Découvrez qui est l'apôtre Paul ! Saul ou Paul : pourquoi a-t-il deux prénoms ? À quel moment change-t-il de nom et pourquoi ?
Ceci n’est pas une pub, mais seulement une pépite biblique qui peut aussi prendre la forme d’une commande avec des pépites de chocolat dans la brioche.
« Paul » est le nom d’une enseigne française de boulangerie-pâtisserie, mais c’est aussi et avant tout le nom d’un apôtre et acteur incontournable du Nouveau Testament… Paul de Tarse, alias saint Paul (comme l’arrêt de métro sur la ligne 1 à Paris)
Annonce : à l'issue de ce numéro, vous n'aurez pas de baguette tradition offerte par la maison, mais vous connaîtrez l'origine et la signification du prénom « Paul ». Et quelques bonus distillés en chemin.
Dans le texte qui suit, Paul s’adresse aux néo-chrétiens habitant la région de Philippe. Il parle de lui et « décline son identité » comme on dit.
Circoncis le huitième jour,
[né] de la race d’Israël,
[appartenant à] de la tribu de Benjamin,
Hébreu [fils] d’Hébreux ;
quant à la Loi, pharisien ;
quant au zèle, persécuteur de l’Église ;
quant à la justice qui est dans la Loi, sans reproche.
Mais ces choses qui étaient pour moi des avantages, je les ai considérées, à cause du Christ, [comme] une perte.
Mais, bien plus, je considère que tout est une perte en raison de l’excellence de la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur.
[À cause de lui], j’ai perdu toutes choses et les considère [comme des] ordures, afin de gagner [le] Christ.
Et d’être trouvé en lui, n’ayant pas ma propre justice — qui vient de la loi — mais celle qui s’obtient par la foi du Christ — la justice qui vient de Dieu par la foi de manière à le connaître [lui]
et la puissance de sa résurrection
et la communion à ses souffrances
étant conformé à sa mort,
si par un quelconque moyen je peux parvenir à la résurrection des morts.
Non que je [l’]aie déjà obtenu ou que je sois devenu parfait. Mais, je [le] poursuis si je [puis le] saisir, puisque moi aussi j’ai été saisi par le Christ Jésus.
Avant toute chose, posons les bases. Vous venez de lire non pas un récit ni un poème ni une pièce de théâtre, mais bel et bien un texte appartenant au genre épistolaire, autrement dit… il s’agit d’une lettre (pas une lettre de l’alphabet, mais une lettre qu’on dépose à La Poste et qui est adressée à un destinataire déterminé).
Il s’agit d’une lettre que l’apôtre Paul envoie à l’église de Philippes, dans la région qui porte aujourd’hui le nom de Kavala, et qui se trouve en Grèce, au Sud de la Bulgarie actuelle.
Philippes est une ville antique fondé en 356 avant Jésus-Christ. Elle doit son nom au roi qui commanda sa fondation… un certain Philippe II de Macédoine (très friand de salade de légumes taillés en petits cubes, paraît-il). À l’époque, les rois avaient une imagination assez réduite pour choisir un nom pour les nouvelles cités…
Bon, entrons dans le vif du sujet ! Qui est Paul ? Qui est cet homme, auteur de tant de lettres dans le Nouveau Testament ?
Commençons par corser un peu les choses. En fait, Paul est aussi et d’abord appelé par un autre nom dans la Bible : Saul.
Si on lit la Bible telle qu’elle est présentée dans une édition classique, la première mention de Saul-Paul survient… au détour d’une scène de lapidation, autrement dit au détour d’une scène de mise à mort à coups de cailloux. Le mis à mort, c’est Étienne (ou Saint Étienne… allez les Verts !), premier martyr chrétien.
« Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. » (Ac 7, 57-58)
Mais les noms « Saul » et « Paul » désignent la même personne ! *Et ça n’a rien à voir avec le saule pleureur, qui est simplement un arbre appartenant à la famille des Salicacées. Bref, pour y voir clair, voici une petite mise au point très simple :
Tout comme Moïse (à la fois Hébreu et Égyptien), Saul-Paul grandit dans une double culture, au croisement et à l’intersection de deux peuples auxquels il appartient. Et quand on sait ça, on comprend beaucoup mieux son histoire !
« Saul, qui est aussi Paul » (Ac 13, 9)
En hébreu, Saul signifie « désiré ». Et ce n’est pas anodin ! Car il s’agit du nom que portait… Saül, le premier roi d’Israël dans l’Ancien Testament (la traduction française rajoute justement un accent tréma pour distinguer les deux personnages, mais le nom hébreu est le même).
D’ailleurs, Saul-Paul rappelle largement et fièrement cet héritage :
« Circoncis le huitième jour, [né] de la race d’Israël, [appartenant à] de la tribu de Benjamin, Hébreu [fils] d’Hébreux » (Ph 3, 5)
En effet, Saul-Paul se présente lui-même comme Pharisien, circoncis… et indique qu’il est issu de la tribu de Benjamin… tout comme le roi Saül qui lui aussi descend de Benjamin ! Autrement dit, Saul-Paul suggère ainsi un parallèle entre lui et son illustre ancêtre.
En déclinant et assumant ainsi son identité, Saul-Paul indique dans quel contexte il a grandi, dans quel contexte il est devenu celui qu’il était jusqu’à sa « conversion » sur le chemin de Damas. Petit détail au passage :
Penchons-nous désormais sur le nom qu’on lui attribue le plus souvent : Paul. Premier élément, le changement de nom et le passage de Saul à Paul n’est raconté dans aucun passage de la Bible. Autrement dit, il ne s’agit pas d’un nouveau nom donné par Dieu, comme pour d’autres personnages bibliques :
Non, pour ce qui est de Saul qui est aussi Paul, rien de cela. Nulle trace d’un récit avec le don d’un nouveau nom. Rien. Nada. Walou.
Ainsi, depuis des siècles, les lecteurs des Actes des Apôtres ont formulé cette hypothèse : Saul décide de changer de nom et se fait appeler Paul pour marquer le tournant que prend sa vie à partir de sa rencontre avec le Christ.
D’ailleurs, le prénom « Paul » provient du latin paulus qui signifie « faible, petit ».
« Appelé Saul avant sa conversion, il ne me paraît avoir changé de nom que pour mieux montrer son humilité, se regardant comme le dernier des Apôtres. » (Saint Augustin, De l'esprit et de la lettre, 12)
On a donc dressé le portrait de Paul. Désormais, revenons-en à ce qu’il dit de lui-même…
« Circoncis le huitième jour, [né] de la race d’Israël,
[appartenant à] de la tribu de Benjamin, Hébreu [fils] d’Hébreux ;
quant à la Loi, pharisien ; quant au zèle, persécuteur de l’Église ;
quant à la justice qui est dans la Loi, sans reproche.
Mais ces choses qui étaient pour moi des avantages, je les ai considérées, à cause du Christ, comme une perte. » (Ph 3, 6-7)
À peine Paul a-t-il égrené son CV qu’il opère aussitôt une réévaluation complète ! Tout ce qu’il vient de présenter, à vrai dire et selon lui, c’est du flan, ça ne compte plus…
Au moment où il écrit (c’est-à-dire après sa mystérieuse rencontre avec Jésus Ressuscité sur le chemin de Damas)... il ne s’enorgueillit plus de son statut d’antan.
Sa flamme a viré de bord. Et comment ! De persécuteur des premiers chrétiens, Paul devient ce qu’il dit lui-même, « apôtre du Christ Jésus » (en Rm 1,1 ; 1 Co 1,1 ; 2 Co 1,1 ; Ga 1,1 ; etc…)
Finalement, cette présentation sur-évaluée de son origine ne sert qu’à souligner le revirement de la phrase qui suit. Paul décline presque « à l’excès » son histoire et son origine, afin de passer d’un point à son inverse.
Pour lui, désormais, ce qui compte c’est le Christ, et spécialement la croix du Ressuscité — comme il le dit dans la formule célèbre :
« En effet, pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1, 21)
Terminons ce numéro en poésie, guidé par la plume de l'évêque et homme de lettres Antoine Godeau (1605-1672) :
« Grâce, qui du grand Paul domptes l'esprit rebelle,
Que ce coup est fameux ! que ce triomphe est beau !
Et lui, d'un loup cruel, tu fais un doux agneau,
Et d'un fier adversaire un apôtre fidèle.
La croix lui fit horreur, la croix lui semble belle,
L'ennemi de l'Église est son époux nouveau,
Il en fut la terreur, il en est le flambeau,
Il la voulait détruire, il veut mourir pour elle.
Par une heureuse chute il monte dans les cieux,
Une vive lumière en aveuglant ses yeux
De son cœur aveuglé chasse la nuit obscure.
Grâce, qui de tes dons le combles aujourd'hui,
Bientôt de tes faveurs tu recevras l'usure,
Il est vaincu par toi, mais tu vaincras par lui. »
Antoine Godeau, La vie de l'apostre saint Paul, Paris, Kissinger, 1651