l'eau / Nageant à perdre haleine
Quand un bébé baleine / L'avala tout de go

On n’aurait pas pu rêver meilleure entrée en matière pour aborder le récit biblique de Jonas dans l’Ancien Testament… Merci Bourvil et merci Marc pour cette pépite absolue ! 

Le texte biblique qui raconte l’histoire de Jonas dans le ventre de la baleine

La semaine dernière, nous avons commenté le premier chapitre du livre de Jonas. Continuons notre lecture avec le chapitre 2. Contexte : Jonas fuit Dieu dans un vaisseau sur l’eau, et finit… sous l’eau ! Plongez avec nous dans la suite de l’histoire, et attention au poisson…

Et YHWH ordonna à un grand poisson d'avaler Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits. 

Et Jonas pria YHWH son Dieu, depuis les entrailles du poisson, et dit :
— Dans ma détresse j’ai invoqué YHWH et il m’a entendu. Du ventre du shéol de l’enfer j’ai crié, et tu as entendu ma voix. Tu m’as jeté dans l’abîme au cœur des mers et le courant m’a entouré. Tous tes flots et toutes tes vagues ont passé sur moi. Et moi je disais : Je suis rejeté de devant tes yeux, et pourtant je continue de regarder ton temple saint. Les eaux m’ont entouré jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné. Je suis descendu jusqu’aux racines des montagnes, les verrous de la terre étaient tirés sur moi pour l’éternité, et tu as fait remonter ma vie de la fosse, Seigneur mon Dieu. Quand mon âme défaillait en moi, je me suis souvenu du Seigneur, et ma prière est parvenue jusqu'à ton temple saint. Ceux qui gardent des vanités et des mensonges ont abandonné la pitié de Dieu pour eux. Mais moi, avec des accents de louange et de repentance, je sacrifierai pour toi ; les vœux que j'ai faits, je les rendrai au YHWH pour mon salut.

Alors YHWH parla au poisson, et le poisson vomit Jonas sur la terre sèche.

Livre de Jonas, chapitre 2 versets 1 à 11. Traduit de l'hébreu par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Pourquoi Jonas est-il avalé par une baleine ?

Joseph Vernet (1714-1789), Jonas et la baleine (1753, huile sur toile, 40 x 55 cm), musée des Beaux Arts, Lyon (France). Domaine public.

Jonas comme un poisson dans l'eau 

Souvenez-vous, Jonas préfère partir en mer plutôt que de délivrer le message de Dieu aux habitants de Ninive, ville corrompue éloignée de Dieu. Mais Dieu lève une tempête et Jonas est jeté par-dessus bord.

Voilà donc Jonas en pleine mer. Au sens propre, il « touche le fond ». En effet, dans la Bible, la mer est bien souvent le symbole de la détresse et de la mort, comme l'indique le cri du psalmiste : 

« Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux arrivent jusqu’à mon âme. 
Je suis enfoncé dans une fange profonde et il n’y a pas où poser le pied. 
Je suis descendu au fond des eaux et le courant me submerge. » (Ps 69, 2-3)

Jonas risque donc tout bonnement de se noyer ! Mais Dieu, maître de la nature, n’oublie pas son prophète et lui joue un sacré tour ! Vient enfin le célèbre verset qui inspira tant d'artistes : 

« Le Seigneur donna l’ordre à un grand poisson d’engloutir Jonas. » (Jon 2, 1)

Au passage, remarquez que le texte biblique ne précise pas le type ou le nom du poisson dévoreur d’humain ! La traduction hébraïque dit seulement « un poisson » ; la traduction grecque parle d'un « monstre marin ». Quel animal avale ainsi Jonas ? 

Si le texte ne le dit pas, disons qu’il s’agit simplement du mammifère marin le plus à même d’avaler un être humain, à savoir : une baleine ! Ainsi, l’imaginaire collectif pense à « Jonas et la baleine » (tel Bourvil dans sa chanson), ce qui n'apparaît pourtant à aucun moment dans le texte biblique ! L’interprétation est ensuite devenue traditionnelle.

Authentique pépite dénichée dans les toilettes d’une brasserie parisienne… On retrouve notre ami Jonas avalé par le gros poisson, mais avec une bonne bouteille de liqueur à la main… Le texte biblique n’en dit pas tant, mais pourquoi pas !

La prière de Jonas

En réalité, Dieu sauve Jonas en ordonnant à un grand poisson de l'avaler. C'est tout le paradoxe de la situation : 

« Et Jonas pria YHWH son Dieu, depuis les entrailles du poisson, et dit :
— Dans ma détresse j’ai invoqué YHWH et il m’a répondu. » (Jon 2, 2-3)

Dans sa prière, Jonas crie vers Dieu à la façon d’un psaume d’action de grâce. On peut lire dans le livre des psaumes des prières similaires à la sienne, comme celle-ci : 

« Tu es la force qui me sauve, Maître, Seigneur ; au jour du combat, tu protèges ma tête. »  (Ps 139, 8). 

Autrement dit, Jonas remercie Dieu dans une prière poétique. Ses paroles reprennent d'ailleurs la structure habituelle de ce type de psaume avec : 

  • le rappel des angoisses passées : « Les eaux m’ont assailli jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné » (Jon 2, 6-7a)
  • et le récit de la délivrance : « mais tu retires ma vie de la fosse, Seigneur mon Dieu. » (Jon 2, 7b)

Mais ce n'est pas tout ! La prière de Jonas continue, et voilà qu'il se repent et demande pardon pour sa fuite et son refus d'aller à Ninive : 

« Mais moi, avec des accents de louange et de repentance, je sacrifierai pour toi ; les vœux que j'ai faits, je les accomplirai : YHWH est le mon salut.» (Jon 2, 10)

Symboliquement mort, enseveli dans le poisson, Jonas est finalement sauvé !

Théophane Strélitzas, dit Théophane le Crétois, détail de Jonas en prière dans le ventre de la baleine (1527, fresque), Monastère Saint-Nicolas Anapafsas, Kalambaka (Grèce). Domaine public.

Le signe de Jonas

Les plus fidèles d’entre vous connaissent bien désormais le lien entre le Nouveau et l'Ancien Testament, où certains passages de l’Ancien annoncent des événements qui s’accomplissent dans le Nouveau, avec Jésus. 

De fait, Jésus lui-même fait référence à l’histoire de Jonas ! Dans l’évangile de Matthieu, Jésus s’adresse aux scribes et aux pharisiens en convoquant cette histoire : 

« Prenant la parole, [Jésus] leur dit :
— Génération mauvaise et adultère, elle recherche un signe. Et de signe, il ne lui sera pas donné, sinon le signe de Jonas le prophète. Car, de même que Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le cœur de la terre trois jours et trois nuits. » (Mt 12, 39-40)

Pourquoi Jésus choisit-il un conte satirique, aux allures fantastiques, pour s'en référer à la mort du Fils de l'homme ?

En fait, Jésus parle de Jonas pour parler de lui-même ! Jésus interprète l’histoire de Jonas avalé par le poisson comme une annonce au sujet de sa propre mort et sa mise au tombeau pendant trois jours, avant sa Résurrection. 

En Israël, à Akko (Acre), on peut trouver cette sculpture de poisson intitulée Jonah, directement inspirée de l’histoire de Jonas. Le visiteur peut littéralement s’asseoir « dans » la sculpture et s’imaginer à la place de Jonas !

Jonas et Jésus

En fait, le parallèle entre Jonas et Jésus s'impose finalement de façon évidente !  

  • Jonas passe 3 jours dans le ventre de la baleine, en pleine mer, une fois descendu au plus bas. Or, on l'a vu, la mer est associée à la mort,
  • Jésus passe 3 jours dans un tombeau, mort, et descend aux enfers, au plus bas de la terre, avant sa résurrection.

Finalement, dans un cas comme dans l’autre, la mort peut être perçue comme le chemin du salut

  • Jonas revient sur la terre ferme après 3 jours passés dans la baleine. Ce retour sur la terre symbolise son retour à la vie.
  • Jésus ressuscite après 3 jours passés au tombeau. Et sa sortie du tombeau signe la victoire définitive de la vie sur la mort.

Ainsi, on peut comprendre que l’aventure de Jonas ait été présentée par Jésus dans l’évangile de Matthieu (Mt 12, 40), mais aussi dans celui de Luc (Lc 11, 30), comme la figure de son propre séjour dans la mort, et surtout, comme le signe éclatant de sa résurrection. 

Par le recours au livre de Jonas, un petit conte, Jésus peut faire figurer à ses disciples une image annonciatrice du mystère de sa mort et de sa résurrection, tout en rappelant que ce mystère était annoncé dans les textes de l'Ancien Testament. 

À ce titre, le personnage de Jonas a été interprété par les Pères de l’Église comme Augustin d'Hippone (354-430) ou Jérôme de Stridon (347-420), comme une figure baptismale, c'est-à-dire en lien avec le baptême. Car, lors de ce rite, le baptisé est plongé dans l’eau. 

La plongée dans l’eau symbolise ainsi la plongée dans la mort avec le Christ, la sortie de l’eau, la naissance à la vie nouvelle avec le Ressuscité.

Le Caravage (1571-1610), La mise au tombeau du Christ (1604, huile sur toile, 300 x 203 cm), Pinacothèque vaticane, musée du Vatican (Vatican). Domaine public.

Le mot de la fin

Concluons ce numéro de haute mer avec un petit extrait de Moby Dick du romancier américain Herman Melville. Achab, le personnage principal, poursuit désespérément la baleine blanche Moby Dick et se bat furieusement contre elle afin d’en venir à bout :

« Si près d'elle qu'il était ! Alors, le corps bandé en arrière, les deux bras haut levés pour balancer son fer, il jeta son harpon féroce avec une malédiction plus féroce encore dans la baleine haïe. L'acier et la malédiction s'enfoncèrent jusqu'à la garde comme absorbés par un marécage. Moby Dick se tordit de côté, roula convulsivement son flanc contre l'étrave, et sans l'endommager, fit chavirer si brutalement la pirogue, que si Achab n'avait pas été cramponné à la partie surélevée du plat-bord, il eût été une fois de plus jeté à la mer. Trois des canotiers qui ignoraient l'instant précis où le fer allait être lancé et n'avaient pu dès lors se préparer à en subir les contrecoups, passèrent par-dessus bord mais de telle manière qu'en un clin d'œil, deux d'entre eux avaient pu s'agripper au plat-bord et, soulevés par une vague se hisser à nouveau dans la baleinière ; le troisième homme resta, impuissant, à l'arrière, mais il nageait encore.Presque aussitôt, avec une volonté puissante, spontanée, rapide, la Baleine blanche fila comme une flèche dans la mer tumultueuse. » 

Herman Melville, Moby Dick, 1851, trad. Henriette Guex-Rolle, Garnier-Flammarion, 1989, Chapitre CXXXV, p.567-568.

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