Comment sont décrites les femmes dans l'Ancien Testament ? Qui est Judith, femme dont les Hébreux « admiraient la beauté » ?
Si nous avons retenu cette Suzanne de Chassériau, ce n’est pas seulement parce qu’elle attire le regard (comme elle attira celui des vilains vieillards dans le livre de Daniel) mais aussi parce qu’elle est moins célèbre que les Judith de Klimt ou du Caravage, ou encore que Rebecca ou Bethsabée sous le pinceau de Rembrandt. En bref : les femmes de l’Ancien Testament sont renversantes.
Puisqu’il ne faut qu’un exemple pour illustrer la beauté des femmes de l’Ancien Testament, nous retenons l’histoire de Judith. Ce livre biblique est une fiction historique dont l'héroïne principale, Judith, (dont le nom signifie « la Juive » en hébreu) incarne Israël, résistant face aux ennemis impossibles à vaincre (c'est une sorte de remake de David et Goliath au féminin).
Sa beauté stupéfiante joue en effet un rôle majeur dans l’entourloupe qu’elle prépare au méchant Holopherne (général de Nabuchodonosor, le roi de Ninive). Notre passage commence au moment où Judith arrive au camp d’Holopherne, qu’elle compte abattre par la concupiscence de ce dernier…
Ils se saisirent de Judith et l’interrogèrent :
— Quelle est ton appartenance ? d’où viens-tu ? où vas-tu ?
Elle répondit :
— Je suis une fille des Hébreux et je m’enfuis de chez eux, car ils sont sur le point de vous être livrés en pâture. Moi, je viens voir Holopherne, le commandant en chef de votre armée, pour lui donner des renseignements avérés. Je lui montrerai le chemin par où passer pour se rendre maître de toute la région montagneuse sans qu’un seul homme manque à l’appel, ni qu’une seule vie ne se perde.
En l’entendant parler ainsi, les hommes la dévisageaient et sa beauté les plongeaient dans une vive admiration. Ils lui dirent :
— Tu auras la vie sauve si tu te hâtes de descendre te présenter devant notre seigneur. Va maintenant à sa tente. Certains d’entre nous vont t’escorter et te remettre entre ses mains. Lorsque tu te tiendras devant lui, que ton cœur soit sans crainte. Répète-lui ce que tu viens de nous dire et il te traitera bien.
Ils formèrent alors un détachement de 100 hommes, qui les encadrèrent, elle et sa suivante, et qui les conduisirent à la tente d’Holopherne. Tout le poste s’attroupa, car la nouvelle de sa présence s’était répandue dans les campements. On fit cercle autour d’elle, alors qu’elle se tenait encore à l’extérieur de la tente d’Holopherne et attendait de lui être annoncée.
On admirait sa beauté, on admirait à travers elle les fils d’Israël et on se disait l’un à l’autre :
— Qui regardera de haut ce peuple où l’on trouve de si belles femmes ? Vraiment, il ne convient pas d’en laisser subsister un seul homme : les survivants sont capables de subjuguer toute la terre.
Ceux qui étaient étendus auprès d’Holopherne ainsi que son état-major sortirent enfin. Ils introduisirent Judith dans la tente. Holopherne se reposait sur son lit, sous une moustiquaire tissée de pourpre, d’or, d’émeraudes et de pierres précieuses. On la lui annonça et il se présenta sur le devant de la tente, précédé de flambeaux d’argent.
Lorsque Judith s’approcha d’Holopherne et de son état-major, tous admirèrent la beauté de son visage. Elle se jeta face contre terre et se prosterna devant lui, mais les esclaves la relevèrent.
Après vous avoir parlé de la beauté de la nature, on s'intéresse à la façon dont l'Ancien Testament présente la beauté des femmes, et plus particulièrement de Judith.
Si vous n’avez pas été frappé par la beauté de Judith comme les gardes du camp ennemi, reprenez la lecture du passage biblique plus attentivement. Remarquez le nombre de fois où le texte mentionne sa beauté (facile, on les a surlignées). C'est une manière pour l'auteur de la souligner.
La beauté de Judith lui permet de passer les barrages de soldats et de parvenir dans la tente d’Holopherne, où les officiers s’exclameront avec leur chef :
« D'une extrémité de la terre à l'autre, il ne se trouve pas de femme semblable à celle-ci pour la beauté du visage » (Jdt 11,21)
Holopherne, qui est en train de se faire joliment avoir, prophétise d’ailleurs à l’instant d’après :
« Tu es aussi jolie à regarder qu’habile discoureuse. » (Jdt 11, 23)
Si vous ne connaissez pas la suite, vous irez la lire aux croustillants chapitres 12 et 13. Judith est retenue par le général à un banquet :
Le repas terminé, ils rejoignent tous deux la chambre à coucher d’Holopherne, mais ce dernier s’effondre dans son ivresse éthylique, avant même d’avoir pu toucher la belle juive ; et Judith de lui trancher tout bonnement la tête.
De retour chez les siens, à Béthulie, ville stratégique sur la route de Jérusalem. Judith fera pendre la tête du chef aux murailles de la ville, entraînant la frayeur et la levée du siège des méchants de Ninive dès le lendemain.
Pas sûr. Mais ici, elle est un piège pour le désir sexuel d’Holopherne, dont l’intelligence et le génie militaire sont littéralement abrutis par la splendeur d’une femme.
Pour que vous évitiez néanmoins d’associer la beauté des femmes à votre perdition, relevez que la beauté de Sara, Rebecca, Rachel, Suzanne, Bethsabée et tant d’autres, est explicitement mentionnée par le texte biblique.
Cette beauté est toujours une bénédiction divine et un signe de la grandeur d’Israël, mais comme chaque don de Dieu, on peut en abuser : gare à qui la détourne sans rendre grâce au Créateur (comme invite à le faire le livre de la Sagesse).
En séduisant Holopherne, Judith, jeune veuve chaste, met en risque sa dignité. Par la suite, on apprend qu'elle ne connaîtra jamais d’autre homme :
« Beaucoup la désirèrent, mais aucun homme ne la connut, durant tous les jours de sa vie depuis le jour que son mari Manassé était mort et était retourné auprès de son peuple. » (Jdt 16,22)
Et si cette fécondité de la pureté est soulignée chez une femme aussi belle, cela en annonce une autre, mais c’est pour un prochain épisode…
Notre bon vieux Balzac national ne s’y était pas trompé dans Splendeurs et misères des courtisanes. La sublime Esther (tiens, comme par hasard) fait tourner la tête de tous les hommes, et en particulier celle du richissime banquier Nucingen, qui se ruinera quasiment pour elle, et qui dans son fantastique franco-allemand dont Honoré avait le secret, ne peut pas la décrire autrement qu’en l’associant à la Bible :
« À la vue de cet ange, le baron de Nucingen fut comme illuminé par une lumière intérieure. En se voyant admirée, la jeune femme abaissa son voile avec un geste d’effroi. Un chasseur jeta un cri rauque dont la signification fut bien comprise par le cocher, car la voiture fila comme une flèche. Le vieux banquier ressentit une émotion terrible : le sang qui lui revenait des pieds charriait du feu à sa tête, sa tête renvoyait des flammes au cœur ; la gorge se serra. Le malheureux craignit une indigestion, et, malgré cette appréhension capitale, il se dressa sur ses pieds.
— Hau crante callot ! fichi pédate ki tord ! cria-t-il. Sante frante si di haddrappe cedde foidire. […]
Le baron alla, pendant huit nuits de suite, au bois de Vincennes, puis au bois de Boulogne, puis dans les bois de Ville-d’Avray, puis dans le bois de Meudon, enfin dans tous les environs de Paris, sans pouvoir rencontrer Esther. Cette sublime figure juive qu’il disait être eine viguire te la Piple, était toujours devant ses yeux. À la fin de la quinzaine, il perdit l’appétit. »
Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, éd. Houssiaux, 1874, Tome 11.
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