Quelle est la nature des récits évangéliques ? La Résurrection de Jésus est-elle un mythe ou une réalité ? Jésus a-t-il historiquement existé ?
Le poète ou le chanteur ne se pose pas la question de l’existence de Jésus ou de la véracité des Évangiles, il préfère en chanter l’éclatante évidence comme le rappeur Stormzy avec son titre Blinded by your grace (« Aveuglé par ta grâce »)... Ce qui ne nous empêche absolument pas de nous pencher sur ces questions dans L'éclairage !
Quelle est la nature du lien entre ce que nous raconte le texte de la résurrection et la réalité historique ? On vous laisse lire le texte biblique et on se penche sur la question dans L'éclairage...
Marie, cependant, restait dehors devant le tombeau, à pleurer.
Tout en pleurant, elle se baissa pour regarder à l’intérieur du sépulcre.
Elle distingue alors deux anges vêtus de blanc, assis
l’un du côté de la tête, l’autre du côté des pieds, là où le corps de Jésus avait reposé. Ils lui disent :
— Femme, qu’as-tu à pleurer ?
Elle leur répond :
— C’est parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis.
Sur ces mots, elle fait volte-face
et voit Jésus devant elle,
sans savoir que c’était lui.
Jésus lui dit :
— Femme, que pleures-tu ? Qui cherches-tu ?
Marie, croyant qu’il s’agissait du jardinier, lui répond :
— Seigneur, si c’est toi qui l’a pris, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai moi-même le reprendre.
Jésus lui dit : Marie !
Elle se retourne alors et lui dit :
— Rabbouni ! — ce qui veut dire « Maître ».
Jésus lui répond :
— Ne me touche pas :
je ne suis pas encore monté jusqu’au Père.
Va plutôt vers mes frères et dis-leur :
— Je vais monter vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
Marie de Magadala vient annoncer aux disciples :
— J’ai vu le Seigneur !
C’est une question qui n’est plus véritablement posée aujourd’hui. Si le philosophe Michel Onfray relance le débat, aucun historien sérieux ne s’y aventure… Précisément parce qu’en appliquant une stricte méthode historique, la question de l’existence historique de Jésus a une réponse claire.
Qu’est-ce qui constitue l’historicité d'un événement aux yeux des historiens ?
Dans le cas de Jésus, de nombreux livres du Nouveau Testament évoquent son existence, à commencer par les quatre Évangiles. Ce sont autant de sources différentes. Le fait que ces Évangiles, qui reprennent les canons des biographies antiques d’hommes illustres, semblent se contredire sur certains points factuels, tend paradoxalement à en renforcer l'authenticité. On n'a pas cherché, à tout prix, à harmoniser les récits pour en effacer les différences.
La qualité des sources est également importante : un texte écrit il y a un millénaire, ou même quelques siècles après les faits, sans source, sera légèrement suspect, non ? Si l'on vous dit aujourd’hui que Jésus était empereur de Tombouctou sans preuve, ça fait un beau roman, mais pas une source sérieuse pour le travail historique.
En l’occurrence, les Évangiles sont écrits quelques décennies après la fin de sa vie terrestre (années 70-90 de notre ère - et même les années 40 pour les premières lettres de saint Paul !) et le processus de rédaction est achevé à la fin du premier siècle. Cela fait des Évangiles une source très fiable.
Un historien rigoureux répondra que ces multiples sources ne suffisent pas, car il faut des sources de types différents. Or, les Évangiles sont d’un seul type, des biographies écrites par des croyants, visant à répandre la foi. Mais on a de la chance parce que Flavius Josèphe, historien juif pharisien qui écrit à la Cour de Rome à la fin du premier siècle, relate dans ses livres des événements survenus en Terre Sainte et parle de Jésus, de Jean-Baptiste et de Jacques.
Ce passage des Antiquités juives concernant Jésus est appelé le Testimonium Flavinium et règle définitivement la question, puisqu’on tient là une source d’un type différent. Même les Juifs qui n'ont pas cru à la résurrection de Jésus n'ont jamais remis en doute son existence.
Si l'on s'en tient à la méthode historique, le débat sur l'existence de Jésus est largement clos. Oui, Il a existé.
Testons la méthode historique sur le sujet vraiment décisif : est-ce que la résurrection du Christ est un événement historique ? Si c’est bien le cas, toutes les autres affirmations de la foi (le fait qu’il soit Dieu, tous les miracles qu’il a accomplis ou encore la conception virginale de Jésus) sont aussi possibles.
Oui mais non, parce qu’il suffit de réfléchir deux secondes pour s’apercevoir que si un historien l’avait vu ressuscité et l’attestait dans un écrit, on l'aurait suspecté d’être un de ses disciples. Pourquoi ? Si vous voyez un homme mort, qui ressuscite et qui vous dit qu’il est Dieu, normalement vous changez de vie, vous devenez disciple et, du coup, votre ouvrage sera suspect et de la même teneur que les Évangiles…
C’est un peu le serpent qui se mord la queue. Il apparaît donc logiquement impossible qu’une telle source existe.
Notre hypothèse, c’est : le fait même de la Résurrection échappe à la démonstration de la véracité historique et renvoie l’homme à sa liberté d’accueillir ou non cette Vérité.
Mais en fait, Guitton a des billes pour remettre en cause notre hypothèse. Alors allez jusqu’au bout des mots de la fin.
Pour conclure, on vous propose une battle au sommet entre deux auteurs bien solides. Chez PRIXM, on penche clairement du côté de Guitton qui, à notre humble avis, met clairement une rouste à Rousseau qui croit à l'existence de Jésus et à son enseignement mais pas au plus grand miracle qu'est la Résurrection :
« Dirons-nous que l’histoire de l’Évangile est inventée à plaisir ? Mon ami, ce n’est pas ainsi qu’on invente ; et les faits de Socrate, dont personne ne doute, sont moins attestés que ceux de Jésus-Christ. Au fond c’est reculer la difficulté sans la détruire ; il serait plus inconcevable que plusieurs hommes d’accord eussent fabriqué ce livre, qu’il ne l’est qu’un seul en ait fourni le sujet. Jamais les auteurs juifs n’eussent trouvé ni ce ton ni cette morale ; et l’Évangile a des caractères de vérité si grands, si frappants, si parfaitement inimitables, que l’inventeur en serait plus étonnant que le héros. Avec tout cela, ce même Évangile est plein de choses incroyables, de choses qui répugnent à la raison, et qu’il est impossible à tout homme sensé de concevoir ni d’admettre. »
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou De l'éducation (4,100), Paris : Garnier Frères, 1762
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Dans Le problème de Jésus, Jean Guitton (académicien, philosophe, 1901-1999) écrit un petit bijou qui nous paraît la réponse la plus appropriée aux propos de Rousseau…
« J’appelle historique ce qui est réellement arrivé dans le monde extérieur aux esprits, ce qui est événementiel et non seulement conscientiel.
Et, en un second sens, plus profond, j’appelle historique ce qui, étant arrivé, suscite chez les hommes animés par l’idée de vérité l’attitude de l’attestation.
Et j’appelle enfin historique, en un troisième sens plus profond encore, ce qui a été affirmé par divers témoins indépendants les uns des autres dans des conditions telles que l’accord de leurs témoignages ne peut s’expliquer ni par l’influence de l’un sur l’autre ni par le hasard.
C’est dans ce sens-là que je crois pouvoir dire que la Résurrection se présente comme historique. Ce que j’ai remarqué au sujet du Tombeau vide et des apparitions (et surtout de leur rapport réciproque) me porte à penser que je suis ici en présence d’une réalité ayant le caractère d’un événement, bien que ce soit plutôt un TRANS-événement, je veux dire : un événement qui, quoique dans ce monde, n’est pas seulement de ce monde. »
Jean Guitton, Le problème de Jésus. Divinité et résurrection, Paris : Aubier, 1953.