Comment Jésus se manifeste-t-il lors de sa Résurrection ? Pourquoi ne se montre-t-il pas directement aux disciples ? Pourquoi attend-il si longtemps ?
Il est bon de se réjouir et de chanter à pleins poumons Alleluia, comme cette chorale Gospel dirigée par Jason White, avec Kanye West au milieu de tous ces chanteurs incroyables.
Mettez ça à fond, vous risquez d'être sacrément enthousiastes et de vous mettre à danser !
Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vint le matin, alors que les ténèbres étaient encore, au sépulcre et elle vit la pierre enlevée du sépulcre. Elle courut donc et vint vers Simon-Pierre et vers l’autre disciple que Jésus aimait et leur dit :
— Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre et nous ne savons où ils l’ont mis.
Pierre sortit alors avec l’autre disciple et ils allèrent au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au sépulcre. Et s’étant penché il vit posés-là les linceuls mais il n’entra pas. Arriva donc aussi Simon-Pierre qui le suivait et il entra dans le sépulcre et il contempla les linceuls posés-là, et le suaire qui était sur sa tête, non pas posé avec les linceuls mais enroulé à part en un lieu.
Alors entra aussi l’autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre et il vit et il crut.
Dans un autre article, nous avons commenté ce passage de l’Évangile en vous parlant de la suite des verbes grecs que Jean emploie dans ce texte, avec un génie littéraire et théologique immense.
Nous revenons sur ce texte sublime pour dévoiler un autre aspect qui nous a frappé : l’absence même de Jésus.
Dieu ne se manifeste pas visiblement dans ce récit extraordinaire qui vient rompre le cours du récit de la Passion.
En cet instant qui renverse l'histoire de toute l'humanité, les disciples ont de quoi être déboussolés :
Non, rien de tout cela. La première manifestation de la Résurrection est, de manière inattendue, un tombeau vide. C’est ce que Marie-Madeleine voit et vient annoncer aux disciples. C’est ce que découvrent Jean et Pierre.
Après le drame de la Passion, ce n’est pas un retour en gloire, c’est la discrétion la plus totale, c’est un passage en douceur, comme pour Élie à l’Horeb lorsque Dieu s’était manifesté dans le bruit d’un fin silence.
Après une longue attente, comme celle vécue pendant le confinement, nous pouvons percevoir, avec plus d’acuité, le sens de cette discrète manifestation.
Pâques, qui fête la Résurrection, clôt le Carême qui dure 40 jours. Ces 40 jours :
Et ce sont ces 40 ans et 40 jours qui ont donné le terme de quarantaine, cette quarantaine que nous avons goûtée de manière assez intense pendant le COVID.
La fin de la quarantaine du Carême n’est pas une révolution ni un tremblement de terre. Il s'agit plutôt de voir, comme Jean, dans ce calme apparent, dans cette absence manifeste, dans ce tombeau vide, le signe que la Vie a déjà triomphé. Car le Dieu qui s’est fait homme a vaincu la mort par sa propre mort.
Chacun a ses petites traditions. Nous, chaque année, à Pâques, nous relisons ce poème d’Édith Stein parce que nous l'apprécions avec toujours plus de profondeur. C’est, nous le croyons, ce que Marcel Jousse désigne lorsqu’il distingue l’acte de mémoire de la simple répétition :
Obscure est la nuit du tombeau,
et pourtant l’éclat des plaies sacrées traverse l’épaisseur de la pierre,
la soulève et la met de côté comme une plume ;
de l’obscurité du tombeau se lève
le corps ressuscité du Fils de l’Homme,
éblouissant de lumière, rayonnant de clarté.
Sans bruit, il sort de la grotte
dans l’aube naissante, paisible, d’une paix matinale,
une brume légère couvre la terre ;
elle est maintenant traversée par la lumière, scintillante de blancheur –
et le Sauveur s’avance dans le silence
de la terre qui s’éveille à peine.Sous ses pas divins s’épanouissent des fleurs lumineuses que nul n’a jamais vues
et partout où son vêtement effleure le sol,
la terre se met à briller d’un éclat d’émeraude.
La bénédiction coule de ses mains sur les champs et les prés,
elle jaillit abondante et limpide –et dans la rosée matinale de la plénitude de grâce
la nature rayonne de joie et ovationne le Ressuscité
pendant qu’il s’avance en silence au devant des hommes.
Edith Stein, Malgré la nuit, Genève, Ad Solem, 2002