Qui est Joseph et qui sont ses frères ? Pourquoi sa tunique est-elle importante ? De quoi rêve Joseph ? Pourquoi en parle-t-il à sa famille ?
Dans notre précédent épisode sur Joseph, on vous disait qu'il était le dernier de ses frères. Mais c'est Benjamin le dernier de la fratrie, d'où l'expression "le benjamin de la famille" !
Mais on avait tout de même raison car, à ce moment de l'histoire, Joseph est bien le dernier, Benjamin n'était pas encore né.
D'ailleurs, le prénom Benjamin a eu une sacrée postérité puisque c'était le prénom de Franklin, un des pères Fondateurs des États-Unis. Son visage finit par apparaître sur les billets de 100 $ surnommés "Benjamin's". C'est donc à ces billets que Diddy l'immense rappeur US fait référence dans son titre It's all about the Benjamin's et non directement au personnage biblique au cas vous auriez un doute !
Joseph, âgé de dix-sept ans, faisait paître les brebis avec ses frères ; et lui jeune garçon il était avec les fils de Bilha et avec les fils de Zilpa, femmes de son père ; et Joseph rapporta leur mauvais propos à leur père.
Or Israël* aimait Joseph plus que tous ses fils car il [était] pour lui le fils de sa vieillesse et il lui fit une tunique bigarrée. Et ses frères virent que leur père l'aimait lui plus que tous ses frères et ils le haïrent et ne pouvaient pas lui parler en paix.
Et Joseph fit un rêve et il [le] raconta à ses frères et ils le haïrent encore plus.
Et il leur dit :
— Écoutez donc ce rêve que j’ai fait. Et nous voici liant des gerbes au milieu du champ et voici que ma gerbe se dressa et même se tint ferme et voici que vos gerbes se mettaient autour et se prosternèrent devant ma gerbe.
Et ses frères lui dirent :
— Règneras-tu vraiment sur nous ? Est-ce que tu dominerais vraiment sur nous ?
Et ils le haïrent encore plus à cause de ses rêves et à cause de ses paroles.
Et il fit encore un autre rêve et le raconta à ses frères et dit :
— Voici que j'ai encore fait un rêve et voici que le soleil et la lune et onze étoiles se prosternent devant moi.
Et il [le] raconta à son père et à ses frères et son père le réprimanda et lui dit :
— Qu'est-ce que ce rêve que tu as fait ? Viendrons-nous vraiment moi et ta mère et tes frères se prosterner devant toi jusqu'à terre ?
Et ses frères furent jaloux de lui et son père conserva la parole.
*Si vous avez oublié pourquoi Jacob est renommé Israël, c’est par ici.
Pour bien commencer, voici un bon récap’ de généalogie pour savoir « qui est qui » et bien s'y repérer parmi tout ce petit monde.
Jacob a eu 1 fille et 12 fils au total, et ce avec 4 épouses (ou pour être tout à fait exact, avec ses 2 femmes Léa puis Rachel et leurs 2 servantes Bilha et Zilpa). On s’accroche :
Élément historique capital : ce sont ces 12 fils de Jacob-Israël qui formeront plus tard les 12 tribus d’Israël !
Pour mémoire, 12, c'est aussi le nombre de disciples appelés par Jésus et on vous avait rappelé le lien entre ces deux chiffres symboliques ici.
Et parmi les nombreux enfants de Jacob, l’un d’entre eux est promis à une vocation particulière : Joseph (*rien à voir avec le père de Jésus, là on est dans l'Ancien Testament).
Jacob aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, car il était le fils de sa vieillesse et surtout le fils de la femme qu'il a désiré longtemps avant de pouvoir avoir sa main : Rachel. Cette préférence prend des accents très concrets puisque Jacob fit faire une tunique bigarrée à Joseph, c'est-à-dire un beau vêtement orné (beau cadeau !).
Joseph est le préféré de son père Jacob, ce qui provoque la jalousie de ses frères. D’autant que si les enfants ont le même père, ils n’ont pas la même mère : en général, ça augmente les tensions potentielles. On n’a ni étude statistique pour vous confirmer cette affirmation ni expérience particulière mais c’est une intuition.
Et Joseph s’en va raconter un songe à ses frères où il leur annonce que, plus tard, ils seront ses serviteurs : ça ne risque pas tout à fait de les enchanter. C’est d’ailleurs ce que nous indique le texte très directement :
« Et Joseph fit un rêve et il le raconta à ses frères et ils le haïrent encore plus. » (Gn 37, 5)
Ce vêtement devait être très particulier parce qu'il n'est mentionné que 2 fois dans la Bible : pour Joseph et... pour la princesse Tamar.
Le mot hébraïque passim, traduit par « bigarré » ici, serait d'origine égyptienne et signifierait "teint", "coloré". En Canaan, où vivent Joseph et ses frères, on porte de la laine qui n'est pas teinte. Or, Joseph porte, quant à lui, une tunique colorée, probablement importée d'Égypte. C'est donc une robe chère qui lui est offerte, qui distingue Joseph de ses frères.
La fraternité et l'amour entre frères est menacée, rompues pour une affaire de tunique et de préférence.
On ne sait pas pourquoi Joseph raconte un rêve qui risque de susciter la jalousie : est-ce de la naïveté, de la provocation ou de la confiance absolue en ses frères ?
D’ailleurs, il ne se contente pas de leur raconter une seule fois :
« Et il fit encore un autre rêve et le raconta à ses frères. [...] Et il [le] raconta à son père et à ses frères. » (Gn 37, 9-10)
Un décalage terrible s'opère dans le récit : alors que le narrateur nous dévoile l'hostilité des frères à son égard, Joseph ne fait qu'aggraver leur ressentiment. L'absence de paroles entre eux crée un fossé où va fleurir la haine.
12 frères, 12 hommes, héritiers de la promesse, cela en préfigure évidemment 12 autres : les disciples de Jésus. Cette jalousie qui habite les frères, cette colère devant la vocation particulière d’un seul, ce ressentiment partagé, cette incapacité à accueillir le songe prophétique que reçoit Joseph préfigurerait-il les chamailleries des 12 disciples et des héritiers de la promesse que forment les membres de l’Église ? On a une petite idée là-dessus, mais on vous laisse vous faire la vôtre.
Et voici saint Jean « Bouche-d’Or » qui fait de Joseph un modèle de vertus. Joseph est ici pur et candide :
« Voyez comment le saint prophète dit :
« Joseph, étant âgé de dix-sept ans, paissait les troupeaux avec ses frères ». Pourquoi nous indique-t-il le nombre d'années ? C'est afin que vous appreniez que la jeunesse n'est pas un obstacle à la vertu.
[Les frères de Joseph] se sont laissés emporter par la jalousie, en voyant la tendance de cet enfant vers la vertu, et la bienveillance que leur père lui témoignait.
Considérez en effet comment cet enfant se conduit avec ses frères que les mêmes entrailles ont nourris ; il montre une pleine confiance en eux et il leur parle avec une entière franchise ; ceux-ci au contraire, dominés par la passion de l'envie, sont remplis de haine pour lui.
Joseph, cet enfant admirable, ne connaissant pas les mauvais desseins de ses frères, leur parle comme à des frères, et leur raconte les songes par lesquels Dieu lui avait révélé sa future grandeur et en même temps l'assujettissement de ses frères.
Et ils le haïrent encore plus à cause de ses songes et de ses paroles. »
Jean Chrysostome, Homiliae in Genesim. 61.
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