Qui est Ruth dans la Bible ? Comment rencontre-t-elle Booz ? Qu’est-ce que le droit de glanage ? Quel est son lien généalogique avec le roi David ? Et avec Jésus ?
Le Livre de Ruth a superbement inspiré le compositeur américain David Childs. Il a en effet écrit un "Song of Ruth" en l'honneur de l'étrangère Moabite présentée dans l'Ancien Testament. Voici les paroles en anglais, reprenant presque mot pour mot le verset 16 du chapitre 1 du Livre de Ruth :
Entreat me not to leave you, or not return for following you.
Where you go, I will go, and where you lodge I will lodge. Your people shall be my people and your god shall be my god. Where you die, I will die, and there I will be buried where you lie.
La traduction française pour ceux qui ne connaissent pas par cœur Rt 1,16 :
Supplie-moi de ne pas te quitter, ou de ne pas revenir pour te suivre. Où tu iras, j'irai et où tu logeras, je logerai. Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu. Là où tu mourras, je mourrai, et je serai enterrée là où tu es enterrée.
Et voici cette composition ici conduite à la baguette par Andrew Larson en 2011, lors d'une performance magnifique menée par la Stetson University Woman's Chorale, autrement dit la chorale féminine de l'université de Stetson, en Floride.
Une somptueuse harmonie des voix, ou comment entrer dans ce récit biblique tout en étant bercé par cette mélodie de douceur et de beauté...
Ce texte du Livre de Ruth est la suite du texte de la semaine dernière. Il est un peu long, mais il se lit comme une petite histoire.
Or il y avait un parent de la famille d'Élimélech, homme puissant et pourvu de grandes richesses, du nom de Booz.
Ruth la Moabite dit à Noémi sa belle-mère :
— Si tu me l'ordonnes, j'irai aux champs glaner les épis qui auront échappé aux mains des moissonneurs. [...]
Ruth s’en alla donc glaner dans un champ, derrière les moissonneurs, et il se trouve que ce champ avait Booz pour seigneur, qui était de la famille d’Elimélech. [...]
Et Booz dit au jeune homme qui dirigeait les moissonneurs :
— À qui est cette jeune fille ?
Le serviteur établi sur les moissonneurs répondit :
— C’est une Moabite, qui est venue avec Noémi, de la région de Moab. Et elle a demandé de ramasser les restes, suivant les pas des moissonneurs, et depuis ce matin jusqu'à maintenant elle est debout dans le champ et pas un instant elle n'est retournée chez elle.
Booz dit à Ruth :
— Écoute, ma fille, ne va pas glaner dans un autre champ, ne t'éloigne pas de ce lieu mais joins-toi à mes servantes. Là où elles moissonneront, suis-les. Car j'ai commandé à mes serviteurs que nul ne te soit importun. Et même, quand tu auras soif, va aux cruches et bois l'eau que mes serviteurs boivent aussi.
Alors, tombant sur sa face, elle se prosterna contre terre et lui dit :
— D’où vient que j'aie pu trouver grâce à tes yeux, et que tu daignes me connaître, moi qui suis une femme étrangère ?
Booz répondit :
— On m’a rapporté tout ce que tu as fait pour ta belle-mère, après la mort de ton mari, comment tu as quitté tes parents et la terre où tu es née, et comment tu es allée vers un peuple qu'auparavant tu ne connaissais pas. Que le Seigneur te paie de retour pour ce que tu as fait, et que tu reçoives ton plein salaire du Seigneur, le Dieu d’Israël, vers qui tu es venue et sous les ailes duquel tu t'es réfugiée ! [...]
Au moment du repas, Booz dit à Ruth :
— Quand ce sera l'heure de manger, viens, mange du pain et trempe ton morceau [de pain] dans le vinaigre.
Elle s’assit donc aux côtés des moissonneurs et reçut de la bouillie d'orge, elle mangea et fut rassasiée, et elle garda le reste. Et ensuite, elle se leva pour glaner, à son habitude.
Or Booz donna ordre à ses serviteurs, disant :
— Même si elle veut moissonner avec vous, ne l'en empêchez pas ! Et même laissez de vos gerbes à dessein, afin qu’elle les glane sans rougir et que nul ne la blâme de glaner.
Elle glana donc dans le champ jusqu’au soir, brisant au bâton ce qu'elle avait glané, le battant elle obtint la quantité d'environ un épha d’orge, c'est-à-dire trois muids. Elle l’emporta et revint à la ville, et le montra à sa belle-mère. Elle tira aussi les restes de son repas, dont elle s'était rassasiée, et le lui donna.
Sa belle-mère lui dit :
— Où as-tu glané aujourd’hui, et où as-tu travaillé ? Béni soit celui qui a eu pitié de toi !
Et elle lui fit connaître chez qui elle avait travaillé et lui dit le nom de l'homme, que l'on appelait Booz. [...]
Comme on l'expliquait la semaine dernière, Ruth est une jeune veuve, originaire de Moab, ayant suivi sa belle-mère retournant en Judée.
Et c'est lors de ce retour que survient l'épisode de la rencontre avec Booz.
On le répète tout le temps, mais pour mieux comprendre un épisode de l’Ancien Testament, il faut souvent connaître un peu les traditions juives qui en constituent le contexte.
Ici, dans ce récit, il faut savoir qu'une coutume juive permettait effectivement aux nécessiteux de glaner ce qui tombait des gerbes derrière les moissonneurs.
Mais, pour autant, si glaner dans les champs derrière les moissonneurs est un droit des pauvres selon la Loi ; son exercice dépend des bonnes grâces du propriétaire. Or, le propriétaire en question, ici, c’est Booz.
Autrement dit : la possibilité offerte ou non à Ruth de ramasser quelques épis dans les champs moissonnés, dépendent de la bonne volonté de Booz, qui en est souverain.
Booz donna ordre à ses serviteurs, disant :
— Même si elle veut moissonner avec vous, ne l'en empêchez pas ! Et même laissez de vos gerbes à dessein, afin qu’elle les glane sans rougir et que nul ne la blâme de glaner.
Ces recommandations répétées (au verset 9 puis à nouveau au verset 15) indiquent que, malgré la loi autorisant à glaner, les moissonneurs se montraient souvent durs envers ceux qui se livraient à ce travail.
Mais aussi et surtout, cette insistance de Booz indique sa générosité à l’égard de Ruth. Il demande délibérément à ses serviteurs de laisser Ruth venir se servir dans les champs pour glaner quelques restes.
[Ruth] glana dans le champ jusqu’au soir, […] elle obtint la quantité d'environ un épha d’orge, c'est-à-dire trois muids. Elle l’emporta et revint à la ville, et le montra à sa belle-mère.
Sa belle-mère lui dit :
— Où as-tu glané aujourd’hui, et où as-tu travaillé ?
Noémi est étonnée de la quantité d'orge rapportée par Ruth. Et en effet, une « mesure » (un épha) vaut environ 45 litres : cette énorme quantité ne s'explique que par une faveur de Booz dont Ruth a été l'objet. D’où l’étonnement de sa belle-mère Noémi !
Cette rencontre entre Ruth et Booz se poursuit (on vous laisse lire le livre de Ruth en entier – ce n’est pas long du tout, 4 chapitres seulement !).
Et comme le laissent comprendre les différents détails que l'auteur biblique glisse dans son récit, une rencontre se trame entre les deux personnages-clefs de cet épisode.
Et, au chapitre 4, Ruth et Booz se marient. Puis ils auront un fils, Jobed, qui aura un fils nommé Jessé (d'où l'expression arbre de Jessé retraçant la généalogie de Jésus depuis ce fameux Jessé, père de David).
Donc si on résume, de cette union entre Ruth et Booz descend David. Autrement dit, pour clarifier la généalogie biblique :
Vous en savez désormais un peu plus sur la généalogie de Jésus, dont on parle plus en détails :
On conclut tout en beauté et en poésie avec Victor Hugo qui déploie ici une singulière réécriture poétique de cet épisode biblique de la rencontre entre Ruth et Booz dans son "Booz endormi" :
Booz s’était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.
Sa barbe était d’argent comme un ruisseau d’avril.
Sa gerbe n’était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
– Laissez tomber exprès des épis, disait-il.
L’ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.
Ruth songeait et Booz dormait ; l’herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C’était l’heure tranquille où les lions vont boire.
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre
Brillait à l’occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.
Victor Hugo, La légende des siècles, poème choisi (extrait), 1876
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