Où Jésus a-t-il été crucifié ? Que signifie Golgotha ? Qu'est-ce qu'un « Calvaire » ? En quoi l’endroit de la crucifixion est-il significatif ?
Sorti en 1959, Ben-Hur est un péplum incontournable de l'histoire du cinéma, récompensé par 11 Oscars ! L'une des scènes cultes du film imagine le héros du film assistant à la crucifixion du Christ : « What has he done to merit this ? » [Qu'a-t-il fait pour mériter cela ?] s'interroge-t-il, médusé, au pied du Golgotha.
Au pied du quoi ? « Golgotha » ? Oui, c'est l'occasion pour nous de vous expliquer le sens de ce mot curieux !
Nous continuons la lecture du passage que nous avons analysé la semaine dernière. Ce passage de l’évangile de Matthieu raconte la passion du Christ et son chemin de croix.
Une fois flagellé, Pilate livra Jésus pour qu’il fût crucifié. Alors les soldats du gouverneur prirent Jésus au prétoire et rassemblèrent contre lui la cohorte entière et le déshabillèrent et l’enveloppèrent d’une chlamyde écarlate.
Et ils tressèrent une couronne d'épines, la mirent sur sa tête et un roseau dans sa main droite et ils firent des génuflexions devant lui et se moquaient de lui disant :
— Salut roi des Juifs !
Et ils lui crachèrent au visage et prirent le roseau et le frappaient sur la tête et lorsqu’ils se furent moqués de lui, ils le déshabillèrent de la chlamyde et l’habillèrent de ses vêtements et ils l’emmenèrent pour être crucifié.
Et en sortant, ils trouvèrent un homme, un Cyrénéen du nom de Simon. C’est lui qu’ils requirent pour qu’il portât sa croix. Et ils arrivèrent à un lieu dit « Golgotha » (qui s'interprète « le crâne »).
« Et ils arrivèrent à un lieu dit "Golgotha" – qui s'interprète "le crâne" » (Mt 27,33)
Le nom propre « Golgotha » désigne le lieu de la crucifixion de Jésus. En fait, c'est une transcription de l'araméen gulgoltha qui signifie « le crâne ». L’araméen est la langue sémite parlée par les Juifs y compris Jésus à son époque, et jusqu'à aujourd'hui par nombre de chrétiens d'Orient.
Notons que chacun des quatre évangiles mentionne spécifiquement ce lieu : Matthieu (Mt 27, 33) ; Marc (Mc 15, 22) ; Luc (Lc 23, 33) ; Jean (Jn 19, 17).
Dans les représentations artistiques, à l'image du tableau d'Andrea Mantegna ci-dessous, le crâne au pied de la croix renvoie à celui d'Adam, le premier homme. Par ce symbole, la tradition chrétienne présente ainsi le sacrifice de Jésus sur la croix comme l'ultime Adam qui sauve l'humanité entière.
La traduction de « Golgotha » en grec est directement donnée par les textes évangéliques : kraniou topos, que l'on peut traduire par « lieu du crâne ».
Dans la Vulgate, c'est la formule calvariæ locus, d'où nous vient le mot calvaire, qui est utilisée. La Vulgate est la traduction de la Bible en latin, fixée notamment par saint Jérôme à la fin du 4e siècle. La traduction latine « calvariæ locus » signifiant « lieu du crâne » vient du terme calvaria qui signifie littéralement « boite crânienne », lexicalisé ensuite en « lieu du Calvaire ».
Cela vous rappelle certainement l’expression populaire « c’est un calvaire » ou « vivre un calvaire » ! D'origine biblique, ces expressions font donc référence à la Passion du Christ et plus précisément au lieu de son supplice et de sa mort sur la croix.
Le fait que les évangélistes laissent volontairement le nom araméen initial, puis le traduisent, est un élément significatif. Nous nous sommes donc posé une nouvelle question : quelle est le sens de l’expression « lieu du Crâne » traduisant « Golgotha » ?
Le mot « Golgotha » a tout d'abord un usage topographique. Autrement dit, c’est tout simplement le nom d’un lieu réel à l'Ouest de la ville de Jérusalem au premier siècle, à l’époque de Jésus. C’est aussi une probable allusion à l’apparence du lieu, évoquant vaguement un crâne. En effet, le Golgotha est une butte, un petit relief rocheux. Ce nom revêt donc une valeur historique.
Mais cette indication géographique possède également un sens symbolique plus profond : c’est au moment même où il est exposé tout en haut de la croix, d’une hauteur accentuée par la géographie, que Jésus est le plus visible. Et cette hauteur, paradoxalement, sert la gloire du Crucifié, comme il l'annonce lui-même dans l'évangile de Jean :
« Et moi, une fois élevé de terre, je les attirerai tous à moi. » (Jn 12, 32)
C'est là tout le renversement que vient opérer la mort de Jésus au Golgotha : la gloire de Jésus est à son sommet lors de ce complet abaissement. Or, cette gloire prend donc paradoxalement la forme d'une complète humiliation par une mort au sommet d'une croix au sommet d'une petite colline locale.
L’interprétation plus tardive (issue des travaux de saint Jérôme notamment) voit dans le terme Golgotha une allusion à l’usage de l’endroit comme lieu d’exécutions publiques : ceux qui ont subi la peine capitale y sont enterrés, d’où l’évocation du « crâne » en tant qu’ossement.
Cette lecture symbolique souligne l’impureté du lieu et l’humiliation subie par Jésus lors de sa mort en un tel lieu, situé en dehors de la ville, comme on l'expliquait la semaine dernière.
C’est donc en un lieu chargé de significations et de connotations que survient la mort du Christ. Et c’est ainsi que Dieu meurt en un lieu à l’écart, en hauteur, en dehors de la ville, fixé sur une croix.
Grand prédicateur et orateur du XVIIème siècle, Jacques-Bégnine Bossuet, parle ici du Golgotha et de la mort du Christ sur la croix :
« Mes frères, je vous en conjure, soulagez ici mon esprit ; méditez vous-mêmes Jésus crucifié, et épargnez-moi la peine de vous décrire ce qu'aussi bien les paroles ne sont pas capables de vous faire entendre. Contemplez ce que souffre un homme qui a tous les membres brisés et rompus par une suspension violente ; qui, ayant les mains et les pieds percés, ne se soutient plus que sur ses blessures, et tire ses mains déchirées de tout le poids de son corps entièrement abattu par la perte du sang ; qui, parmi cet excès de peines, ne semble élevé si haut que pour découvrir de loin un peuple infini qui se moque, qui remue la tête, qui fait un sujet de risée d'une extrémité si déplorable. Et après cela, Chrétiens, ne vous étonnez pas si Jésus dit "qu'il n'y a point de douleur semblable à la sienne" »
Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), Sermons pour le Carême du Louvre (1662), Paris : Gallimard, 2001, p. 255-256
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