Peut-on représenter Dieu en image ? Discutons des représentations de Dieu dans le judaïsme, chez les chrétiens et dans l'islam.
Oui bien sûr, répond le christianisme : on peut représenter Dieu en image, puisqu'il s'est lui-même donné la peine de se faire voir en assumant carrément un corps humain ! C’est précisément à ce corps que Mozart a dédié l'un de ses plus beaux hymnes, Ave verum corpus*, composé en juin 1791 pour la fête du Corps du Christ.
Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux
Ce que nous avons contemplé et nos mains ont touché du Verbe de vie
— car la vie a été manifestée
et nous l’avons vue et nous lui rendons témoignage
et nous vous annonçons la vie éternelle qui était tournée vers le Père
et qui nous est apparue —
Ce que nous avons vu et entendu nous vous l’annonçons à vous aussi
afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous
et que notre communion soit avec le Père et avec son fils Jésus-Christ.
Et nous vous écrivons ces choses pour que notre joie soit complète.
C'est une question qui a traversé toute l'histoire de l'art et qui trouve son fondement dans une grande préoccupation biblique : Peut-on représenter Dieu en image ?
Dans le texte biblique que vous aurez naturellement pris le temps de lire, saint Jean annonce que ses yeux l’ont vu, que ses mains l’ont touché.
Il parle évidemment du mystère du Christ, Dieu venu dans la chair. Dans l'unique personne de Jésus-Christ, l'unité sans confusion de la nature humaine et de la nature divine scelle la réconciliation de Dieu avec l'homme.
Et puisque Dieu s’est fait homme, l'être humain est à nouveau capable de voir Dieu en Jésus, et donc de le représenter en image :
« Qui m'a vu a vu le Père », dit Jésus (Jn 14,9)
En grec, on distingue deux grands types d'images, ou plutôt deux grandes manières de se comporter par rapport à l'image.
Quand les chrétiens vénèrent les icônes, c'est en tant qu'elles re-présentent Dieu et les réalités divines.
Ils ne vénèrent pas des idoles !
Jean Damascène, Père de l’Église, a écrit des lignes prodigieuses à ce sujet. Né au VIIIème siècle à Damas en Syrie, il a fini sa vie dans le désert de Judée, près de Bethléem. De son temps, les images étaient devenues un problème pour de nombreux chrétiens, notamment sous l'influence des débuts de l'islam, et l’iconoclasme (vient du grec eikôn (« image ») et klaô (« briser »)) était une tentation puissante. Voilà alors la réponse magnifique qu'il adresse à ceux qui détruisent délibérément les images :
« En d'autres temps, Dieu n'avait jamais été représenté en image, lui qui n'a ni corps ni visage. Mais désormais, Dieu a été vu dans sa chair, il a vécu parmi les hommes : je représente ce qui est visible en Dieu. Je ne vénère pas la matière, mais le créateur de la matière qui s'est fait matière pour moi, a daigné habiter dans la matière et opérer mon salut à travers la matière. Je ne cesse donc pas de vénérer la matière à travers laquelle m'a été assuré le salut. Mais je ne la vénère absolument pas comme Dieu ! […] N'offense donc pas la matière : elle n'est pas méprisable ; car rien de ce que Dieu a fait n'est méprisable. »
Jean Damascène, Contra imaginum calumniatores (Discours contre ceux qui disent du mal des images) 1, 16.