Qui est Joseph d’Arimathie dans l’Évangile ? Que devient le corps de Jésus après sa mort sur la croix ? Qui le récupère ? Dans quel tombeau Jésus est-il enterré ?
C’est vrai qu’on a plus l’habitude de vous faire découvrir ou redécouvrir des titres électro empreints de références bibliques. Mais on peut bien aussi vous faire écouter des grands morceaux de l’histoire du classique de temps en temps…
Laissez donc la Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach vous envoûter pour porter la lecture de ce numéro. Chef-d'œuvre exécuté pour la première fois en 1727, cet oratorio dure un tout petit peu plus longtemps que notre numéro (2 heures et 44 minutes d’oratorio, contre seulement 3 minutes de PRIXM).
Le passage suivant de l'évangile de Matthieu raconte la mort de Jésus sur la Croix et sa mise au tombeau.
Arrivés à un lieu dit « Golgotha » – ce qui veut dire « lieu du crâne », on lui donna à boire du vin mêlé de fiel. Et l’ayant goûté, il ne voulut pas boire. L’ayant crucifié ils divisèrent ses vêtements les tirant au sort afin que s’accomplît ce qui avait été dit par le prophète : « ils se partagèrent mes vêtements et ont tiré au sort ma tunique ».
Et, s’étant assis, ils étaient là, à le garder. Et ils disposèrent au-dessus de sa tête sa sentence écrite : « Celui-ci est Jésus le roi des Juifs ».
Alors sont crucifiés avec lui deux brigands un à sa droite et un à sa gauche. Ceux qui passaient par là l'injuriaient en remuant la tête et disaient :
— L’homme qui détruit le sanctuaire et en trois jours le bâtit, sauve-toi toi-même si tu es le Fils de Dieu et descends de la croix !
Semblablement les grands prêtres se gaussant avec les scribes et les anciens disaient :
— Il en a sauvé d’autres et lui-même il n’arrive pas à se sauver ! Si c’est le roi d’Israël qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui, il s’est confié en Dieu, qu’il le délivre sur le champ s’il tient à lui car il a dit « de Dieu je suis fils ».
Or les brigands crucifiés avec lui l’accablaient aussi des mêmes moqueries. [...]
Jésus, ayant crié de nouveau d’une voix forte, remit l’esprit. [...]
Le soir venu, vint un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui lui aussi était disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate alors ordonna qu’on le lui remît. Ayant pris le corps, Joseph l’enveloppa d’un linceul blanc, et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait tailler dans le roc ; puis, ayant roulé une grosse pierre à l’entrée du sépulcre, il s’en alla.
Or Marie la Magdaléenne et l’autre Marie étaient là, assises en face du tombeau.
Les pratiques de l’époque indiquent que, le plus souvent, on laissait les corps des condamnés se décomposer sur la croix, sans sépulture.
Pourtant, à la différence des disciples apeurés en fuite, Joseph d’Arimathie n’abandonne pas Jésus, mais trouve au contraire dans le spectacle de la croix la force de sortir de l’anonymat et même peut-être de se manifester comme son disciple. C’est ainsi qu’il va demander la dépouille du crucifié.
Le soir venu, vint un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui lui aussi était disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus ; Pilate alors ordonna qu’on le lui remit. (Mt 27, 57-58)
C’est un acte plein de courage, car il n’est pas courant qu’une telle demande soit acceptée par le pouvoir romain pour des crimes de droit commun ou religieux. Joseph d’Arimathie va auprès de Pilate lui-même, c’est-à-dire auprès du gouverneur en personne, pour être autorisé à récupérer le corps de Jésus.
Condamné à mort par le pouvoir romain, Jésus n’avait évidemment pas de tombeau préparé pour lui. Joseph d’Arimathie met alors à disposition la sépulture qu’il avait construite pour lui-même. Ainsi, le corps de Jésus trouve place dans une tombe toute neuve :
Ayant pris le corps, Joseph l’enveloppa d’un linceul blanc, et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait tailler dans le roc ; puis, ayant roulé une grosse pierre à l’entrée du sépulcre, il s’en alla. (Mt 27, 59-60)
La mention de la nouveauté du tombeau est un détail très symbolique. La tombe toute neuve a suggéré aux exégètes et aux théologiens :
De plus, la spécificité d’un tombeau « taillé dans le roc » montre la solidité du lieu de l’ensevelissement, d’autant que Joseph y ajoute « une grosse pierre à l’entrée ». Ces détails viennent, par anticipation, attester l’impossibilité d’une sortie du tombeau autre que miraculeuse, au jour de la résurrection.
Le soir venu, vint un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui lui aussi était disciple de Jésus. [...] Or Marie la Magdaléenne et l’autre Marie étaient là, assises en face du tombeau. (Mt 27, 57.61)
En lisant comme vous ce passage de l’Évangile, on s’est étonné de la récurrence des noms de Joseph et Marie des différents personnages tout au long de la vie de Jésus.
En effet, au début et à la fin de la vie de Jésus, ce sont des Joseph et des Marie qui prennent soin de son corps. Leur complémentarité accompagne donc à la fois la naissance du messie aux jours de sa chair et sa naissance à la vie nouvelle de la résurrection.
Ce parallèle entre Joseph d’Arimathie et Joseph le père de Jésus a été magnifiquement évoqué par Ephrem le Syrien, théologien du IVe siècle :
« Un premier Joseph fut juste en ceci qu’il ne dénonça pas Marie, et l’autre fut juste en ceci qu’il ne se rangea pas parmi ses détracteurs ; ainsi est-il clair que le Seigneur, confié au premier Joseph lors de sa naissance, accorda à l’autre Joseph de l’ensevelir après sa mort, afin que fût pleinement honoré ce nom de Joseph qui, comme à sa naissance dans la grotte, avait présidé à sa mise au tombeau. »
Éphrem de Nisibe : Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron (SC 121), trad. Louis Leloir, Paris : Cerf, 1966.
Finissons notre numéro avec cette citation de la célèbre rabbin Delphine Horvilleur sur l’étymologie hébraïque du mot « cimetière ». Ou comment conclure en beauté avec la sagesse juive :
« En hébreu, le cimetière porte un nom a priori absurde et paradoxal. Il s’appelle Beit haH’ayim, la « maison de la vie » ou la « maison des vivants ». Il ne s’agit pas d’une tentative de nier la mort ou de la conjurer en l’effaçant, mais au contraire de lui adresser un message clair, en la plaçant hors du langage. Il s’agit de faire savoir à la mort que sa présence évidente en ce lieu ne signe pas pour autant sa victoire, et affirmer que, non, même ici, elle n’aura pas le dernier mot. Les Juifs prennent très au sérieux un verset de la Thora, formulé dans le livre du Deutéronome, sous la forme d’un ordre divin : « J’ai placé devant toi la vie et la mort, dit l’Éternel. Et toi, tu choisiras la vie ! » (Dt 30,19). »
Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts, Paris, Grasset, 2021, p. 25
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