Les Chrétiens viennent à Jérusalem en pèlerinage sur les lieux de la mort de Jésus. Mais quel est l'endroit exact de la mise au tombeau de Jésus ?
Mais où est déposé Jésus une fois mort ?
La réflexion sur le lieu où l'on est conduit au moment de la mort, Georges Brassens l'a menée au sujet de l'Auvergnat et chante ainsi : « Toi, l'Auvergnat quand tu mourras, Quand le croqu'-mort t'emportera, Qu'il te conduise, à travers ciel, Au Père éternel ».
Joseph, ayant acheté un linceul, le descendit, l'enveloppa du linceul, le déposa dans un tombeau qui était taillé dans le roc et il roula une pierre contre la porte du tombeau. Or Marie la Magdaléenne et Marie de Joseph regardaient où il était déposé.
Et le sabbat étant passé, Marie la Magdaléenne, Marie de Jacques et Salomé achetèrent des aromates afin d'aller l'embaumer. Et de grand matin, le premier [jour] de la semaine, elles viennent au tombeau, le soleil s'étant déjà levé.
Et elles se disaient entre elles :
— Qui roulera pour nous la pierre de la porte du tombeau ?
Et levant les yeux elles voient que la pierre a été roulée en arrière — c'est qu'elle était fort grande ! Et entrant dans le tombeau elles virent un jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche et elles furent épouvantées. Et il leur dit :
— Ne vous épouvantez pas ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il est ressuscité, il n'est pas ici. Voici l'endroit où ils l'ont déposé.
Le lieu de la mort de Jésus est connu, et les évangiles le rapporte explicitement : il s'agit du Golgotha.
En revanche, le lieu de sa mise au tombeau n'est pas indiqué aussi clairement. N'a-t-il pas été inventé plusieurs siècles après pour créer un lieu de pèlerinage ?
Pour répondre à ces questions formulées à la manière d'un reportage d'Enquête exclusive, nous vous invitons à fouiller les réponses du grand spécialiste d'archéologie en Terre Sainte, Jerome Murphy O'Connor o.p. (1935-2013). Nous vous proposons une synthèse allégée tirée de Keys to Jérusalem (Oxford University Press, 2012) :
Après la mort de Jésus (dans les années 30 après Jésus-Christ), les premiers croyants vénèrent le tombeau situé dans une carrière de pierre où étaient creusées de nombreuses autres sépultures. Ils y laissent des traces caractéristiques des premiers chrétiens : des graffitis sur les murs (le street art a plus de 2000 ans...).
Après la révolte juive de 132-135, pour humilier les juifs l'empereur Hadrien fait construire des temples à la gloire de divinités romaines sur les lieux qu’ils vénèrent. Il choisit notamment la carrière de pierre où était le tombeau, pour y construire un temple en hommage à Vénus ou Jupiter. Le tombeau est ainsi couvert d'une grande plateforme.
Pendant deux siècles, les chrétiens de Jérusalem ont dû se dire : « Impossible de se rendre au tombeau du Christ, il est sous le temple romain. » C'est donc la tradition orale, si forte au Proche-Orient, qui a préservé ce secret.
En 325, l'évêque Macaire de Jérusalem est l'héritier de cette tradition orale. Il rencontre l'empereur de Rome Constantin lors du concile de Nicée.
Macaire le convainc sans trop de difficulté, puisque l’empereur était devenu chrétien, de faire détruire le temple pour remettre à jour le tombeau et y construire une basilique.
Une fois autorisé, le travail peut commencer sous les yeux d'Eusèbe, évêque de Césarée de Palestine († 339 après Jésus-Christ), féru d'histoire et d'archéologie.
Celui-ci décrit la découverte : « Lorsqu'un niveau remplaça l'autre et qu'apparut le fond de l'emplacement, alors l'auguste et très saint monument qui témoigne de la résurrection salutaire apparut contre toute espérance » (Vie de Constantin).
Par la suite, le tombeau est mis à l'honneur et l'on bâtit pour l’abriter la basilique du Saint-Sépulcre.
La mort n'est pas une tombée dans le néant. Même le tombeau suscite une construction où se succèdent des générations de pèlerins et de visiteurs qui viennent constater qu’il est… vide ! Dans la perspective chrétienne, la mort devient un moment de révélation fondamental, un dévoilement de la vie. C'est l'expérience que fait Aliocha le personnage de Dostoïevski dans Les frères Karamazov :
« La véritable mystique n'est rien d'autre que l'extraordinaire de l'ordinaire. [...] Le starets Zosime vient de mourir. Impertinent jusque dans la tombe, il se permet de dégager une ‘odeur délétère’, comme tout le monde, au lieu du parfum de sainteté que les dévots attendaient. Désespéré, son disciple Aliocha veille néanmoins sa dépouille tandis qu’un moine lit l’Évangile selon saint Jean. Dans une sorte de rêve, Aliocha entend le récit des noces de Cana et voit. Il voit le vieillard assis à la table nuptiale, près de l’Époux solaire, et l’appelant lui aussi, Aliocha. […] Réveillé, le jeune homme sort dans le jardin. La nuit est une vigne d’étoiles que les coupoles vendangent et dont elles font couler le vin sur la terre. Aliocha, foudroyé de joie, se prosterne et baise la terre, il la découvre eucharistie. »
Olivier Clément, L'autre soleil, Paris : Desclée de Brouwer, 2010.
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