En quoi les invisibles de nos sociétés sont-ils des bien-aimés de Dieu ? Découvrez les personnages bibliques humbles et tout-petits !
Initialement, on voulait vous faire écouter le superbe oratorio He Shall Feed His Flock Like a Shepherd, du bon vieil Haendel (1685-1759). Car l'œuvre, écrite pour orchestre et chœur, avec cinq solistes, reprend les versets du passage de l’évangile de Matthieu que l’on éclaire aujourd’hui !
« Il fera paître son troupeau comme un berger, il rassemblera les agneaux avec son bras, il les portera dans son sein, et il conduira doucement ceux qui ont des petits. Venez à lui, vous tous qui peinez, venez à lui vous qui êtes chargés, et il vous donnera du repos. Prenez son joug sur vous, et apprenez de lui, car il est doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. »
Mais entre-temps on a découvert le dernier morceau de Stromae, sorti il y a quelques semaines à peine. Et on doit vous avouer qu'on est hyper fan de ce refrain :
« Et si on célébrait ceux qui n'célèbrent pas
Encore une fois, j'aimerais lever mon verre à ceux qui n'en ont pas »
Cette grande attention aux petites personnes du quotidien et cet éloge des gens effacés correspondent à ce que Jésus fait lui-même : il côtoie les petits et leur révèle qu'ils sont importants aux yeux de Dieu.
Dans ce passage, Jésus s'adresse directement à Dieu le Père.
En ce temps-là, prenant la parole, Jésus dit :
— Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et tu les as révélées aux petits enfants. Oui, Père, parce que telle a été ta volonté. Tout m'a été livré par mon Père et personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.
Venez à moi, vous tous qui peinez et êtes accablés, et moi, je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger.
Tout au long de l’histoire d’Israël et tout au long de l’histoire tout court, ce sont paradoxalement les humbles et les petits qui ont souvent été des instruments privilégiés de Dieu, à l’image de Marie comme elle le chante dans son Magnificat à l’Annonciation :
« Le Seigneur élève les humbles » (Lc 1,52)
Tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et tu les as révélées aux tout-petits. (Mt 11, 25)
En relisant ce passage de l'Évangile, on s'est émerveillé de voir que ce que dit Jésus est déjà appliqué dans l'histoire qui se déroule, aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament.
Les « tout-petits » dont parle le Christ sont aussi bien les enfants en âge que les « petits de l'histoire ».
Pas besoin d'aller chercher bien loin : les récits bibliques manifestent déjà combien l'histoire que Dieu noue avec les hommes se moque de la logique des « grands » :
Le Pape François, à l’issue du premier confinement et de l’épreuve mondiale endurée par la pandémie en 2020, a rappelé l'importance des invisibles de nos sociétés. Il prend l'exemple de saint Joseph :
« Nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues ni n’apparaissent dans les grands défilés du dernier show mais qui, sans aucun doute, sont en train d’écrire aujourd’hui les événements décisifs de notre histoire : médecins, infirmiers et infirmières, employés de supermarchés, agents d’entretien, fournisseurs de soin à domicile, transporteurs, forces de l’ordre, volontaires, prêtres, religieuses et tant d’autres qui ont compris que personne ne se sauve tout seul. (...)
Nous pouvons tous trouver en saint Joseph l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. Saint Joseph nous rappelle que tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou en "deuxième ligne" jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut. »
Pape François, Patris Corde, 2021.
Pour ceux qui veulent aller plus loin encore sur ce sujet de l'éminente dignité des pauvres et des petits, on vous recommande chaudement d'aller écouter cette rapide conférence (23 minutes chrono) du Collège des Bernardins, avec la question suivante :
Dans ce passage ravivé par ses souvenirs, Romain Gary évoque un vieux couple d’Américains – M. et Mme Donovan. Ce couple modeste et sans prétention a recueilli Gary alors qu’il était dans un sale état, et l’a remis sur pieds avec douceur et bonté, tout en humilité. C’est en jetant un regard rétrospectif que Gary honore et fait l’éloge de ces personnes qui ne payent pas de mine mais sont indispensables :
« J’ai quitté les Donovan me sentant assez coupable, coupable de croire que j’en savais plus long qu’eux, que j’étais mieux renseigné sur tout ça, que le XVIIIe siècle français m’avait éclairé sur tout et qu’on ne me la faisait pas, coupable de me sentir même un peu supérieur. Je tiens à dire ici à Mary Donovan qu’elle et son mari « savent » beaucoup mieux que moi, qu’ils sont beaucoup plus près de la vérité que je n’ai jamais été et ne le serai jamais, que les séquoias sont et restent en Amérique et que tout ce que le chercheur que je suis croit savoir est fait pour une bonne part de ce qui ne vaut pas la peine d’être connu. »
Romain Gary, La nuit sera calme, Paris, Gallimard, 1974 ; p. 155