À Noël, on célèbre la naissance de Jésus à Bethléem. Mais ce lieu chargé d'histoire est aussi associé à la souffrance et la mort de Rachel. Quel est le lien entre Rachel et Jésus ?
Rachel Green de Friends et la Bible. Quel est le rapport avec la choucroute ? C'est tout simplement le nom d'un personnage biblique qui a traversé 3 000 ans d'histoire. En hébreu, Rachel signifie « brebis ».
Jacob passe dans la ville de Bethléem avec sa femme Rachel :
Parti de là, il vint au printemps sur le chemin qui mène à Ephrata où Rachel était en travail. Pendant les douleurs de l’enfantement elle se trouva en danger de mort. La sage-femme lui dit :
— Ne crains pas car c’est encore un fils que tu vas avoir.
Comme son âme s’en allait du fait de la douleur — car elle était mourante — elle le nomma Benoni, c'est-à-dire : fils de ma douleur — mais son père l’appela Beniamin, c'est-à-dire : fils de la droite. Rachel mourut donc et elle fut enterrée sur la route qui conduit à Ephrata, qui est Bethléem. Jacob éleva un monument sur sa tombe. C’est le monument de la tombe de Rachel jusqu'à aujourd’hui.
Jésus était né à Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode [...]. Alors Hérode fut très en colère et il envoya tuer tous les enfants de Bethléem et de toute sa région depuis l’âge de deux ans et au-dessous, d’après le temps qu'il s'était fait préciser par les mages.
Alors fut accomplie la parole dite par le prophète Jérémie disant :
— Une voix en Rama a été entendue, beaucoup de pleurs et de désolations : Rachel pleure ses enfants et elle ne veut pas être consolée parce qu’ils ne sont pas.
L’Évangile selon Matthieu dans le Nouveau Testament raconte la naissance de Jésus à Bethléem. Matthieu écrit son Évangile avec la mémoire qu’il a des récits de l’Ancien Testament. Le constant renvoi à des lieux mentionnés dans ces récits invite le lecteur à se rappeler toutes les histoires qui s'y sont passées.
Ainsi, l'évocation de Bethléem dans l’Évangile évoque aussi l’accouchement de Rachel et sa destinée tragique.
Dans l'Ancien Testament, Bethléem est le lieu d’une naissance dramatique qui entremêle la mort de la mère, Rachel, avec la vie de son fils nouveau-né, Benjamin. Ainsi, Bethléem est le lieu de la tombe de Rachel et celui du berceau de Benjamin.
L’Évangile selon Matthieu rappelle cette ambivalence entre la vie et la mort à Bethléem. Alors que Jésus vient de naître, Hérode fait massacrer tous les enfants pour être sûr d'anéantir le Messie nouveau-né : « Il envoya tuer tous les enfants de Bethléem et de toute sa région depuis l’âge de deux ans et au-dessous. » (Matthieu 2,16).
Dans ce récit du massacre des innocents, Rachel est mentionnée par l'évangéliste comme la figure maternelle qui pleure les enfants de ce lieu : « Une voix en Rama a été entendue, beaucoup de pleurs et de désolations : Rachel pleure ses enfants et elle ne veut pas être consolée parce qu’ils ne sont pas » (Jérémie 31,15).
Selon le livre de la Genèse, Rachel meurt et elle est pleurée, mais dans le livre de Jérémie — cité par l'évangéliste — c'est Rachel qui pleure ses enfants.
Finalement, ce rapide parcours dans l'Ancien et le Nouveau Testaments montre combien le village de naissance de Jésus est un lieu historique chargé.
Les drames de Bethléem traversent l'histoire. Fiodor Dostoïevski le rappelle dans Les Frères Karamazov. En Russie, une femme qui a perdu son enfant est effondrée. Elle vient rencontrer un vieux moine, le starets Zosime, et lui montre la ceinture de son enfant défunt :
« Elle tira de son sein la petite ceinture en passemanterie de son garçon ; dès qu’elle l’eut regardée, elle fut secouée de sanglots, cachant ses yeux avec ses doigts à travers lesquels coulaient des torrents de larmes.
— Eh, proféra le starets, cela c’est l’antique ''Rachel pleurant ses enfants sans pouvoir être consolée, car ils ne sont plus.'' Tel est le sort qui vous est assigné en ce monde, ô mères ! Ne te console pas, il ne faut pas te consoler, pleure, mais chaque fois que tu pleures, rappelle-toi que ton fils est un des anges de Dieu, que, de là-haut, il te regarde et te voit, qu’il se réjouit de tes larmes et les montre au Seigneur ; longtemps encore tes pleurs maternels couleront, mais enfin ils deviendront une joie paisible, tes larmes amères seront des larmes d’attendrissement et de purification, laquelle sauve du péché. Je prierai pour le repos de l’âme de ton fils. »
Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov, éd. Le Messager russe, Empire russe, 1880.