Découvrez comment Ingres peint le recouvrement de Jésus au temple ! Que fait Jésus avec des docteurs au Temple ? Quel rapport avec l’École d’Athènes ?
Aujourd’hui, sortez la gouache et les palettes, on va parler peinture !
De son triple prénom composé complet, Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) est un peintre français. Né à Montauban, il étudie à l'École des Beaux-Arts de Paris. C'est son autoportrait que vous voyez ci-dessus.
L'une de ses toiles a particulièrement attiré notre attention. Saviez-vous que la première parole de Jésus, rapportée dans l’évangile de Luc, a été prononcée alors qu’il n’avait que 12 ans ?
Ingres s’est emparé de ce moment dans son tableau Jésus parmi les docteurs, datée de 1862. Comment interprète-t-il cette scène ? Réponse par le texte biblique et par l’analyse du tableau !
Âgé de 12 ans, Jésus se rend à Jérusalem avec ses parents pour célébrer la fête juive de Pâque. Ce récit familial est l'un des très rares événements de l’enfance de Jésus – seul l'évangile de Luc en rapporte quelques épisodes…
Et ses parents se rendaient chaque année à Jérusalem, pour la fête de la Pâque. Et quand il eut douze ans, comme ils étaient montés à Jérusalem selon la coutume de la fête, une fois les jours écoulés, alors qu'ils s'en retournaient, l'enfant Jésus resta à Jérusalem et Joseph et sa mère ne le savaient pas.
Pensant qu’il était dans la caravane, ils firent une journée de chemin et ils le recherchaient parmi leurs proches et leurs connaissances. Et ne l'ayant pas trouvé, ils s’en retournèrent à Jérusalem pour le chercher.
Il arriva que, trois jours après, ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant ; et tous ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses. Et, le voyant, ils furent frappés d'étonnement. Et sa mère lui dit :
— Mon enfant, que nous as-tu fait en agissant de la sorte ? Vois, ton père et moi, c'est dans la douleur que nous te cherchions.
Et il leur dit :
— Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne savez-vous pas qu’il me faut être aux affaires dans la maison de mon Père ?
Et eux ne comprirent pas la parole qu’il leur dit. Et il descendit avec eux et vint à Nazareth et il leur était soumis. Et sa mère conservait toutes ces paroles en son cœur.
Observons le tableau dans sa globalité. Sans aucune connaissance préalable, le spectateur a l’impression d’être face à une salle de cours antique très agitée avec un professeur au centre et des élèves tout autour !
Sauf qu’un (gros) détail nous interpelle. Pourquoi les élèves sont-ils plus âgés que le professeur ? Évidemment, dès qu’on a lu le passage de l’évangile qui inspire ce tableau, on reconnaît immédiatement le jeune Jésus :
À l’arrière-plan, juste derrière Jésus, on reconnaît les fameuses tables de la Loi reçues par Moïse. Mais elles sont comme effacées, calfeutrées dans l’ombre. À l’inverse, Jésus est en pleine lumière. Son enseignement éclairait-il la Loi de Moïse ?
Comme souvent chez Ingres, la composition de l'œuvre est divisée en 3 cercles. Or, le chiffre 3 ainsi que le cercle… sont des symboles de perfection en art.
Représenté par Ingres avec un bras en l’air tendu vers le ciel, Jésus semble répondre à sa mère, conformément à l’évangile de Luc :
« Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne savez-vous pas qu’il me faut être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 49)
Ingres interprète magistralement cet épisode de l’évangile ! En effet, il choisit de présenter Jésus dans une position qui pointe à la fois vers le ciel et… vers sa mère ! Il semble ainsi suggérer la double nature de Jésus (pleinement homme et pleinement Dieu) :
Observons maintenant cette assemblée de docteurs de la Loi. Rappelons qu'ils sont ceux par excellence, qui étudient la Torah dans le Temple de Jérusalem.
Or, malgré leurs connaissances, aussi belles et nombreuses que les couleurs dont Ingres les vêtit, leurs livres tombent devant la sagesse de cet enfant ! Telles des feuilles mortes, leurs livres jonchent le sol de marbre froid qu’ils peinent à réchauffer de leurs savoirs.
Enfant, Jésus fait autorité (on vous en parle mieux dans cet article !) et captive son auditoire :
En fait, ce tableau est une singulière interprétation du texte biblique. En renversant au sol les livres, Ingres fait symboliquement « tomber » leurs interprétations de l’Écriture qui s’effacent devant le Verbe, incarné en la personne de Jésus. Ces docteurs reconnaissent en Jésus une intelligence remarquable.
Les docteurs de la Loi sont représentés par Ingres comme des élèves qui s’émerveillent de la leçon qu’ils reçoivent de leur jeune maître !
Entre nous, ce tableau ne vous en évoque-t-il pas un autre ? Au hasard, le tableau ci-dessus ? On vous explique ça vite en 2 points !
1) Ingres est un peintre néoclassique. Conformément à ce courant esthétique, il campe cet épisode biblique dans un décor aux allures antiques, symbolisé par le dallage symétrique (le long couloir central vide, qui guide le regard vers Jésus), dans lequel il ajoute des piliers baroques. Tout ceci forme une composition parfaitement géométrique.
2) Ingres n’hésite pas à recourir à l’interpicturalité (un gros mot pour signifier qu’il s’inspire des peintres qui l’ont précédé).
Ici, Ingres s’inspire de… L'École d’Athènes de Raphaël ! Voilà une clé de lecture pour décrypter cette toile. En effet, il emprunte à ce célèbre tableau :
Ingres s’en réfère à l’œuvre de Raphaël car sa fresque évoque l’enseignement philosophique que l’on transmet aux élèves dans une école avec Platon et Aristote… Tout comme le texte biblique de Luc évoque la connaissance théologique transmise par Jésus dans le Temple de Jérusalem.
On comprend mieux pourquoi la référence s’est imposée au peintre ! Les deux œuvres traitent de concert la notion de « sagesse » : sagesse philosophique avec Platon et Aristote chez Raphaël ; sagesse théologique avec Jésus chez Ingres !
Pour conclure, on vous laisse avec les mots de Théophile Gautier, représenté dans la toile par son ami Ingres ! Le poète écrivait au sujet de cette œuvre et de ce passage de l’évangile de Luc :
« Leur sagesse s’humilie et reconnaît son néant. Elle vient de la terre, l’autre arrive du ciel. »
Théophile Gautier (1811-1872), extrait de l'article paru dans Le Moniteur universel, « Jésus enfant parmi les docteurs, tableau de M. Ingres », 10 avril 1862
Le recouvrement de Jésus est un épisode de l’évangile de Luc (Lc 2) où Jésus est retrouvé par ses parents au Temple de Jérusalem après trois jours de recherche.
Jésus est retrouvé par ses parents au Temple de Jérusalem entouré de docteurs de la Loi, avec qui il discute. Ces grands savants sont captivés par ses questions et ses réponses, ce qui témoigne de l’intelligence remarquable de Jésus, alors qu'il a seulement 12 ans !
Jésus est représenté au milieu des docteurs de la Loi qui s’émerveillent de l’enseignement reçu par ce jeune maître.
Qu’est-ce que Jésus désigne du doigt dans le tableau d’Ingres ?
Ces gestes peints par Ingres suggèrent ainsi symboliquement la double nature (humaine et divine) de Jésus.
En peignant Jésus parmi les docteurs, Ingres s’inspire du même décor antique en peignant aussi de nombreux personnages colorés. Jésus, comme Platon et Aristote chez Raphaël, a des mouvements du bras. En fait, ces deux tableaux traitent la notion de “sagesse” :