Les Juifs sont-ils vraiment obnubilés par l'histoire et le passé ? Comment utilisent-ils le passé pour éclairer le présent ?
Un chœur de voix féminines et un piano magnifient le Psaume 23 d'après une composition de Franz Schubert (1797-1828). Gott ist mein Hirte, Op. 132 [D. 706], 1820 !
On trouve dans les psaumes les aspects essentiels de la spiritualité du peuple israélite. Encore aujourd’hui, ils forment un constituant fondamental de la prière des juifs et des chrétiens de toutes confessions. Tiré directement du grec, le mot « psaume » désigne un poème destiné à être chanté, normalement avec accompagnement musical.
YHWH me faisant paître je ne manque pas [de quoi que ce soit].
Dans des pâturages d'herbe il me fait m'étendre,
près d'eaux de repos il me conduit, il fait revenir ma gorge.
Il me guide dans les traces de la justice à cause de son nom.
Même si je vais dans la vallée de l'ombre de la mort je ne crains pas le mal,
car toi [tu es] avec moi : ton bâton et ta houlette, eux, me réconfortent.
Tu prépares en face de moi une table
devant mes adversaires tu as graissé avec de l'huile ma tête
ma coupe [est] surabondance.
Oui, le bien et la loyauté me poursuivent tous les jours de ma vie
et je suis revenu de YHWH pour une longueur de jours.
La Bible est appelée TaNaKh dans la tradition juive. C'est un mot-valise en référence aux 3 rouleaux qui la composent :
Ce dernier rouleau contient le livre des Psaumes, dont le Psaume 23 que nous vous présentons aujourd'hui. Sans cesse les Rabbins vont commenter les Prophètes et les Écrits en référence à la Tora : ils regardent en arrière.
Le Psaume 23 évoque « la vallée de l’ombre de la mort ». Les rabbins* y voient une référence à l’Exode hors d’Égypte : la vallée de l'ombre de la mort est assimilée à la Mer Rouge qui s'est ouverte pour laisser passer Moïse et le peuple élu.
De manière générale, les rabbins interprètent volontiers les Écrits et les Prophètes à la lumière de la Tora et invitent les croyants à en éclairer leur propre vie. L'histoire sainte du peuple élu devient alors l'histoire sainte des croyants de tous les temps. Dans sa propre vie, le croyant est amené à reconnaître les moments où il est passé, lui aussi, par « la vallée de l'ombre de la mort », à voir quelle « Mer Rouge » il a pu traverser à l'image de Moïse.
Les rabbins juifs ne sont pas enfermés dans le passé, ils sont habités par cette mémoire des textes et arrivent ainsi à illuminer toute chose nouvelle.
*dans le Targoum Araméen, une traduction araméenne de la Bible juive entourée de commentaires réactualisant le texte
Pour finir cette réflexion sur la lecture rabbinique, nous vous proposons ces lignes magnifiques de Marcel Jousse issues de « L'anthropologie du geste» dans La manducation de la Parole :
« Il ne faut pas confondre mémoire et perroquettisme, ce qu’on fait trop souvent. Un perroquet n’a pas de mémoire, pas plus qu’un disque. La mémoire, la vraie mémoire, la seule mémoire est un perpétuel approfondissement. [...] On comprend pourquoi, dans les milieux ethniques palestiniens, d’inlassables récitations d’un même texte traditionnel ont suscité tant de stupéfiantes découvertes. [...] Dans leurs récitations, les hommes de génie mettaient les gestes de toute leur vie d’approfondissement. »
Marcel Jousse, L'anthropologie du geste. La manducation de la Parole, 1975, Paris.
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