Pourquoi dit-on « Jésus de Nazareth » ? Que sait-on cette petite ville de Galilée ? Qu’en dit l’Ancien Testament ? Où a lieu l'Annonciation ?
Le 25 décembre nous fêterons Noël, jour de la naissance de Jésus. C’est donc logiquement que l’Église a fixé la fête de l’Annonciation (le jour où Marie tombe enceinte du coup), 9 mois plus tôt, le 25 mars. C'est par le « oui » de Marie que le Sauveur s'incarne et triomphe du mal.
Grand lecteur de la Bible, J.R.R. Tolkien (1892-1973) l'a bien compris, et met en valeur cette victoire par la chronologie de son roman majeur, Le Seigneur des Anneaux. C'est en effet un 25 mars, jour où les chrétiens célèbrent l'Annonciation, que Frodon détruit l'Anneau, symbole du mal et du péché, en le jetant dans la lave de la montagne du Destin.
Pour les plus rigoureux, voici la citation dans la version originale : « But in Gondor the New Year will always now begin upon the twenty-fifth of March when Sauron fell, and when you were brought out of the fire to the King. » J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, tome 3, Le retour du roi, 1955.
Puisqu’on vous parle de l’Annonciation qui fête l’incarnation de Jésus comme enfant dans le ventre de sa mère, on vous laisse lire le texte de l’Évangile de Luc, le seul des 4 évangiles qui nous raconte ce moment :
Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David. Et le nom de la vierge était Marie.
Et, après être entré chez elle, l’ange dit :
— Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, bénie que tu es entre les femmes.
Après qu'elle eut vu cela, elle fut troublée par ses paroles et elle réfléchissait : quelle pouvait être cette salutation ?
Et l’ange lui dit :
— Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Et voici, tu concevras dans [ton] sein, et tu enfanteras un fils et tu l'appelleras du nom de « Jésus ». Celui-ci sera grand et il sera appelé Fils du Très-Haut et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père. Et il régnera sur la maison de Jacob pour [tous] les siècles et son règne n’aura pas de fin.
Marie dit à l’ange :
— Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ?
Et, répondant, l’ange lui dit :
— L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut habitera sur toi et c’est pourquoi ce qui est né saint sera appelé « Fils de Dieu ».
Et voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait la stérile. Car rien n’est impossible pour Dieu.
Marie dit alors :
— Voici la servante du Seigneur, qu'il soit pour moi selon ta parole !
Et l’ange la quitta.
Le texte de l'évangile de Luc nous indique que l’Annonciation a lieu à Nazareth. Mais que dit l'Écriture à propos de ce petit village ? Tour d'horizon !
Comme on le sait, Jésus est né à Bethléem. Mais la ville importante de sa jeunesse, c'est Nazareth.
Or, curieusement, la ville n'est mentionnée que 9 fois dans toute la Bible (et 19 occurrences du terme « Nazaréen » - pour être très précis). Petit récap’ :
Mais un truc nous a marqués !
*Terme stylé et un peu snob (on avoue) pour dire quelque chose de très simple, à savoir : « relatif à l’Ancien Testament »
En fait, Nazareth n’est pas une ville importante à son époque. Au contraire, c'est plutôt un modeste village.
Le nom de Nazareth n’est jamais mentionné dans les Écritures ! Nada. On vous joue souvent le couplet du lien entre le Nouveau et l’Ancien Testament : bah là clairement, le Nouveau Testament fait preuve de nouveauté.
On explore deux pistes de réponse assez simples :
Nazareth est située en Galilée. Et à l'époque, la grande ville de Galilée, c'est Sepphoris. Mais Jésus n'y va pas... Il se rend à Capharnaüm, un village important de pécheurs, sur les frontières, pour entamer son ministère (Mc 1,21).
Les deux villages de Nazareth et de Capharnaüm sont donc naturellement mis en parallèle et en opposition.
Ainsi Matthieu l’évangéliste compare ces deux localités galiléennes dans ce verset (Mt 4, 13) :
« Et quittant Nazara [Nazareth], [Jésus] vint habiter à Capharnaüm, au bord de la mer, dans les régions de Zabulon et de Nephtali. »
On l’a bien compris, c’est assez clair : Matthieu joue sur l'opposition entre Nazareth et Capharnaüm pour faire mettre en évidence quelque chose. Mais que comprendre ?
Réponse : Chacune de ces deux localités correspond à un temps bien déterminé de la vie de Jésus :
On a parlé de l’insignifiance de Nazareth, village méconnu – ou même inconnu.
Plus encore, il semble avoir une certaine réputation – assez négative ! C’est l’évangéliste Jean qui relate le mépris des gens de l’époque pour cette bourgade.
Quand Philippe lui dit que Jésus est le Messie et qu’il vient de Nazareth, Nathanaël exprime, disons… quelques doutes ! On lit ça en Jn 1, 45-46 :
« Philippe trouve Nathanaël et lui dit :
— Celui dont Moïse a écrit dans la Loi ainsi que les prophètes, nous [l’]avons trouvé : [c’est] Jésus fils de Joseph de Nazareth.
Et Nathanaël lui dit :
— De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ?
Philippe lui dit :
— Viens et vois. »
Tout comme Nathanaël, on est surpris que le « Verbe se fasse chair » et grandisse dans un village aussi modeste et inconnu. Mais on peut y lire l'essentiel du mystère de l’Incarnation : un Dieu tout-puissant qui s’abaisse.
Pour conclure en poésie, on s’est dit que la vie cachée de Jésus pendant des années à Nazareth, c’est également une hymne à la patience. On laisse alors la parole à Rilke :
« Tout n’est que porter à terme, puis mettre au monde.
Laisser chaque impression et chaque germe de sentiment parvenir à la maturité au fond de soi, dans l’obscurité, dans l’indicible, l’inconscient, l’inaccessible à l’entendement, et attendre avec une profonde humilité, une profonde patience, l’heure de l’accouchement d’une nouvelle clarté : vivre dans l’art, c’est cela, et c’est cela seul : pour comprendre aussi bien que pour créer.
Je l’apprends tous les jours, je l’apprends dans la douleur, à qui j’en ai la gratitude : la patience est tout. »
Rainer Maria Rilke, Lettre à un jeune poète, lettre du 23 avril 1903 (Trad. Marc B. de Launey, Paris, Gallimard, 1993)