Chaque personne a-t-elle sa propre lecture des Écritures ? Quel intérêt cela peut-il avoir ? Quel est le lien possible avec les œuvres de Tolkien ?
Dans le film The Hobbit, tiré de l’œuvre éponyme de Tolkien, Gandalf déclare que pour vaincre, c’est la petitesse qu’il préfère. Voici un lien en français et un lien en anglais (encore plus savoureux).
Considérez en effet votre vocation, mes frères :
il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair
pas beaucoup de puissants
pas beaucoup de bien-nés.
Mais les choses folles du monde, c’est ce que Dieu a choisi
pour confondre les sages
et les choses faibles du monde c’est ce que Dieu a choisi
pour confondre les fortes
et les choses du monde sans gloire ni considération, Dieu les a choisies, ainsi que celles qui ne sont pas
pour réduire à néant celles qui sont
pour que ne se glorifie aucune chair sous son regard.
Dans chaque article, nous essayons d’éclairer avec vous les sens des textes bibliques. Souvent nous nous arrêtons :
Aujourd’hui, éclairons le texte biblique à travers sa Réception. 👇
Parenthèse footballistique ⚽ : ce texte est tiré de l’épître aux Corinthiens. Grâce à cette lettre de saint Paul, le nom de Corinthe a traversé l’histoire et est mondialement célèbre. Il a même été donné à l’équipe de foot championne du Brésil en 2017 : les « Corinthians » de Sao Paulo, qui comptent près de 35 millions de supporters à travers le monde…
Outre le sens que l'auteur a pu vouloir donner au texte qu'il a écrit, ce dernier contient aussi des significations que ses lecteurs entendront résonner, selon leur propre sensibilité et leur propre histoire, personnelles et/ou collectives.
Si si. Toute personne, unique, lit une histoire et l'interprète de manière unique. C’est ce que manifeste la parole du Psaume 62,12 :
« Dieu a dit une chose, j’en ai entendu deux ».
👉 Chaque fois qu'un texte est lu, il peut prendre une nouvelle épaisseur de sens. Voilà pourquoi les frères dominicains de l'École biblique éditent La Bible en ses Traditions, c'est-à-dire la Bible dans la diversité de ses « réceptions ».
Dans le même esprit, PRIXM vous invite à ce même mode de lecture, montrant comment de grands génies artistiques ont interprété les Écritures dans des œuvres sublimes, interprétations artistiques qui ne peuvent qu'alimenter notre lecture de la Bible.
Dans son œuvre colossale, Bilbo le Hobbit puis Le Seigneur des Anneaux, Tolkien bâtit un récit volontairement tissé de références bibliques. Sous son nom complet John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973), il fut un très grand critique littéraire, en particulier de la Bible : il participa même à la première édition de la Jerusalem Bible inspirée du travail des frères dominicains de l’École Biblique de Jérusalem !
👉 Ses ouvrages peuvent être lus aussi comme des catéchèses sous forme de romans. La vision qui traverse ses récits trouve sa source dans la vision biblique de l’homme et de Dieu et plus particulièrement dans ce texte des Corinthiens où l’apôtre Paul plaide pour le choix de la faiblesse comme lieu de salut.
Dans l’œuvre de Tolkien, deux conceptions du monde s’opposent :
Ému par l'œuvre de Tolkien (ou par sa réception à travers les films qu'elle a inspirés !), le spectateur peut retourner lire le texte de l’apôtre Paul aux Corinthiens avec une attention plus aiguisée. C’est ce que l’on appelle un cercle herméneutique (ou cercle « de la compréhension » : hermeneuein en grec veut dire « comprendre, interpréter ») :
Le cercle est bouclé.
Évidemment, le texte biblique n’a pas seulement inspiré Tolkien. Et pour prolonger le cercle herméneutique, on vous propose de lire ces vers de Péguy qui éclaireront d’une lumière nouvelle à la fois Le Seigneur des Anneaux et l’Epître aux Corinthiens
Les armes de Satan c’est la vie et la mort,
C’est le péril de mer, c’est l’homme dans son tort,
Le voleur aux aguets, le tyran dans son fort ;
Les armes de Jésus c’est la vie et la mort,
C’est Dieu dans sa justice et Satan dans son tort,
La beauté du plus pur, le juste dans son fort ;
Les armes de Jésus c’est la vie et la mort,
C’est l’enfant et la femme et le secret du sort,
Le navire acouflé dans le recreux du port ;
Les armes de Satan c’est l’homme qui dévie,
C’est les deux poings liés et c’est l’âme asservie,
C’est la vengeance inlassablement poursuivie ;
Les armes de Jésus ce sont les deux mains jointes,
Et l’épine et la rose et les clous et les pointes,
Et sur le lit de mort les pauvres âmes ointes ;
C’est le chœur alterné des martyrs et des saintes,
C’est le chœur conjugué des sanglots et des plaintes,
Le temple, les degrés, les pilastres, les plinthes ;
Les armes de Satan c’est le vert térébinthe,
Cet arbre résineux et c’est la coloquinte,
Cette citrouille amère et c’est la morne absinthe ;
Les armes de Satan c’est les deux poings liés,
Les armes de Jésus les cœurs humiliés,
Les pauvres à genoux, les suppliants pliés.
Charles Péguy, désigné comme « Huitième jour de la neuvaine de Sainte Geneviève pour le Vendredi 10 Janvier 1913 », rue des Dames, Œuvres complètes de Charles Péguy, vol. 6, Nouvelle Revue Française, 1916.