En France, la tradition de la galette des rois vient célébrer l'épiphanie. Mais qui sont vraiment ces trois rois mages ? Que dit le texte biblique sur ces personnages ?
Une bonne pépite de 2001 pour commencer 2024 !
Dans le film Les Rois mages, Les Inconnus interprètent des rois mages… perdus au XXIᵉ siècle. On vous laisse découvrir ce petit extrait d’une scène où ils espèrent obtenir l'hospitalité dans un célèbre hôtel parisien. Un concentré de bonheur !
En bonus pour les moins cinéphiles, on vous laisse savourer la délicieuse voix de Sheila qui chante « Comme les rois mages » dans ce mythique morceau sorti en 1971 !
Jésus étant né à Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode voici que des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem disant :
— Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Car nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus l’adorer.
Ce que le roi Hérode ayant appris il fut troublé et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple et il s'enquit auprès d'eux où devait naître le Christ.
Ils lui dirent :
— À Bethléem de Judée car ainsi a-t-il été écrit par le prophète : Et toi Bethléem terre de Juda tu n’es pas la moindre parmi les principales villes de Juda car de toi sortira un chef qui paîtra Israël mon peuple.
Alors Hérode ayant fait venir secrètement les mages s’enquit avec soin auprès d’eux du temps où l’étoile était apparue. Et il les envoya à Bethléem en disant :
— Allez, informez-vous exactement au sujet de l’enfant et lorsque vous l’aurez trouvé faites-le-moi savoir afin que moi aussi j’aille l’adorer.
Ayant entendu les paroles du roi ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient allait devant eux jusqu’à ce qu'elle vint et s'arrêta au-dessus du lieu où était l’enfant. À la vue de l’étoile ils se réjouirent avec une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l’enfant avec Marie sa mère et se prosternant, ils l’adorèrent puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or de l’encens et de la myrrhe. Et ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
En France, la tradition de la galette des rois vient célébrer la fête de l’Épiphanie. C’est le folklore du début d’année au bon goût de frangipane, de moments chaleureux pour « tirer les rois » et d’inquiétude secrète tandis qu’on croque dans le gâteau en espérant la fève…
Mais qui sont ces trois rois mages ? Que dit le texte biblique sur ces personnages ? Pour aborder tout ça, passons d’abord au tamis 3 points de ce récit et posons 3 questions :
D’abord, penchons-nous sur les mots. Le mot « mage » vient du terme magos en grec, un membre de la tribu des Magoï de l'ancienne Perse. Ils étaient des prêtres païens, des savants, mais aussi des sorciers. Ici, il est probablement question de personnages sages et érudits, bien calés en astronomie puisqu’ils évoquent une « étoile » qui les a menés jusqu’en Judée.
En fait, rien ne dit qu'ils sont seulement trois. Vous pouvez relire le texte en long en large et en travers, vous ne trouverez pas la moindre trace nous indiquant leur nombre. L’évangile de Matthieu dit simplement : « des mages venus d’Orient » (Mt 2, 1). Ils sont donc étrangers et viennent de loin, mais peut-être étaient-ils sept, ou neuf, ou vingt-trois, ou deux…
Parler des « trois » rois mages est un fruit de la réflexion. En effet, plusieurs traditions ont existé, chacune apportant une interprétation sur le nombre composant ce groupe de mages. Celle qui a fini par dominer est celle qui compte 3… pour concorder avec les 3 cadeaux apportés à l’enfant : l’or, l’encens, la myrrhe.
Au passage, cette tradition nous est également devenue familière en raison des innombrables tableaux représentant ce passage… car le thème de « l’adoration des mages » fait partie des scènes bibliques les plus représentées dans l’histoire de l’art.
Bon, si le nombre des 3 rois mages est issu de la tradition, sachez que rien n'atteste non plus que les « mages » sont aussi des « rois ».
Les mages persans n'étaient pas des rois mais plutôt des conseillers royaux. Historiquement, c’est le philosophe et théologien Tertullien (ca. 160-230 ap. J.-C.) qui est le premier à avoir vu dans ces mages des rois, car, dit-il, l'orient avait des mages presque pour rois (Contre Marcion, 3,13).
Il suit en fait une interprétation très ancienne déjà trouvée chez Justin de Naplouse (ca. 90-165 ap. J.-C.) qui voit dans la visite des mages l'accomplissement des prophéties messianiques des Psaumes :
« Les rois d'Arabie et de Saba lui offriront des présents » (Ps 72, 10)
Deuxième découverte : parler de « rois » mages, tout comme parler des « trois » rois mages, est un fruit de l’exégèse ancienne — dans le premier cas, via la lumière de l'Ancien Testament. Et qu’en est-il de leur prénom alors ?
Progressivement, la tradition a aussi nommé les rois. Dans le Livre de la Caverne des trésors, ouvrage écrit en langue syriaque en VIIe siècle, leurs prénoms ressemblent à des noms de rois de l'époque : Hormizdad, Yazdgerd et Parwezdad.
Pour souligner qu'ils représentent l'humanité entière, on les imagine comme un jeune, un homme d'âge mûr et un vieillard — chacun prenant le visage d'un peuple particulier.
Au XIVe siècle, le moine Jean de Hildesheim note leurs prénoms et attribue à chacun une origine propre :
Déjà au XVIIe siècle, un des mages prend parfois le visage d'un chef indien d'Amérique.
Bref, si on reprend, on peut donc faire la conclusion suivante :
Absents du texte de l'évangile, ces éléments issus de la Tradition ne sont pas faux pour autant. Ils viennent finalement interpréter et actualiser l'évangile.
Dans la culture occidentale, la fête de Noël est l’occasion de s’offrir des cadeaux en famille, de partager de longs repas au cœur des courtes journées d’hiver et de trinquer joyeusement.
Si la pop-culture s’est largement emparée de la figure du Père Noël en détachant Noël de son sens religieux, il n’en est pas totalement ainsi en Espagne. En effet, les Espagnols ne déballent pas leurs cadeaux le 25 décembre mais le 6 janvier, jour de l’Épiphanie. Cette fête s’appelle d’ailleurs « día de los Reyes » (le jour des rois).
Les Espagnols s’offrent ainsi des cadeaux au moment de l’Épiphanie, en mémoire de cet épisode où les rois mages offrent des cadeaux à Jésus nouveau-né.
**Dernier détail pour la route : le mot « épiphanie » vient du grec epiphaneia qui signifie « manifestation, apparition ». La tradition orthodoxe parle d’ailleurs de cette fête sous le nom de « théo-phanie », c’est-à-dire apparition de Dieu.
En effet, par la venue des mages qui l'adorent et lui offrent des cadeaux, Jésus est ainsi (en filigrane) reconnu dans sa divinité. Ce n’est pas un simple enfant, c’est Dieu qui se manifeste et assume la condition humaine.
« À la vue de l’étoile, ils se réjouirent avec une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l’enfant avec Marie sa mère et, se prosternant, ils l’adorèrent ; puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » (Mt 2, 10-11)
**Dernier dernier détail pour la route : l’expression « ils se réjouirent avec une très grande joie » semble être redondante, mais c’est là la traduction exacte du texte biblique. Cette formule répète la même racine (réjouir / joie) et produit ainsi un effet d'insistance sur l'intensité de la joie éprouvée par les mages.
Et nous on conclut là-dessus : la joie.
Pour finir, on laisse la parole au bon vieil Irénée de Lyon, théologien et père de l’Église du IIe-IIIe siècle. Il interprète les cadeaux offerts par les mages comme des symboles indiquant l’identité de Jésus : humanité, royauté, divinité.
« Ayant été conduits par l'étoile jusqu'à l'Emmanuel, les mages firent voir, par les présents qu'ils offrirent, quel était Celui qu'ils adoraient : la myrrhe signifiait que c'était lui qui, pour notre race humaine mortelle, mourrait et serait enseveli ; l'or, qu'il était le Roi dont le règne n'aurait pas de fin ; l'encens, enfin, qu'il était le Dieu qui venait de se faire connaître en Judée et de se manifester à ceux qui ne le cherchaient point. »
Irénée de Lyon, Contre les hérésies (3,9,2), Paris : Cerf, coll. Sources Chrétiennes, 1952-1982, éd. et trad. François Sagnard, Adelin Rousseau et Louis Doutreleau
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