Découvrez pourquoi Dalila trahit Samson à travers le tableau de Rubens. Comment Dalila manipule-t-elle Samson pour lui couper les cheveux ?
En 2015, la chanteuse britannique du groupe Florence + The Machine nous offre une perle de pépite biblique avec son morceau pop-rock intitulé Delilah. On peut y entendre les paroles suivantes :
Now I'm dancing with Delilah and her vision is mine / Took anything to cut you I can find
Maintenant je danse avec Dalila et sa vision est la mienne /J'ai pris tout ce que j'ai pu trouver pour te couper
En bon PRIXM qu'on est, impossible de passer à côté d'une référence pareille ! Le clip lui aussi est truffé de références bibliques, à commencer par la scène de coiffure à domicile où la chanteuse coupe les cheveux de son amant.
Aujourd'hui, projecteurs sur le rasage des cheveux de Samson par Dalila ! Relisons le texte biblique en question puis analysons le magnifique tableau de Rubens inspiré par cet épisode !
Samson tombe amoureux de Dalila. Le peuple philistin, ennemi de Samson, cherche à le capturer. Il missionne alors Dalila en échange d'une somme d'argent conséquente. Elle doit piéger Samson pour extirper de sa bouche le secret de sa force surhumaine, pour que le peuple philistin puisse facilement l'attraper ! Mais Samson ment à Dalila par trois fois, jusqu'à ce que..
Dalila dit à Samson :
— Comment peux-tu dire "Je t’aime" puisque ton cœur n’est pas avec moi ? Voilà trois fois que tu t’es joué de moi, et tu ne m’as pas indiqué d'où vient ta grande force !
Et comme elle l’importunait sans cesse et qu’elle se tint plusieurs jours accrochée à lui, son âme se découragea et elle était lasse jusqu’à en mourir. Alors, lui découvrant la vérité de la chose, [Samson] lui dit :
— Le rasoir n’a jamais passé sur ma tête car je suis nazaréen de Dieu dès le sein de ma mère ; si j’étais rasé, ma force m'abandonnerait, je deviendrais faible et je serais comme tous les autres hommes.
Dalila, voyant qu’il lui avait confessé tout ce qu’il avait dans le cœur, envoya appeler les princes des Philistins et leur fit dire :
— Montez cette fois, car il m’a ouvert tout son cœur.
Et les princes des Philistins montèrent vers elle, apportant l’argent dans leurs mains. Elle l’endormit sur ses genoux et, ayant appelé l'homme, elle fit raser les sept tresses de la tête de Samson, et commença à le dompter car aussitôt sa force se retira de lui. Et elle dit alors :
— Les Philistins sont sur toi, Samson !
Il se réveilla de son sommeil et dit :
— Je me tirerai d'affaires comme j’ai fait auparavant et je me dégagerai.
Car il ne savait pas que YHWH s’était retiré de lui. Les Philistins le saisirent et lui crevèrent aussitôt les yeux.
Dans notre précédent épisode sur Samson et Dalila, on vous décortique la relation que vivent nos deux protagonistes. Car contrairement aux idées un peu rapides, Samson et Dalila, c'est tout sauf une love-story !
Dalila est déterminée à percer le mystère de la force extraordinaire de Samson. Elle use de tous les stratagèmes pour lui soutirer son secret : harcèlement, chantage, manipulation affective... Mais Samson reste inflexible. Il refuse obstinément de lui révéler la source de sa puissance herculéenne, repoussant toutes ses attaques.
Du moins, il résiste... jusqu'à ce que Dalila lui rase les cheveux. Et les peintres ne se sont pas privés d'exploiter ce sujet ! Dans notre éclairage aujourd’hui, découvrons la réception de cet épisode biblique dans l'histoire de l'art, à l’aune d’une petite analyse de tableau pas piquée des hannetons.
Parmi les innombrables peintures représentant cette scène, nous avons tranché pour l’interprétation du peintre flamand Rubens et son tableau Samson et Dalila de 1610.
Sur le tableau, on peut distinguer les différents personnages :
Le tableau est donc fidèle au texte : on retrouve les différents protagonistes, à l’exception de la vielle femme (on en reparlera plus loin).
Dans le tableau, la scène se passe la nuit, tout comme dans le texte biblique. La tension dramatique est palpable. Par quoi est-elle provoquée sur la toile ?
Les deux personnages principaux reçoivent toute la lumière dans la toile, contrairement aux Philistins qui sont encore dans l’ombre et n’interviennent que dans un second temps.
Ainsi, dans cet extrait biblique comme dans ce tableau, il est clairement question d’un rapport de force entre les deux personnages :
Le peintre Rubens semble souligner que l’obstination de Dalila a eu raison de la force surhumaine de Samson. Samson a beau exhiber son dos musclé, coup de théâtre ! il dort et se fait avoir. Le colosse s’apprête finalement à succomber sous le regard et la rose main de Dalila posée sur son dos.
L’imaginaire théâtral en général, plus particulièrement de l’Antiquité grecque, est utilisé par le peintre pour mettre en relief cette scène tragique.
Dans le tableau comme dans le texte biblique, Dalila apparait comme plus forte que Samson. Elle lui est même fatale, puisque grâce à elle, les Philistins parviennent à le capturer.
Dalila s'inscrit ainsi dans ce type de personnage appelé « femmes fatales ». La Bible présente deux autres figures féminines qui, à l'instar de Dalila, usent de leurs charmes pour manipuler des hommes puissants et obtenir d'eux ce qu'elles désirent:
Or, qui retrouve-t-on à côté de Dalila sur le tableau de Rubens ? Une vielle femme ! Cette même vieille femme que l'on voit souvent aux côtés du personnage de Judith en peinture. Rubens, dans l'interprétation et la représentation qu'il donne de l'épisode de Samson et Dalila, place cette vieille femme comme une citation de l'épisode de Judith et de sa représentation en peinture.
MAIS Dalila apparaît comme un « anti-type » du personnage de Judith :
On vous laisse sur les mots de la poétesse Renée Vivien, qui chante « l'éternelle vengeance » de Samson et Dalila dans ce poème :
Dalila, courtisane au front mystérieux,
Aux mains de sortilège et de ruse, aux longs yeux
Où luttaient le soleil, l’orage et la nuée,
Rêvait : (...)
C’est toi le plus haï, Samson, fils d’Israël !
Mon sourire passif répond à ton appel,
Mon corps, divin éclair et baiser sans empreinte,
A rempli de parfums ta détestable étreinte :
Mais, malgré les aveux et les sanglots surpris,
Ne crois pas que ma haine ait moins d’âpres mépris,
Car, dans le lit léger des feintes allégresses,
Dans l’amère moiteur des cruelles caresses,
J’ai préparé le piège où tu succomberas,
Moi, le contentement bestial de tes bras ! »
Elle le supplia sur la couche d’ivoire
« Astre sanglant, dis-moi le secret de ta gloire.
Mais l’amant de ses nuits sans amour lui mentit.
Et la soif des vaincus la brûla sans répit.
Elle fut le regard et l’ouïe et l’attente,
La chaude obsession qui ravit et tourmente,
Et, patient péril aux froids destins pareil,
Sa vengeance épia le souffle du sommeil.
Un soir que la Beauté brillait plus claire en elle,
Par l’enveloppement de l’humide prunelle,
Par le geste des bras défaillant et livré
Torturé tendrement, — savamment enivré
De souples seins, de flancs fiévreux, de lèvres lasses,
De murmures mourants et de musiques basses,
Sous les yeux de la femme, implacablement doux,
Dans l’ombre et dans l’odeur de ses ardents genoux,
Sans souvenir, cédant à l’éternelle amorce,
L’homme lui soupira le secret de sa force.
Renée Vivien (1877-1909), « L'éternelle vengeance », Études et Préludes (1901)
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