Que dit le Coran sur l'histoire de Caïn et Abel ? Qu'est-ce qui change par rapport à la Bible ? Combien de corbeaux y a-t-il à l'enterrement d'Abel ?
Le Coran mentionne l’épisode de Caïn et Abel, donc on a envoyé un pigeon voyageur à nos frères du Caire pour leur demander de nous éclairer.
Basé dans la capitale égyptienne, l'IDÉO, Institut dominicain d’études orientales, est un repaire d’érudits parlant l’arabe à merveille et disposant d’une des plus incroyables bibliothèques pour étudier l’Islam. Ils se sont posés une question :
Ce détail peut vous sembler futile, mais il est loin d’être anodin. Revenons un peu en arrière pour comprendre ce qui est en jeu…
Voilà ce que dit le Coran dans la cinquième sourate :
"Sa passion le porta à tuer son frère ; il le tua donc et se trouva alors au nombre des perdants. Dieu envoya un corbeau qui se mit à gratter la terre pour lui montrer comment cacher le cadavre de son frère. Il dit : "Malheur à moi ! Suis-je incapable d'être comme ce corbeau et de cacher le cadavre de mon frère ?" - Il se trouva alors au nombre de ceux qui se repentent - Voilà pourquoi nous avons prescrit aux fils d'Israël : "Celui qui a tué un homme qui lui-même n'a pas tué, ou qui n'a pas commis de violence sur la terre; est considéré comme s'il avait tué tous les hommes ; et celui qui sauve un seul homme est considéré comme s'il avait sauvé tous les hommes"."
Le Coran, traduction par Denise Masson, (Bibliothèque de la Pléiade 190), Paris : Gallimard, 1967.
Le Coran raconte le meurtre d’Abel par Caïn de manière très elliptique. Le récit est même tellement résumé par rapport au récit biblique qu’il en devient incompréhensible à un auditeur qui ne connaîtrait pas sa Bible sur le bout des doigts.
Les deux frères, Caïn et Abel ne sont même pas nommés. Et honnêtement, même un lecteur chevronné ne comprendrait pas ce que vient faire le corbeau dans l’histoire.
Un Midrash est une méthode de la tradition juive pour commenter la Bible en comparant les textes bibliques les uns avec les autres. Les liens entre le Coran et les Midrash sont très nombreux.
Heureusement que l’auditeur du Coran connaît bien le Midrash Tanhuma (Bereshit, 10). Dans ce commentaire biblique juif du 5ᵉ siècle, on raconte que Dieu envoya deux oiseaux devant Caïn, dont l’un tua l’autre avant de l’enterrer en grattant le sol de ses pattes.
Notre auditeur est perplexe : il remarque qu’un des deux oiseaux a disparu dans le texte du Coran. Au-delà du style elliptique habituel du récit Coranique, il se demande naturellement ce que signifie cette omission.
Deux interprétations s’offrent à lui :
👉 Le Coran a la pudeur de ne pas forcer la réponse, qui reste ouverte.
C’est le mystère du mal et de son origine qui se met en place ici, à l’occasion du premier meurtre de l’humanité, à travers un (ou deux) simple(s) corbeau(x).
Bref, pour lire le Coran comme pour lire la Bible, mieux vaut connaître le contexte d’écriture et les récits auxquels il fait référence pour en comprendre le sens. Très honnêtement, sans nos frères du Caire, on n'aurait rien capté…