Pourquoi Jésus écrit-il par terre en baissant les yeux ?

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Que fait Jésus tandis que les scribes et les pharisiens accusent la femme adultère ? Qu'est-ce qu'il écrit sur le sol à ce moment-là ? Voici quelques hypothèses de réponse !

03 minutes et 04 secondes avec Georges Brassens, Pietro Liberi, Olivier Clément et Nicola Vaccaro
Dernière mise à jour -  
19/11/2024

Georges Brassens et l’histoire de Jésus et la femme adultère

Dans le morceau intitulé À l’ombre des maris, sorti en 1972 dans son album Fernande, le grand Georges Brassens chante : 

Les dragons de vertu n'en prennent pas ombrage
Si j'avais eu l'honneur de commander à bord
À bord du Titanic quand il a fait naufrage
J'aurais crié "Les femmes adultères d'abord"

Ne jetez pas la pierre à la femme adultère, je suis derrière

En fait, Brassens fait ici implicitement référence à l’évangile de Jean et à la rencontre entre Jésus et la femme adultère. 

On ne cesse de le montrer, dans nos numéros précédents avec les musique de Garou, Johnny Hallyday ou encore Maître Gims : l’expression “jeter la pierre” a une origine biblique.

Le texte biblique qui présente Jésus écrivant sur le sol

L'épisode qui suit intervient au cours de la vie publique de Jésus. Il est ici à Jérusalem.

[Jésus] s’en alla sur le mont des Oliviers. À l'aube, il se présenta de nouveau dans le Temple. Et tout le peuple venait à lui. Et, s’étant assis, il les enseignait.

Mais les scribes et les pharisiens lui amènent une femme surprise en adultère. Ils la firent se tenir au milieu.

Il disent à Jésus : 

— Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider celles-là. Toi, donc, que dis-tu ?

Or ils disaient cela pour l'éprouver afin d'avoir de quoi l’accuser.

Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait de son doigt sur la terre, sans y faire attention.

Comme ils persistaient à l’interroger, il se redressa et leur dit :

— Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre.

Et de nouveau, se baissant, il écrivait sur le sol. 

Entendant, ils se retirèrent un par un, en commençant par les plus vieux jusqu’aux derniers. 

Et Jésus resta seul, ainsi que la femme debout au milieu.

Se redressant, Jésus lui dit :

— Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? 

Elle dit :

— Personne, Seigneur.

Et Jésus dit :

— Je ne te condamne pas non plus. Va, et désormais ne pèche plus.


Évangile selon saint Jean, chapitre 8, verset 1 à 11. Traduit du texte grec de la tradition byzantine par les équipes de notre programme de recherches La Bible en ses Traditions.

La puissance du silence de Jésus au cours d’un procès enflammé

peinture jésus écrit par terre face à hommes le regardant, femme à côté mouchoir à la main
Pieter van Lint (1609-1690), Jésus et la femme adultère (vers 1650, huile sur cuivre, 74 x 90 cm), Phoenix Art Museum (États-Unis). Domaine public.

Pendant ce temps-là, Jésus écrit par terre

On a déjà réalisé 3 épisodes sur cet épisode de la rencontre entre Jésus et la femme adultère.

Mais aujourd’hui, on s’arrête sur ce qui peut passer pour un détail à la première lecture : deux fois, au cours de ce passage, Jésus écrit sur le sol. 

« Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait de son doigt sur la terre, sans y faire attention. »

Cette précision de l’évangéliste Jean a passionné les exégètes. Les hypothèses fleurissent sur ce que Jésus a pu écrire dans le sable à ce moment-là. 

jesus écrit par terre femme debout à droite homme qui le regarde à gauche
Pietro Liberi (1605-1687), Jésus and the woman taken in adultery (vers 1660, huile sur toile 192 x 142 cm), Londres. Domaine public.

Qu’est-ce que Jésus écrit sur le sol au cours de l’accusation de la femme adultère ?

Voici quelques propositions, chacune prenant appui sur l’Ancien Testament : 

  • S’appuyant sur Ex 23,7 « Tu te tiendras loin d'une cause mensongère. Ne fais pas périr l'innocent ni le juste car je ne justifierai pas un coupable », certains biblistes suggèrent que ce sont les péchés des accusateurs que Jésus écrit sur le sol, ou encore des versets qui commandent de se garder de condamner en l’absence de preuves.
  • En convoquant Ml 2,11 : on peut faire l’hypothèse que Jésus inscrit une lamentation du prophète Malachie : « Juda a trahi. Une abomination a été commise en Israël et à Jérusalem. Oui, Juda a profané le lieu saint cher au Seigneur ». On peut notamment lier cette lamentation au détail que nous soulignions dans un numéro précédent : la scène a lieu dans le Temple.
  • Enfin, en citant Os 4,14 : certains biblistes suggèrent que Jésus cite le prophète Osée, qui fait grâce et pardonne les errements et infidélités de son peuple  : « Je ne ferai pas le compte des prostitutions de vos filles, des adultères de vos belles-filles, puisqu’eux-mêmes [les prêtres] s’en vont à l’écart avec les prostituées et partagent les sacrifices avec les courtisanes sacrées. »

« Jésus écrivait de son doigt sur la terre »

Remarquons également un détail du texte même :

« Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait de son doigt sur la terre, sans y faire attention. » (Jn 8,6)

Avançons ici une dernière hypothèse : cette précision fait sans doute écho au doigt de Dieu qui écrit les tablettes de la Loi remises à Moïse, comme le raconte le Livre de l'Exode :

« Quand Il eut fini de parler avec Moïse sur le mont Sinaï, [Dieu] lui remit les deux tables du Témoignage, tables de pierre écrites du doigt de Dieu. » (Ex 31,18)

Cette référence vient alors présenter Jésus comme auteur de la loi, et comme celui qui du même coup est le plus à même de l'interpréter correctement.

foule autour d'une femme homme qui la saisit, jésus à terre écrit par terre
Nicola Vaccaro (1640-1709), Jésus et la femme adultère, (vers 1701, huile sur toile). Museo Diocesano, Salerne (Italie). Domaine public.

Jésus écrit sur le sol pour trouver une issue à ce faux procès

Finalement, comme nous le montrons dans cet autre article, ces quelques lignes tracées sur le sol et le mouvement qui les accompagne ont une puissante valeur symbolique.

On ne sait pas ce que Jésus a écrit sur le sol, tout juste peut-on avancer des hypothèses. Mais ce mouvement est déterminant : en tournant son regard vers le sol et en écrivant, Jésus ne porte pas un regard accusateur sur cette femme, comme la foule. Au contraire, ce regard détourné de Jésus est salvateur.

Il coupe court à l’hystérie et au faux-procès. Et il ouvre la voie à une issue inédite, qui prend en considération la femme adultère et qui lui redonne la dignité que la foule lui a arraché violemment. 

Bref, le silence de Jésus, ancré dans l’écriture et sans doute l'Écriture, est aussi une façon d’agir. Et d’agir souverainement pour sauver cette femme d’une mort vite jugée.

personnages autour du Christ femme mise en évidence sur la droite
Polidoro da Lanciano (1514-1565), Le Christ et la femme adultère (huile sur panneau de bois, 163 x 202 cm), Musée des Beaux-Arts de Budapest, Budapest (Hongrie). Domaine public.


Le mot de la fin

L’histoire de la femme adultère est d’abord une histoire de pardon et de rédemption. En lisant ces lignes du théologien orthodoxe Olivier Clément, nous y avons décelé le même élan : la lumière de la rencontre avec le Christ en personne, qui pardonne et guérit :

« Un soir, j’ai regardé longtemps, très longtemps, les veines du bois sur ma table. Tout était là, tout était bien. Je me suis dit que Kirilov avait raison. Déjà, en traversant les rues, je n’évitais plus les voitures : être rien, être tout, tout est pareil. J’allais sortir pour les éviter un peu moins. Alors Quelqu’un m’a regardé. Lui, sur l’icône. Je ne jouerai pas les illuminés. Tout était silence, paroles du silence. Mais silence de lui, paroles de lui, dans une profondeur plus grande que celle du Soi, dans une profondeur où je n’étais plus seul. Il m’a dit que j’existais, qu’il voulait que j’existe, et donc que je n’étais pas rien. Il m’a dit que je n’étais pas tout, mais responsable. Que le mal était celui que je faisais. Mais que, plus profond encore, lui était là. Il m’a dit que j’avais besoin d’être pardonné, guéri, recréé. Et qu’en lui j’étais pardonné, guéri, recréé. « Voici, je suis à la porte et je frappe. » Et j’ai ouvert. »

Olivier Clément, L’autre soleil, Paris, Desclée de Brouwer, 2010, p. 128-129

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