Qui est l’apôtre Paul ? Comment se présente-t-il dans ses épîtres ? Que racontent ses lettres retenues dans le Nouveau Testament ?
Hallelujah ! Alleluia est une exclamation qui signifie littéralement en hébreu : « Louez le Seigneur » (vous pouvez relire notre article à ce sujet, ici). Or, toutes les lettres et écrits de saint Paul sont des éléments flagrants qui expriment cette louange, puisque Paul parle toujours de Dieu lorsqu’il parle de lui-même dans ses lettres.
De quoi commencer en musique, avec cette magnifique reprise a capella du célébrissime titre de Leonard Cohen par le collectif américain Pentatonix.
Ces trois petits versets constituent les tout premiers mots de saint Paul dans l’ouverture de la lettre qu’il adresse à la jeune communauté de Corinthe.
Paul, appelé [à être] apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et Sosthènes, le frère à l’Église de Dieu qui est à Corinthe,
à ceux qui ont été sanctifiés en Christ Jésus appelés [à être] saints, avec tous ceux qui invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, en tout lieu, leur [Seigneur] et le nôtre :
à vous grâce et paix de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ !
Ces quelques versets constituent l’introduction de la lettre que saint Paul adresse à la jeune communauté chrétienne de Rome.
Paul, serviteur du Christ-Jésus, apôtre par son appel, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu, qu'il avait annoncé par avance par ses prophètes dans les Écritures saintes touchant son Fils (né de la postérité de David selon la chair, et déclaré Fils de Dieu miraculeusement, selon l’Esprit de sainteté, par une résurrection d’entre les morts), Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui nous avons reçu la grâce et l’apostolat, pour amener en son nom à l’obéissance de la foi tous les Gentils, du nombre desquels vous êtes, vous aussi, par appel de Jésus-Christ,
— à tous les bien-aimés de Dieu, les saints appelés par lui, qui sont à Rome : grâce et paix à vous de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ !
Car j’ai un grand désir de vous voir, pour vous communiquer quelque don spirituel, capable de vous affermir, je veux dire, de nous encourager ensemble au milieu de vous par la foi qui nous est commune, à vous et à moi. Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que je me suis souvent proposé d’aller vous voir, — mais j’en ai été empêché jusqu’ici, — afin de recueillir aussi quelques fruits parmi vous, comme parmi les autres nations.
Les textes bibliques que vous venez de lire appartiennent à un genre littéraire bien particulier, puisqu’il s’agit de lettres. On parle aussi parfois des « épîtres » de saint Paul, ce qui est tout simplement un mot de racine latine pour dire la même chose : ce sont des écrits de correspondances, des courriers adressés entre plusieurs interlocuteurs.
Ce sont donc des lettres écrites par Paul, dans les années 50-60 après Jésus-Christ. On date approximativement les lettres pauliniennes des années 48 à 67.
Pour la petite info historique, les lettres pauliniennes sont les plus vieux textes du Nouveau Testament : les évangiles ont été écrits entre les années 65 et 95 (après Jésus-Christ donc !), pour mettre à l’écrit ce que les témoins étaient déjà en train de transmettre et diffuser.
Le statut des textes n’est pas anecdotique. Bien au contraire, le fait qu’il s’agisse de correspondance épistolaire renvoie à des situations très contextualisées et personalisées :
« J’ai un grand désir de vous voir. Je me suis souvent proposé d’aller vous voir, — mais j’en ai été empêché jusqu’ici. »
(Rm 1,11)
En l’occurrence, ces lettres sont envoyées à des communautés. Ici, c’est aux habitants de la ville de Corinthe (d’où sa lettre dite « aux Corinthiens ») et aux habitants de la ville de Rome (« lettre aux Romains ») que Paul s’adresse.
En général, Paul s'adresse à des gens identifiés, des personnes concrètes. Et dans ses lettres, il est généralement question de rencontres, de précisions théologiques, de crises à gérer ou encore de l’organisation pratique de la communauté.
À travers ces lettres, c’est aussi l'identité de Paul qui se révèle. Car en effet, son histoire personnelle est indissociable de son écriture.
Quand un Pierre ne dit rien de lui, ou si peu, Paul parle de soi-même, souvent. Les épîtres pauliniennes constituent l’un des corpus bibliques qui recourt le plus à la première personne (« je »). Et pour cause, il ne s’agit pas de récit ou de chronique, mais d’abord de témoignage.
Car, pourquoi Paul écrit-il des lettres ? Réponse : parce qu'il est chargé par le Christ d'annoncer l'Évangile et d'accompagner les jeunes communautés. C'est ce qu'il met en avant dès les premiers mots de sa lettre aux Romains :
« Paul, serviteur du Christ-Jésus, apôtre par son appel, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu » (Rm 1,1)
Et répondant aux attentes formelles d’une lettre, il est toujours intéressant de se pencher sur la manière par laquelle Paul se présente :
« Paul, appelé [à être] apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu » (1 Co 1,1)
« Paul, serviteur du Christ-Jésus, apôtre par son appel, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu » (Rm 1,1)
Paul se présente lui-même en tant que « apôtre ». Et pourtant il ne fait pas partie des Douze que Jésus a choisis pour le suivre tout au long de sa vie publique.
Pourquoi alors utiliser ce mot pour se qualifier ? Tout simplement parce qu’il rend compte de la mission qui lui incombe. En effet, en grec, le terme ἀπόστολος [apostolos] signifie envoyé : comme quelqu’un qui est envoyé en mission. Ainsi, par le titre d’apôtre, Paul se définit par cet envoi.
Autrement dit, l'identité de Paul est relationnelle : elle se définit par rapport à Jésus-Christ.
Nous l'appelons Paul. Mais il est presque toujours appelé Saül dans les Actes des Apôtres. En fait, les Juifs en diaspora portent souvent deux noms, y compris aujourd'hui : Moshe-Maurice, Baruch-Benoît... Songeant à ce qui n’est justement pas un détail pour l’identité de chacun, nous avons trouvé ce passage d’un roman d’Erri De Luca très poétique et très puissant :
« Tu t’appelles Catia ? lui demandais-je en pensant que son nom était d’origine slave. « Non, Caia » me répondit-elle d’un ton brusque en se tournant d’un autre côté. Qu’est-ce que je cherchais : deviner, découvrir quelque chose que les autres avaient négligé ? Je crois que oui, tel était le point crucial : son nom. Je partais de là, de l’accident qui accompagne une personne toute sa vie mieux qu’une ombre, car du moins dans le noir l’ombre disparaît, mais pas le nom. »
Erri De Luca, Tu, mio, Paris, Gallimard, 2011, p. 31