L'amour et la sexualité sont-ils vraiment bannis dans l'Écriture ? Un lien entre la passion terrestre et l'amour divin est-il possible ?
O quam tu pulchra es (traduction française : Oh comme tu es belle), célèbre œuvre d'Alessandro Grandi (1590-1630), est composée en latin suivant le texte du Cantique des Cantiques.
Écoutez l'interprétation du contre-ténor Philippe Jaroussky. Tout simplement fabuleux.
Le caractère fortement décontextualisé du Cantique rend impossible toute détermination de l’intention première de l’auteur anonyme : voulait-il écrire une allégorie implicite des relations entre Dieu et Israël, un divertissement plaisant, gagner un concours littéraire ou composer un poème provocateur face à la mentalité ambiante ?
L’ÉPOUX. Oui, tu es belle, mon amie ; oui, tu es belle. Tes yeux sont des yeux de colombes derrière ton voile ; tes cheveux sont comme un troupeau de chèvres, suspendues aux flancs de la montagne de Galaad.
Tes dents sont comme un troupeau de brebis tondues ; qui remontent du lavoir ; chacune porte deux jumeaux, et parmi elles il n’est pas de stérile.
Tes lèvres sont comme un fil de pourpre, et ta bouche est charmante ; ta joue est comme une moitié de grenade, derrière ton voile.
Ton cou est comme la tour de David, bâtie pour servir d’arsenal ; mille boucliers y sont suspendus, tous les boucliers des braves.
Tes deux seins sont comme deux faons, jumeaux d’une gazelle, qui paissent au milieu des lis.
Avant que vienne la fraîcheur du jour, et que les ombres fuient, j’irai à la montagne de la myrrhe, et à la colline de l’encens.
Tu es toute belle, mon amie, et il n’y a pas de tache en toi !
Avec moi, viens du Liban, ma fiancée, viens avec moi du Liban ! Regarde du sommet de l’Amana, du sommet du Sanir et de l’Hermon, des tanières des lions, des montagnes des léopards.
Tu m’as ravi le cœur, ma sœur fiancée tu m’as ravi le cœur par un seul de tes regards, par une seule des perles de ton collier.
Que ton amour a de charme, ma sœur fiancée ! Combien ton amour est meilleur que le vin, et l’odeur de tes parfums, que tous les aromates !
Tes lèvres distillent le miel, ma fiancée, le miel et le lait sont sous ta langue, et l’odeur de tes vêtements est comme l’odeur du Liban.
C’est un jardin fermé que ma sœur fiancée, une source fermée, une fontaine scellée.
Tes pousses sont un bosquet de grenadiers, avec les fruits les plus exquis ; le cypre avec le nard, le nard et le safran, la cannelle et le cinnamome, avec tous les arbres à encens, la myrrhe et l’aloès, avec tous les meilleurs baumiers.
Source de jardins, puits d’eaux vives, ruisseau qui coule du Liban.
L’ÉPOUSE. Levez-vous aquilons. Venez autans ! Soufflez sur mon jardin, et que ses baumiers exsudent ! Que mon bien-aimé entre dans son jardin, et qu’il mange de ses beaux fruits !
La Bible n’est pas une morale castratrice de l’homme. Elle ne délivre pas une parole qui cherche à avilir l’homme et la femme.
Bien au contraire ! Elle manifeste toutes leurs beautés.
Le Cantique des Cantiques magnifie la beauté du corps de la femme. Un amoureux exalte la splendeur de celle qu’il aime. Le Dieu qui se révèle dans la Bible porte en si haute considération l’intime conjugalité de l’homme et de la femme qu’il use ici de cette image pour évoquer le lien qui unit Dieu à la personne qui prie.
Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582) fait la comparaison suivante :
Le Cantique des Cantiques donne une vision biblique de l'érotisme, de la sexualité comme le souligne Olivier Clément :
« Il faut inverser l’approche freudienne : l’expérience spirituelle n’est pas un ratage de la sexualité, c’est celle-ci qui, devenant le langage d’un véritable amour, est le symbole de cette expérience comme le dit l’interprétation traditionnelle, aussi bien juive que chrétienne du Cantique des cantiques. La chasteté-continence du moine le fait « séparé de tous et uni à tous », capable d’accueillir tout autre comme un visage, dans une entière non-possession. Et dans la chasteté nuptiale où l’éros peut devenir l’élan de la tendresse, c’est « l’âme qui enveloppe le corps », comme le disait Nietzsche, citant Stendhal. »
Olivier Clément, « Notes éparses sur la prière », Le chant des larmes, essai sur le repentir : suivi de Trois prières, Desclée de Brouwer, Paris, 1883 /2011.
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