Qui est la femme du récit de l’onction à Béthanie ? Pourquoi Marie-Madeleine est-elle davantage une figure qu’un personnage ?
Le personnage de Marie-Madeleine a inspiré une kyrielle d'artistes depuis des décennies ! Julie Pietri fait partie de ceux-là et a même consacré un morceau inédit intitulé Magdalena en 1980 !
Marie-Madeleine apparaît à de nombreux moments dans les évangiles, notamment dans la scène que nous lisons aujourd’hui : le récit de l’onction à Béthanie dans l’évangile de Jean.
Cette scène de l’évangile de Marc raconte un épisode similaire aux évangiles de Matthieu et Jean (évoquant une « onction à Béthanie »). Elle est également proche d'un épisode de l'évangile de Luc (duquel vient l'expression « Pleurer comme une Madeleine »). Pourtant, si cet épisode ressemble à d'autres, il n'est pas identique !
Et comme [Jésus] était à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux, allongé [à table], vint une femme ayant un alabastre [plein] d’une huile parfumée de pur nard de grand prix. Ayant brisé l’alabastre, elle le lui répandit sur la tête.
Or, il y en avait qui s’indignaient entre eux et disaient :
— À quoi bon cette perte de l’huile parfumée ? Car il était possible, cette huile, de la vendre pour plus de trois cents deniers et de donner aux pauvres.
Et ils la rabrouaient.
Or, Jésus dit :
— Laissez-la. Pourquoi lui causez-vous ce trouble ? C’est une belle œuvre qu’elle a faite envers moi. Car les pauvres, vous les avez toujours avec vous et dès que vous voulez vous pouvez leur faire du bien mais moi, vous ne m’avez pas toujours. Ce qu’elle a pu, elle l’a fait : elle a d’avance parfumé mon corps pour la sépulture. Amen, je vous dis : « Partout où sera annoncé cet Évangile, au monde entier ce qu’elle a fait sera redit en mémoire d’elle. »
Le personnage de la femme qui parfume Jésus dans cet épisode est très discuté chez les exégètes.
Par contagion et mélange avec différents passages dans les autres évangiles, la tradition chrétienne a historiquement assimilé ce personnage à Marie-Madeleine. Mais d'où vient cette tradition qui en fait une seule et même femme ?
En fait, cela remonte au VIe siècle. Le pape Grégoire Ier fit de 3 personnages des évangiles 1 seule et même figure, en regroupant sous le nom de Marie-Madeleine, à la fois :
Cette interprétation n'est pas canonique, même si la tradition populaire l'a fortement propagée, au point que les artistes nomment « Marie-Madeleine » leurs tableaux représentant aussi bien Marie de Béthanie que la femme pécheresse de l'évangile de Luc (passée à la postérité via l'expression « pleurer comme une Madeleine »)...
En fait, une identification par rapprochement s’est très tôt établie entre :
Pourtant, rien de précis dans les évangiles n’indique que ces trois femmes n’en feraient qu’une !
Allons encore plus loin dans l’analyse.
Pour être exact, rien n’indique non plus très clairement qu’il s’agit des mêmes onctions chez Marc, chez Matthieu, chez Luc et chez Jean. Combien y a-t-il d’onctions ? Voici plusieurs hypothèses :
Allez, accrochez-vous, on va aller encore encore plus loin.
Les hypothèses varient pour établir le nombre d’onctions. Mais combien y a-t-il de « femmes à l’onction » ? La question se pose, car :
Ici, une remarque de méthode n’est pas de trop.
Les différences entre les évangiles, irréductibles si l’on prend chaque récit comme un tout achevé, peuvent s’agencer entre elles comme les morceaux d’un puzzle dont l’unité se dégage à mesure que l’on progresse.
Indépendamment de tous ces détails d'érudits façon chiffonnier, ce numéro un peu technique nous permet finalement :