Que dit la Bible sur la relation entre Juifs et Chrétiens ? Comment saint Paul explique-t-il cette relation avec la métaphore de l'olivier ?
De la part des Chrétiens, la reconnaissance des trésors du judaïsme passe aussi… par les merveilles musicales entonnées en hébreu !
Ici en pleine session à l'aveugle de The Voice en 2016, Naomie reprend le titre Hava Nagila, qui signifie littéralement « Réjouissons-nous ». Et, vous vous y attendiez... ce titre est évidemment issu d'un texte biblique ! En l'occurrence, le Psaume 118, 24 qui chante « C'est ici le jour que l'Éternel a fait ; égayons-nous et réjouissons-nous en lui ! »
Voici donc une mélodie idéale pour bercer votre lecture de saint Paul revenant sur la puissance du lien puissant qui unit Juifs et Chrétiens.
Dans cette lettre de saint Paul envoyée à la jeune Église de Rome, au premier siècle, il est question du rapport entre Juifs et Chrétiens.
Paul choisit l’image de l’olivier pour exprimer par une métaphore les liens qui unissent les disciples du Christ aux Juifs. Les chrétiens sont des branches greffées sur l’olivier franc d’Israël.
Je dis donc : Est-ce que Dieu a rejeté son peuple ? Loin de là !
En effet moi aussi je suis Israélite, de la descendance d’Abraham, de la tribu de Benjamin.
Dieu n’a pas rejeté son peuple que d'avance il a connu.
Si la racine de l’arbre est sainte, les branches le sont aussi.
Mais si quelques-unes des branches ont été coupées et si toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi elles et es devenu participant de la racine de l’olivier,
ne te glorifie pas à l’encontre des branches : si tu te glorifies, sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c'est la racine qui te porte.
Dans un précédent article, on avait déjà abordé ce texte génial de Paul qui évoque le lien entre les Juifs et les Chrétiens au moyen de la métaphore de l'olivier. Mais on apporte ici un nouvel éclairage !
En 1965, la déclaration Nostra Aetate (aka Notre temps en VF ; *pour l’anecdote, sachez qu’il s’agit du plus court document écrit à l’issue du Concile Vatican II : 3 pages seulement !) marque un événement majeur dans la relation compliquée et meurtrie entre Juifs et chrétiens : cette déclaration de l’Église catholique souligne la reconnaissance des racines et de l’héritage juifs du christianisme.
Parce qu'on n'arrête pas de le répéter : Jésus était juif. Les apôtres de même. Ainsi, en raison de ces racines communes, le judaïsme n’est pas extérieur mais intérieur au christianisme.
Les visites des papes Jean-Paul II et Benoît XVI à la synagogue de Rome ont historiquement participé à cette évolution du regard que le christianisme porte sur le judaïsme.
Ce rapprochement et cet effort de travail commun ne doit évidemment pas éclipser les points d’opposition profonds. Il n’est pas question de diluer les deux religions en un syncrétisme absurde.
Tout l’enjeu est de parvenir à un respect mutuel plus profond, animé par un désir commun de responsabilité, et soucieux de part et d’autre de trouver les moyens de comprendre la position de l’autre.
On a récemment fêté les 50 ans de la publication de Nostra Aetate, en 2015. Et dans ce sillage, nous chez PRIXM, on est tombé sur un article* du Cardinal Walter Kasper (né en 1933), grand théologien catholique allemand.
*Pour les insatiables qui veulent la référence exacte, la voici : Walter Kasper, « Juifs et chrétiens, l’unique peuple de Dieu », article paru dans la revue Communio 211, octobre 2010 ; pp 17-20.
Et à la lecture, on s’est tout simplement dit que c’était lumineux, alors on s’en fait l’écho, afin d’éclairer le texte de saint Paul dans la lettre aux Romains que vous venez de lire.
Les mots du cardinal allemand soulignent la continuité de l'Alliance entre Dieu et le peuple d'Israël :
« Dans le passé, Israël a souvent été traité de peuple maudit rejeté par Dieu. Depuis Nostra Aetate, cette idée n’a absolument plus cours. Selon saint Paul, Israël est le peuple élu et bien-aimé de l’alliance qui n’a jamais été révoquée.
C’est pourquoi on ne peut pas dire que l’alliance avec Israël a été remplacée par la Nouvelle Alliance. La Nouvelle Alliance n’est pas pour les chrétiens le remplacement, ni la substitution, de l’Ancienne, mais son accomplissement.
La Nouvelle Alliance est la réinterprétation finale, promise par les prophètes, de l’Ancienne Alliance. C’est le oui et l’amen définitifs à toutes les promesses de Dieu, mais non leur suspension ou leur abolition. »
Et en fait, le théologien ne fait que déployer ce que le Christ lui-même dit lorsqu'il évoque le Temple et la Loi juive de son époque :
« Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5,17)
On avait déjà évoqué cette image paulinienne de l’olivier sur lequel des branches sont greffées, mais l'interprétation était plutôt artistique. Ici, on insiste sur la puissance théologique de la métaphore déployée par l’apôtre. En fait, cette métaphore est géniale et immensément riche.
On laisse à nouveau la parole au Cardinal Kasper, qui analyse magistralement le texte paulinien :
« On trouvera peut-être plus efficace qu’une clarification conceptuelle l’image utilisée par saint Paul : celle de la racine d’Israël sur laquelle les branches sauvages des gentils ont été greffées.
Cette image fait saisir le sens de la distinction dans l’unité de deux manières.
D’une part, elle dit que les branches sauvages greffées ne sont pas issues de la racine elle-même et ne peuvent en dériver. La greffe est quelque chose de nouveau, l’acte irréductible de Dieu. L’Eglise n’est pas simplement une branche, un fruit ou un rejeton d’Israël.
D’autre part, [l’Eglise] doit tirer sa vigueur et sa force de la racine d’Israël. Si les branches greffées sont coupées de la racine, elles se dessèchent, s’affaiblissent et finissent par mourir.
Mais l’inverse est également vrai. Sans les branches greffées sur elle, la racine demeure stérile. Celles-ci renouvellent sa vitalité et sa fécondité.
Israël sans l’Eglise court le danger de se replier sur sa particularité et de se refermer sur lui-même, et l’Eglise sans Israël court le danger de perdre son enracinement dans l’histoire et de devenir atemporelle et gnostique. Judaïsme et christianisme ont besoin l’un de l’autre et dépendent donc l’un de l’autre. »
En relisant cette phrase du Concile Vatican II au sujet des relations entre Juifs et Chrétiens, on s'est dit que ça résumait bien notre effort d'éclairage d'aujourd'hui :
« Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux Chrétiens et aux Juifs, le saint Concile [Vatican II ] veut encourager et recommander la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel. »
Nostra Aetate, déclaration officielle à l’issue du Concile Vatican II, Rome, à Saint-Pierre, le 28 octobre 1965.
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