En pleine tempête, à quel moment Jésus marche-t-il sur l’eau pendant la nuit ? Dans cet épisode, quelle est l’attitude des disciples, et spécialement de saint Pierre ?
Emblématique chanteur et DJ suédois de la scène électro des années 2010, Basshunter fait implicitement référence à Jésus dans son titre I can walk on water (Je peux marcher sur l’eau).
Dans la continuité et le prolongement de notre numéro de la semaine dernière, on revient à nouveau sur cet épisode pour en offrir un nouvel éclairage, axé sur la figure de Pierre cette fois.
Au cours de la vie publique de Jésus, l’épisode de la marche sur les eaux fait suite à la première multiplication des pains dans l’évangile de Matthieu.
Aussitôt, Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive jusqu’à ce qu’il ait renvoyé les foules. Ayant renvoyé les foules il monta dans la montagne à l’écart pour prier.
Le soir étant venu, il était là seul. La barque était déjà au milieu de la mer tourmentée par les vagues. Le vent en effet était contraire.
À la quatrième veille de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer et les disciples, en le voyant marcher sur la mer, furent troublés et dirent :
— C’est un fantôme !
Et, de peur, ils crièrent et aussitôt Jésus leur parla en disant :
— Courage, moi je suis, ne craignez pas.
Pierre lui répondant dit :
— Seigneur, si toi tu es, ordonne que je vienne vers toi sur les eaux.
Et il dit :
— Viens !
Et descendant de la barque, Pierre marchait sur les eaux et vint vers Jésus. Mais voyant le vent, il prit peur et comme il commençait à couler, il s’écria disant :
— Seigneur, sauve-moi !
Et aussitôt Jésus étendant la main le saisit et lui dit :
— Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?
Et comme ils montaient dans la barque le vent cessa. Ceux qui étaient dans la barque vinrent se prosterner devant lui en disant :
— Vraiment tu es Fils de Dieu.
« La barque était déjà au milieu de la mer tourmentée par les vagues, le vent en effet était contraire. À la quatrième veille de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer » (Mt 14, 24-25)
D’après la mesure du temps à l’époque, la nuit est divisée en quatre veilles de 3 heures. Ainsi, la « quatrième veille » va de 3h à 6h du matin. La scène se déroule donc la nuit, avant l’aube… de quoi rajouter à la situation dramatique générale d’une tempête en pleine mer que les disciples affrontent en l’absence de Jésus !
Dans cette mise en scène dramatique, les phénomènes naturels (la « mer tourmentée », les « vents contraires » et la « nuit ») plongent dans l’effroi les disciples ballottés sur les flots. Cette tempête reflète aussi toutes les sortes de tourments des disciples du Christ.
L’enjeu de la situation est donc celui de la foi dans l’adversité, comme le confirme le petit dialogue entre Jésus et Pierre, qui anticipe la future confession de foi de Pierre à Césarée (dont nous parlerons la semaine prochaine).
Et descendant de la barque, Pierre marchait sur les eaux et vint vers Jésus. Mais voyant le vent, il prit peur et comme il commençait à couler, il s’écria disant :
— Seigneur, sauve-moi ! (Mt 15, 29-30)
Ce premier miracle du Christ est suivi par un autre. Jésus, par sa parole, fait aussi marcher Pierre sur l'eau. Par la foi, Pierre opère ainsi les mêmes œuvres que le Christ, ce qui vient accomplir la promesse de Jésus :
« Celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes. » (Jn 14, 12)
C’est donc l'invitation de Jésus qui permet à Pierre de marcher sur les eaux. La promesse de faire des choses aussi grandes que Jésus s’accomplit ensuite dans la vie de l'Église : Pierre opère des guérisons miraculeuses semblables à celles de Jésus.
« Pierre dit :
— Ni argent ni or ne sont à ma disposition ; mais ce que j'ai, je te le donne au nom de Jésus Christ le Nazoréen : Marche !
Le saisissant par la main droite, il le releva et aussitôt il se tint debout ; et s'affermirent ses pas et ses chevilles et il se mit à sauter ; il marchait en se réjouissant et entra avec eux dans le Temple en louant Dieu. » (Ac 3, 6-8)
Au cours de cette scène, Pierre passe de la confiance au doute, du calme intérieur à la tempête :
Et descendant de la barque, Pierre marchait sur les eaux et vint vers Jésus. Mais voyant le vent, il prit peur et comme il commençait à couler, il s’écria disant :
— Seigneur, sauve-moi !
Et aussitôt Jésus étendant la main le saisit et lui dit :
— Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? (Mt 14, 29-31)
Il crie vers Jésus, en écho peut-être au psalmiste. En effet, la situation de détresse de Pierre est décrite avec les mots du Psaume 69 :
« Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu'à l'âme.
Je suis entré dans l'abîme des eaux et le flot me submerge. » (Ps 69, 2-3)
La marche sur les eaux de Pierre et son engloutissement peuvent annoncer son futur reniement. Justement, nous nous pencherons plus précisément encore sur l'itinéraire de Pierre la semaine prochaine !
Nous avons certes beaucoup parlé du doute de Pierre. Mais, avec Jean Chrysostome, immense théologien et Père de l’Église du 4e du siècle, nos derniers mots parlent de sa confiance envers Jésus :
« Admirez son zèle, et la ferveur de sa foi. On voit souvent que ce disciple tombe en quelque danger considérable pour avoir osé demander des choses qui étaient au-dessus de ses forces. [Mais] s’il en demande ici une si grande, ce n’est que par la violence de son amour, et non par un mouvement de vanité. »
Jean Chrysostome : Commentaire sur l'évangile selon saint Matthieu, trad. Jacques de Penthos, Perpignan : Artège, 2012
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