Un genou à terre, oui mais pourquoi ?

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Pourquoi mettons-nous un genou à terre ? Est-ce que l'on retrouve ce geste dans la Bible ? Quel est le sens d'une génuflexion ? L'homme fait-il preuve d'humilité ?

4 minutes et 12 secondes avec Colin Kaepernick, Saint Paul et Poussin
Dernière mise à jour -  
18/11/2024

Un genou revendicatif et sportif

Été 2016. Colin Kaepernick pose un genou à terre. Le geste a fait scandale chez l’Oncle Sam : en plein hymne national, l'ancien quarterback des 49ers de San Francisco, met un genou à terre en signe de protestation contre les violences policières et les discriminations raciales qui se multiplient dans son pays. Tout, sauf un geste d’adoration… Dans la Bible, ce geste a un tout autre sens !

Le texte biblique qui raconte le geste de mettre un genou à terre dans la Bible

[Le Christ Jésus] s’humilia lui-même

Étant obéissant jusqu’à la mort

Mais la mort de la croix.

Voilà pourquoi Dieu l’a exalté

Et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom

Afin qu’au nom de Jésus

Tout genou fléchisse

Aux cieux, sur terre et dans les profondeurs

Et que toute langue confesse

Que le Seigneur c’est Jésus Christ pour la gloire de Dieu le Père.

Chapitre 2, versets 8-11 de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens, dans le Nouveau Testament. Traduit par les équipes de notre programme de recherches La Bible en ses traditions.

Pourquoi met-on un genou à terre dans les récits bibliques ?

Notre ami François Friche, docteur en Littérature et champion de Suisse de basket (attention, grosse, grosse classe... !) vous propose aujourd'hui une petite réflexion sur le fait de mettre un genou à terre.

Adoration bergers naissance jésus Marie anges beige drapés Joseph Poussin
Nicolas Poussin (1594-1665), L'Adoration des bergers, (huile sur toile, 1633 - 1634), 98 × 74 cm, National Gallery, Londres, Royaume-Uni. © Wikicommons.

Un geste d'humilité verticale

Venus adorer le nouveau-né, les bergers mettent spontanément un genou à terre comme dans ce tableau de Poussin (admirez la décomposition du mouvement d’inclinaison entre les quatre personnages : un vrai dessin animé !). Évidemment, c’est plus pratique pour voir un petit enfant de près... mais c’est surtout le signe visible d’une grande soumission et d’un profond respect, comme le laisse entendre l’Épître aux Philippiens.

Dans cette lettre, Paul nous fait découvrir une suite verticale :

  • L’exaltation du Christ répond à
  • L’humiliation divine (Dieu-fait-homme mort sur la croix), elle-même entraînant
  • L’humilité humaine et le fameux genou fléchi.
Adoration bergers rois mages manteau jaune bébé hommes bleu Joseph Bartolomé Esteban Murillo
Bartolomé Esteban Murillo (1617-1682), L'Adoration des Rois Mages (huile sur toile, 1655-1661), Musée d'art de Toledo, État de l'Ohio, États-Unis. Domaine public.

Humilité devant Dieu

Ces genoux qui se plient sont des gestes déplacés ! En effet, le seul être digne d’adoration est Dieu. Dans la Bible (Esd 9,5 ; Ps 95,6 ; Is 45,23), ce mouvement de génuflexion Lui est exclusivement réservé.

Paul attribue ainsi à Jésus ce qui est propre à Dieu : se mettre à genoux devant le Christ, c’est avant tout reconnaître sa divinité.

Les genoux dans la littérature

  • Au Moyen Âge, les personnages courtois ne cessent de fléchir leurs genoux devant la dame aimée — comme devant leur souverain.
  • Dans Le Berger extravagant (1627), le romancier Charles Sorel se rit de cette marque de dévotion toute humaine : son berger amoureux pose « un genou en terre » lorsqu’il voit sa bien-aimée ou entend son nom. Face à l’amante prise pour une déesse, le geste est extravagant, comme l’explique l’auteur dans ses « Remarques » en fin d’ouvrage : « C’est attribuer au pouvoir d’une beauté mortelle ce qui ne doit arriver que par la Toute-Puissance de Dieu ».
  • Même attitude ridicule dans le Roman comique (1651) de Paul Scarron : on y rencontre un lieutenant de police prénommé La Rappinière « au nom duquel tout genou fléchissait ».

Portrait Paul Scarron drapé cheveux Roman Antoine Boizot
Antoine Boizot (1702-1782), Portrait de Paul Scarron (1736).

Le mot de la fin

Respect, donc :

« Ah ! si tu avais à rencontrer un roi ou un grand magistrat, et à le solliciter pour une affaire d’importance, tu ne lui présenterais pas ta requête en bâillant ni avec désinvolture, mais tu manifesterais une crainte respectueuse en sa présence, et c’est avec le visage humblement baissé vers la terre que tu le supplierais. [...] Si tu fais montre d’une telle humilité devant un homme qui « est poussière et qui retournera en poussière » (Gn 3,19), quelle ne doit pas être ton attitude en présence de celui « devant qui tout genou fléchit, au ciel, sur terre et aux enfers » (Ph 2,10) ? »

Julien de Vézelay (1085-1165), Sermons 27. Traduction SC 193,643.

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