L’entrée dans la semaine sainte : l’onction à Béthanie

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Qu’est-ce que l’onction à Béthanie ? Où se trouve le village de Béthanie par rapport à Jérusalem ? Quel est le lien avec la mise au tombeau de Jésus ?

3 minutes et 49 secondes avec une star brésilienne, van Dyck, Carlo Crivelli et Thérèse de Lisieux
Dernière mise à jour -  
24/11/2023

D’une star brésilienne à une femme des évangiles

Quand on a appris récemment que l’une des plus grandes stars de la chanson brésiliennes s’appelle Maria Bethânia, on s’est régalé ! On s’est même doublement régalé : 

  • Une première fois en découvrant ses morceaux pleins de samba et de sons entraînants à l’image de sa Samba da Benção de 2007
  • Et une seconde fois, en bon PRIXM, en constatant combien la Bible vient infuser le cœur de la culture, jusqu’à l’intime des noms de scène d'artistes !

Car en effet, si Maria Bethânia est un nom en hommage à une célèbre chanson de Nelson Gonçalves dans le Brésil des années 1950, c’est surtout un prénom qui renvoie à Marie de Béthanie, une amie de Jésus dans les évangiles. 

Allez, direction le chapitre 12 de l’évangile de Jean, où on retrouve cette Marie de Béthanie en action.

Le récit de l’onction à Béthanie dans l’évangile de Jean

Ce passage de l’évangile de Jean fait suite au récit de la résurrection de Lazare. La scène se déroule à Béthanie, à quelques kilomètres à peine de Jérusalem, peu de temps avant l’entrée de Jésus à Jérusalem. Il y vient pour la fête de la Pâque juive. Il y trouvera la mort sur la croix. 

Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie, où était Lazare le défunt qu’il avait ressuscité des morts.

On lui fit donc là un souper et Marthe servait. Or Lazare était l’un de ceux qui étaient à table avec lui. Marie, prenant donc une livre de parfum d’un nard authentique et très précieux, en oignit les pieds de Jésus et lui essuya les pieds avec ses cheveux et la maison fut remplie de l’odeur du parfum.

Alors un de ses disciples, Judas Iscariote, celui qui devait le livrer, dit :
— Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers qu’on aurait donnés aux pauvres ?

Il dit cela non qu’il eût souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur et qu’ayant la bourse, il emportait ce qu’on y mettait.

Jésus dit donc :
— Laisse-la, elle l’a gardé pour le jour de ma sépulture. Les pauvres en effet, vous les avez toujours avec vous mais moi, vous ne m’avez pas pour toujours !

Une foule nombreuse parmi les Juifs connut donc qu’il était là et ils vinrent non seulement à cause de Jésus mais aussi pour voir Lazare qu’il avait ressuscité des morts. Or les princes des prêtres décidèrent de tuer aussi Lazare parce que beaucoup de Juifs s’en allaient à cause de lui et croyaient en Jésus.

Le lendemain, une foule nombreuse qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem, prit les rameaux de palmiers et sortit au-devant de lui et ils criaient : 
— Hosanna ! Béni celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël !

Évangile selon saint Jean, chapitre 12, versets 1 à 13. Traduit du grec par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Qu’est-ce que l’onction à Béthanie, associée au lundi de la semaine sainte ?

Anonyme, Marie oint les pieds de Jésus (16ème siècle, huile sur panneau, 148 x 76 cm), collection particulière. Domaine public.

Chronologie de l’événement : les derniers jours de Jésus

Racontée au chapitre 12 de l’évangile de Jean, cette scène fait directement suite à la résurrection de Lazare racontée au chapitre précédent (Jn 11, 1-51). Chronologiquement, il s’agit des épisodes qui précipitent la décision des autorités juives, à savoir : chercher à faire mourir Jésus. 

Autrement dit : à ce moment de l’histoire de Jésus, il y a du complot dans l’air et un certain nombre de personnes veulent déjà le mettre à mort. Ce curieux événement où une femme parfume Jésus survient donc au moment où tout s’accélère : la semaine s’emballe – et mènera Jésus à la mort au sommet d’une croix. 

Anthony van Dyck (1599-1641), La Trahison du Christ (entre 1608 et 1630, huile sur toile, 56 x 45 cm), Minneapolis Institute of Art, Minneapolis (États-Unis) Domaine public.

Géographie de l’événement : l’onction à Béthanie

Survenant quelques jours avant la mort de Jésus, l’évangile de Jean prend le soin de situer cette scène non seulement dans le temps, mais également dans l’espace. 

Elle se déroule à Béthanie, c’est-à-dire juste derrière la colline du Mont des Oliviers, à 3 kilomètres à l’Est de Jérusalem. 

Pour Jésus et ses disciples, Béthanie est un lieu bien connu. Tout proche de Jérusalem, c’est là qu’ils logent et se rassemblent. C’est d’ailleurs un lieu très pratique pour faire les allers-retours au Temple de Jérusalem, ou fuir - car le désert est tout proche. Béthanie est donc un endroit qui ne revêt aucun caractère extraordinaire. Au contraire, ce village où habitent les amis de Jésus (Marthe, Marie et Lazare) est un lieu hyper-familier.

Le village de Béthanie, photographiée dans les années 1940. Collection de photographies de G. Eric et Edith Matson, The American Colony Photo Department, Jérusalem (Israël).

Un lavement des pieds essuyés à coups de chevelure

« Marie, prenant donc une livre de parfum d’un nard authentique et très précieux, en oignit les pieds de Jésus et lui essuya les pieds avec ses cheveux et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. » (Jn 12, 3)

Une scène jamais vue !

  • Une certaine Marie oint les pieds de Jésus, 
  • répand sur lui un parfum précieux (le « nard » est en effet un parfum oriental très ancien, qui se présente sous forme d'huile)
  • et va même jusqu’à lui essuyer les pieds avec ses cheveux. 

Pour l’anecdote, l’évangéliste Luc évoque un épisode similaire (Lc 7, 37-38). Il raconte les pleurs d'une femme pécheresse sans la nommer – femme qui n'est vraisemblablement pas Marie de Béthanie. Elle essuie les pieds de Jésus avec ses larmes et ses cheveux. 

C’est de là que vient l’expression populaire « pleurer comme une Madeleine », cette femme nommée Marie dans l’évangile de Jean étant traditionnellement assimilée à la figure de Marie-Madeleine, la prostituée repentie qui découvre le tombeau vide quelques jours plus tard, au matin de la Résurrection.

Le « nard » est un parfum oriental très ancien, prenant le plus souvent forme d'huile. Photographie de Juan Antonio Flores Segal, Huile parfumée de nard (2011). Domaine public.

Un parfum qui coûte cher

« Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, qu’on aurait donnés aux pauvres ? » (Jn 12,5)

Le geste de Marie fait bondir Judas qui y voit un gâchis inconsidéré. Pour l’anecdote, l'évangile de Jean est le seul évangile à faire porter le chapeau uniquement à Judas, tandis que les synoptiques prêtent la même question offusquée non à Judas seul, mais aux disciples dans leur ensemble.

Si la question de Judas n’est pas réellement motivée par le souci des plus pauvres, elle sonne tout de même assez juste. Pourquoi gâcher et dilapider du parfum précieux en le versant sur les pieds de Jésus ?

Carlo Crivelli (1435-1495), Marie Madeleine (vers 1480, tempera sur panneau, 152 x 49 cm), Rijksmuseum, Amsterdam (Pays-Bas). Domaine public.

Un rite funéraire en hommage au corps de Jésus

En fait, pour saisir la réaction du Christ qui donne raison et cautionne le geste de Marie, il convient de rappeler le contexte. S’il ne renvoie pas Marie mais accepte son geste, c’est que celui-ci est en réalité prophétique.

Techniquement parlant, il s’agit d’une prolepse (c’est-à-dire le récit d’un épisode qui annonce et anticipe ce qui suit). Autrement dit, l’hommage que cette femme adresse à Jésus est en fait un hommage au corps de Jésus enseveli – comme une anticipation prophétique de sa mort au Golgotha et de sa mise au tombeau par Joseph d’Arimathie quelques jours plus tard. 

On s’explique. À l’époque, il était d’usage et de coutume de parfumer le corps des morts. Ici, c’est ce que fait Marie – à ce détail près que Jésus est vivant ! 

Alors que Jésus est vivant, cette mystérieuse onction annonce donc sa mort au sommet de la croix et le parfum répandu sur Jésus à Béthanie préfigure l’hommage rendu à son cadavre. Et c’est en ce sens qu’il faut entendre la phrase de Jésus : 

« Laisse-la, elle a gardé [ce parfum] pour le jour de ma sépulture. » (Jn 12, 7) 

À ce geste symbolique correspond justement l'ensevelissement effectif de Jésus, 6 jours plus tard et quelques chapitres plus loin dans l’évangile de Jean (Jn 19,38-40).

Gustaaf Vanaise (1854-1902), Madeleine dans le tombeau du Christ (1880, huile sur toile, dimensions inconnues), collection privée. Domaine public.

Le mot de la fin

Faisant référence à ce passage de l’évangile et au parfum dilapidé en l’honneur de Jésus, le poème Vivre d’amour de sainte Thérèse de Lisieux nous donne une sublime clé de lecture. Le geste de l’onction à Béthanie est une « perte féconde ».

« “Vivre d’amour, quelle étrange folie !
Me dit le monde. Ah ! cessez de chanter
Ne perdez pas vos parfums, votre vie,
Utilement sachez les employer !”
T’aimer, Jésus, quelle perte féconde !
Tous mes parfums sont à toi sans retour »

Thérèse de Lisieux (1873-1897), « Vivre d’amour » (1895) Jacques Lonchampt (éd.), Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face : Œuvres complètes. Textes et dernières paroles, Paris : Cerf, 1992, p. 667

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