Pourquoi Noël est la plus grande fête chrétienne dans le monde latin ? Qu’est-ce que la kénose ? Qu'est-ce que l'Incarnation ?
Quand dans son titre Million Reasons, la grande Lady Gaga répète qu’elle « s’incline pour prier » (I bow down to pray). En fait, elle réalise là un geste-clé de la spiritualité occidentale – la génuflexion –, très lié au texte biblique auquel nous nous intéressons aujourd’hui. On vous explique pourquoi dans l'éclairage !
Jésus-Christ, qui avait de fait la physionomie de Dieu, ne jugea pas bon de retenir l’égalité à Dieu comme un avantage qu’on ravit, mais il se vida de soi pour prendre la physionomie d’un esclave ; s’étant rendu à la ressemblance des hommes, il s’humilia lui-même, étant obéissant jusqu’à la mort, mais la mort de la croix.
La vie du Christ a commencé dans la petite bourgade de Nazareth, qui n’était alors qu’un tout petit village de quelques âmes seulement, lorsque le Verbe s’est fait chair dans le sein virginal d’une jeune habitante de ce bourg, Marie.
Ce jour-là, jour de l’Incarnation et de la conception de Jésus, Dieu, qui est infiniment grand, s’est uni à ce qui est infiniment petit, à peine perceptible à un microscope : une cellule humaine.
Les mois ont passé, la cellule a crû et s’est multipliée, elle est devenue un embryon puis un enfant ; cet enfant a vu le jour à Bethléem, a continué de croître sous le ciel de Galilée et sous les yeux de son Père, et est enfin devenu l’adulte dont les Évangiles nous racontent la vie.
La tradition latine a plongé ses regards dans le mystère de l’Incarnation ; elle a profondément médité l’abaissement du Verbe dans lequel elle a vu le signe le plus éminent et le plus adorable de l’amour de Dieu pour sa créature.
C’est pour les Pères latins le mystère le plus ineffable et le plus impénétrable : que Dieu, par amour pour l’homme, désire l’élever à sa nature divine, cela est déjà prodigieux, mais qu’Il pousse cet amour jusqu’à s’abaisser à la nature humaine et à se faire serviteur, cela dépasse tout ce que l’intelligence et le cœur se peuvent concevoir.
C’est pourquoi les Latins s’agenouillent au Credo pour l’article de l’Incarnation (Par l’action de l’Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme), et non pour celui de la Crucifixion ou de la Résurrection ; et c’est pourquoi les Latins sont les seuls à avoir développé l’adoration de l’Eucharistie, dans laquelle ils reconnaissent un ultime abaissement du Verbe qui, pour nourrir les âmes, n’a pas dédaigné de prendre l’apparence et les accidents du pain.
C’est donc autour de ce mystère de l’Incarnation que s’est constituée toute la spiritualité latine, dont le chef-d’œuvre le plus abouti est vraisemblablement l’Imitation de Jésus-Christ, composée par un auteur anonyme au 14e siècle.
Le maître-mot de ce petit ouvrage est la kénose. Ce mot grec bien étrange nous vient de l’hymne au Christ que nous trouvons dans l’Épître aux Philippiens de Saint Paul :
« Jésus-Christ, se vida de soi pour prendre la physionomie d’un esclave »
Le verbe « se vider » traduit très littéralement le grec« kénoun » qui ne signifie pas autre chose. La kénose consiste donc à vider son cœur de tout ce qui peut faire obstacle en lui à la présence de Dieu pour se laisser remplir par celle-ci.
La kénose consiste donc à vider son cœur, de tout ce qui peut faire obstacle en lui à la présence de Dieu, pour se laisser remplir par celle-ci.
Voilà pourquoi Noël, en Occident, est et demeure la plus grande fête de l’année.
On finit en poésie avec Théophile Gautier pour célébrer l'événement de Noël :
Le ciel est noir, la terre est blanche,
Cloches, carillonnez gaîment !
Jésus est né. La Vierge penche
Sur lui son visage charmant.
Pas de courtines festonnées
Pour préserver l'enfant du froid,
Rien que des toiles d'araignées
Qui pendent des poutres du toit.
Il tremble sur la paille fraîche,
Ce cher petit enfant Jésus,
Et, pour l'échauffer dans sa crèche
L'âne et le bœuf soufflent dessus.
La neige au chaume coud ses franges,
Mais sur le toit s'ouvre le ciel
Et, tout en blanc, le chœur des anges
Chante aux bergers :"Noël ! Noël !"
Théophile Gautier, poème publié une première fois dans le journal Le Papillon le 10 janvier 1861 sous le titre "Le Jésus des Neiges" ; puis publié dans l'édition de 1863 d'Émaux et Camées sous le titre "Noël".