Découvrez le début de l’histoire du sacrifice d’Abraham. Que demande Dieu à Abraham ? En quoi cette épreuve fait-elle grandir Abraham ?
On commence avec la reine du folk.
Dans son morceau sobrement intitulé Isaac & Abraham sorti en 1992, l’immense Joan Baez évoque la terrible épreuve à laquelle Abraham doit faire face…
“Abraham took his only son high up on a hill / His test of faith had finally come”
Traduction : « Abraham prit son fils unique en haut d'une colline / L'épreuve de la foi était enfin arrivée. »
Mais quelle est donc cette « épreuve » ? Réponse par le texte, direction le Livre de la Genèse !
Voici le tout début de l'épisode du « sacrifice d'Abraham ».
Et il arriva que Dieu éprouva Abraham et lui dit :
— Abraham !
Et il dit :
— Me voici.
Et Dieu dit :
— Prends ton fils, ton unique, que tu aimes, Isaac et va-t’en au pays de Moriyya et offre-le là en holocauste sur une des montagnes que je te dirai.
L’épisode du « sacrifice d’Abraham » est tellement énorme qu'on a choisi de le traiter en plusieurs numéros — d’ailleurs, comme vous l’avez remarqué, on s’est simplement contenté des deux premiers versets pour le moment.
Dans ce passage célèbre qui inspira et inspire tant d’artistes depuis des siècles, Dieu demande à Abraham de lui offrir son fils Isaac en sacrifice. Comment ne pas être scandalisé par une telle demande ? Dieu veut-il la mort d’Isaac ?
En fait, en regardant de plus près le texte biblique, les auteurs nous donnent d’emblée une clé de lecture, dès le premier verset de ce passage :
« Et il arriva que Dieu éprouva Abraham » (Gn 22, 1)
Voilà la clé : Dieu met à l'épreuve Abraham. D’ailleurs, il l'a déjà fait à plusieurs reprises !! Autrement dit, ce court verset introductif suggère d'emblée au lecteur l’issue de cet épisode : Isaac ne mourra pas !
En fait, cette épreuve est une sorte de « test » pour Abraham : dès le début, le lecteur peut donc deviner que le dénouement sera heureux. Mais quel est le but de cette mise à l’épreuve ?
Au sens littéral, « éprouver » signifie soumettre quelqu’un à une expérience particulière… qui est souvent l’occasion d’une transformation profonde.
Ainsi, dans la Bible, lorsque Dieu met à l'épreuve, c’est pour faire grandir et pour révéler la valeur profonde des personnages en question. Tel l'affineur travaille son or pour le purifier, le croyant est éprouvé pour grandir en Dieu, comme le dit le Livre de Job :
« [Dieu] connaît ma voie, il m’a éprouvé, comme l’or qui passe par le feu. » (Jb 23, 10)
C'est en ce sens que Dieu agit en éprouvant Abraham. Finalement, la mise à l'épreuve d’Abraham n’a pas pour but de le faire souffrir ou de l'anéantir, mais bien de le transformer et de le renouveler… dans sa paternité ou dans sa connaissance de Dieu par exemple ?
Pour le dire autrement, l’épreuve que Dieu fait vivre à Abraham… est un moyen de le faire grandir. C’est donc une étape de sa pédagogie.
Dieu éprouve Abraham. En fait, cet épisode est une sorte de récit initiatique. Abraham est appelé à passer par des étapes et à les surmonter.
La psychanalyste Marie Balmary interprète notamment cet épisode comme le sacrifice... de la paternité d'Abraham. Ainsi, selon cette lecture :
En effet, Isaac n'appartient pas à Abraham. Bref, le père doit en quelque sorte « couper le cordon » avec son fils. Cet épisode est donc une manière symbolique pour Abraham de se séparer d'Isaac afin qu'il devienne un adulte libre. Cette mise à l'épreuve par Dieu est l'occasion pour Abraham d'être formé en tant que père. Grâce à elle, il grandit et évolue.
De la même manière, dans le Nouveau Testament, Jésus est poussé par l'Esprit dans le désert (Lc 4, 1-2). Là, il est lui aussi mis à l'épreuve pendant 40 jours de tentations.
Pour conclure, loin de montrer l'image d'un Dieu qui anéantit Abraham ou qui veut la mort d’Isaac, cet épisode révèle plutôt celle d'un Dieu qui permet au croyant de grandir grâce à cette épreuve.
Le philosophe danois Søren Kierkegaard s'est beaucoup intéressé à cet épisode biblique. Il montre que cette épreuve est fondamentale dans l'histoire d'Abraham :
« Au point de vue moral, la conduite d'Abraham s'exprime en disant qu'il voulut tuer Isaac ; et au point de vue religieux, qu'il voulut le sacrifier. C'est en cette contradiction que réside l'angoisse capable de livrer à l'insomnie, et sans laquelle cependant Abraham n'est pas l'homme qu'il est. »
Søren Kierkegaard (1813-1855), Crainte et Tremblement (1843), trad. P. H. Tisseau, Aubier, 1946, p. 24
Dieu le met à l’épreuve pour le faire grandir en Dieu. Abraham sort alors grandi et renouvelé.
Lorsque Dieu met à l’épreuve le croyant, c’est pour faire grandir et révéler la valeur profonde du croyant. Cela permet alors à ce dernier de grandir en Dieu.
Abraham est invité à passer par des étapes et à les surmonter. Selon la lecture de Marie Balmary, ce n’est pas Isaac qui est sacrifié, mais la paternité mal ajustée d’Abraham. Cet épisode permet symboliquement à Abraham de se séparer d’Isaac qui peut alors devenir un adulte libre.