Quelles sont les tentations du pouvoir ? Comment David y succombe après être tombé amoureux de Bethsabée ? Les chefs d'aujourd'hui peuvent-ils s'inspirer des Écritures ?
La chanson Mad about you de Sting se place dans la tête du Roi David, l’une des figures principales de l’Ancien Testament. Il est obnubilé par Bethsabée, la femme d’un soldat, et semble prêt à sacrifier ses responsabilités pour cet amour : « Mon Royaume pourrait bien se transformer en sable et sombrer dans la mer, je suis fou de toi… ».
Au retour de l’année (moment où les rois ont coutume de partir en campagne), voici que David envoya Joab, ses serviteurs avec lui et tout Israël pour massacrer les fils d’Ammon et assiéger Rabba — David, quant à lui, resta à Jérusalem.
Pendant ce temps, vint une soirée où David se leva de son lit et se promena sur le toit de la maison du roi.
Il aperçut, du toit, une femme qui se baignait en face et cette femme était extrêmement belle à voir.
Le roi fit donc enquêter sur cette femme et on lui apprit que cette femme était Bethsabée, fille d’Héliam et femme d’Urie le Hittite.
Alors David envoya des messagers la prendre.
Comme elle était entrée chez lui, il coucha avec elle; et aussitôt elle se purifia de sa souillure et retourna dans sa maison.
Ayant conçu elle envoya annoncer à David et dit :
— Je suis enceinte.
et David envoya à Joab en disant :
— Envoie-moi Urie le Hittite !
Et Joab envoya Urie à David.
Et Urie vint à David et David demanda comment Joab allait, et le peuple, et comment se déroulait la guerre … Puis David dit à Urie :
— Descends donc à ta maison et lave tes pieds.
Urie sortit de la maison du roi, et sortit après lui un mets de la table du roi... mais Urie dormit devant la porte de la maison du roi avec tous les serviteurs de son seigneur et il ne descendit pas dans sa maison. On le rapporta à David :
— Urie n’est pas allé dans sa maison
et David dit à Urie :
— N'arrives-tu pas de voyage ? Pour quelle raison n’es-tu pas descendu dans ta maison ?
et Urie dit à David :
— L’arche et Israël et Juda habitent des tentes et mon maître Joab et les serviteurs de mon maître restent à la surface du sol et moi j’irais à la maison manger et boire et coucher avec ma femme ? Par ton salut et le salut de ton âme, je ne ferai pas cela !
[…]
Et voici, le matin David écrivit une missive à Joab et la lui fit porter par la main d’Urie. Il écrivait dans la missive :
— Placez Urie devant, au plus fort de la bataille et abandonnez-le pour que frappé il meure !
Il se trouvait que Josias assiégeait la ville : il plaça Urie au lieu où il savait que les ennemis étaient les plus forts, et les hommes de la ville sortirent et attaquèrent Joab. Il en tomba dans le peuple, parmi les serviteurs de David, et Urie le Hittite mourut aussi.
[…]
Et la femme d’Urie entendit qu'Urie son mari était mort et elle pleura son époux.
Le deuil passé, David envoya [la chercher] et l'accueillit dans sa maison et elle devint sa femme et elle lui enfanta un fils
or cette chose que David avait faite déplut aux yeux du Seigneur …
L’adultère commis par David et Bethsabée — pour tous les détails croustillants — pose la question de la responsabilité : qui est le ou la coupable ?
En concentrant tout le poids de la faute sur le roi, ce texte se présente donc aussi comme une fresque sur le pouvoir. Même le grand roi David cède aux tentations que lui offre sa position ! Pire encore, sa supériorité lui fait croire qu’il saura dissimuler son crime, ce qui redouble sa chute.
Cet épisode est à l’origine du syndrome de Bethsabée, défini par les psychologues de notre époque afin d’expliquer l’attitude de certains gouvernants à la suite de l'affaire Bill Clinton (les plus jeunes chercheront sur Google) :
« On nomme syndrome de Bethsabée cette faute éthique qui ne s’explique pas par une ignorance (réelle ou volontaire) de la faute mais par un contexte organisationnel qui donne l’impression au leader d’être au-dessus de toute morale parce qu’il n’est pas préparé au succès, parce qu’il a un meilleur accès à l’information que les autres et surtout parce qu’il croit pouvoir contrôler les retombées de ses actions ».
Bref, la Bible rappelle plusieurs choses avec ce texte :
Dans l'Éthique à Nicomaque (V, 1, 16), Aristote a écrit quelques belles lignes sur la lumière crue dans laquelle le pouvoir place celui qui l'exerce :
« Beaucoup en effet, dans leurs affaires personnelles, savent se comporter avec vertu, alors que dans les affaires qui regardent autrui, ils en sont incapables. Et c’est la raison pour laquelle on trouve excellent le mot [...] : le pouvoir montrera si c’est un homme !' Car celui qui est au pouvoir se trouve d’emblée confronté à autrui et placé en société. »
Aristote, Éthique à Nicomaque, Paris, Flammarion GF, 2004