Quelle est l'origine d l'expression « jeter la pierre à quelqu'un » ? Comment analyser ce procès sauvage ? Quelle est la réponse de Jésus ?
Écrit et composé pour Garou et Patrick Fiori en 1998 pour la comédie musicale Notre-Dame de Paris, le titre Belle, repris récemment par Maître Gims, Dadju et Slimane, fait allusion à un épisode bien connu de l'évangile :
« Quel est celui qui lui jettera la première pierre ?
Celui-là ne mérite pas d'être sur Terre. »
Pour mieux comprendre la référence à l'origine de l'expression populaire « jeter la pierre à quelqu'un », retour au texte source : (re)découvrez l'extrait de l'Évangile, on s'occupe de l'éclairage !
L'épisode qui suit intervient au cours de la vie publique de Jésus. Il est ici à Jérusalem.
[Jésus] s’en alla sur le mont des Oliviers. À l'aube, il se présenta de nouveau dans le Temple. Et tout le peuple venait à lui. Et, s’étant assis, il les enseignait.
Mais les scribes et les pharisiens lui amènent une femme surprise [en situation d'] adultère. Ils la firent se tenir au milieu. Il disent à Jésus :
— Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider celles-là. Toi, donc, que dis-tu ?
Or ils disaient cela pour l'éprouver afin d'avoir de quoi l’accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait de son doigt sur la terre. Comme ils persistaient à l’interroger, il se redressa et leur dit :
— Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre.
Et de nouveau, se baissant, il écrivait sur le sol.
Entendant [cela], ils se retirèrent un par un, en commençant par les plus vieux jusqu’aux derniers. Et Jésus resta seul, ainsi que la femme debout au milieu. Se redressant, Jésus lui dit :
— Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ?
Elle dit :
— Personne, Seigneur.
Et Jésus dit :
— Je ne te condamne pas non plus. Va, et désormais ne pèche plus.
Cet épisode est un joyau. Si vous avez zappé le texte biblique ou l’avez survolé un peu trop rapidement, reprenez votre souffle et prenez le temps de le lire au moins une ou deux fois. Car ce court passage biblique est comme une sorte de condensé de la prédication de Jésus.
Cette scène permet de dresser un portrait de Jésus agissant avec autorité : il enseigne en parole et en actes, avec intelligence, dans les situations les plus imprévues. Et les solutions retenues sont parfois désarmantes pour ses interlocuteurs.
Pour bien comprendre le texte, il faut revenir à l'Écriture. Que dit la Loi de Moïse à laquelle les scribes et pharisiens se réfèrent ?
Une remarque d’abord. Jésus ne remet pas en question l’accusation d’adultère : sa réponse n’est pas celle d’un avocat manipulant le droit et la jurisprudence afin que les lois en vigueur ne s’appliquent pas au cas défendu. Non. Ce n’est pas là-dessus que Jésus veut faire porter son enseignement.
En fait, Jésus ne conteste pas le crime, mais son châtiment.
En l’occurrence, la loi biblique – comme tous les codes de loi du Proche-Orient ancien – punissait de mort le couple formé par l’adultère (Lv 20,10 ; Dt 22,22-24).
Pire : dans la loi juive d’alors, le flagrant délit permet de se dispenser de toute procédure judiciaire et d’exécuter la peine de manière immédiate. Cette femme pourrait donc théoriquement être mise à mort aussitôt.
Mais, comme Jésus le souligne, le problème est ailleurs. Le crime de cette femme est instrumentalisé par les scribes et pharisiens pour mettre Jésus en difficulté.
— Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider celles-là. Toi, donc, que dis-tu ?
Or ils disaient cela pour l'éprouver afin d'avoir de quoi l’accuser.
Ce qui compte pour eux, c’est de pouvoir mettre Jésus en contradiction avec la Loi de Moïse.
La célèbre réplique de Jésus « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Jn 8,7) étonne et dérange. En fait, elle a une double portée :
Tous les juges partent d'eux-mêmes et donc ne prononcent pas la condamnation. Le seul juge qui reste, c'est Jésus.
Ce qu'il fait après s’apparente à ce qu'on appelle juridiquement le droit de grâce :
Comme on a énoooormément de choses à dire sur ce passage de la femme adultère, on a décidé d'en faire 4 épisodes. Retrouvez ici la saga complète sur Jésus et la femme adultère !
Le poète romantique Alfred de Vigny s'inspire de ce passage en consacrant un long poème en l'honneur de la femme adultère. Il se compose de quatre parties, dont la première décrit l'adultère, la deuxième la honte qui s'empare de la femme, la troisième le retour de l'époux, et la dernière le jugement de la femme adultère par le Christ. Le poème s'achève ainsi :
Par ses cheveux épars une femme entraînée,
Qu’entoure avec clameur la foule déchaînée,
Paraît : ses yeux brûlants au Ciel sont dirigés,
Ses yeux, car de longs fers ses bras nus sont chargés.
Devant le Fils de l’Homme on l’amène en tumulte,
Puis, provoquant l’erreur et méditant l’insulte,
Les Scribes assemblés s’avancent, et l’un d’eux :
« Maître, dit-il, jugez de ce péché hideux ;
Cette femme adultère est coupable et surprise :
Que doit faire Israël de la loi de Moïse ? »
Et l’épouse infidèle attendait, et ses yeux
Semblaient chercher encor quelque autre dans ces lieux ;
Et, la pierre à la main, la foule sanguinaire
S’appelait, la montrait : « C’est la femme adultère !
Lapidez-la : déjà le séducteur est mort ! »
Et la femme pleura. — Mais le juge d’abord :
« Qu’un homme d’entre vous, dit-il, jette une pierre
S’il se croit sans péché, qu’il jette la première. »
Il dit, et s’écartant des mobiles Hébreux,
Apaisés par ces mots et déjà moins nombreux,
Son doigt mystérieux, sur l’arène légère,
Écrivait une langue aux hommes étrangère,
En caractères saints dans le Ciel retracés…
Quand il se releva, tous s’étaient dispersés.
Alfred de Vigny, « La Femme adultère », Poèmes antiques et modernes, Les Destinés, 1837, Texte établi par Louis Ratisbonne, Lemerre, 1883, Tome 1 (pp. 69-76).
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