Qui est Samson dans la Bible ? Comment sa naissance est-elle racontée ? Qu’est-ce que le naziréat ? Samson est-il un modèle de force ou un anti-héros ?
En 1741, le célèbre compositeur saxon-britannique Georg Friedrich Haendel compose un opéra intitulé Samson, en référence au personnage biblique du même nom. L'œuvre fut considérée comme l’une de ses meilleures. Au début de l’Acte I, le personnage de Samson chante :
Why by an angel was my birth foretold ?
Pourquoi ma naissance a-t-elle été prédite par un ange ?
C’est simple, on se pose exactement la même question dans notre éclairage !
Ce passage ouvre le chapitre 13 du livre des Juges et inaugure le récit de l’histoire de Samson. Un ange apparaît à la mère de Samson et annonce sa naissance.
Les enfants d’Israël firent encore ce qui est mal aux yeux de YHWH et YHWH les livra entre les mains des Philistins pendant quarante ans.
Il y avait un homme de Çoréa, de la famille des Danites, nommé Manoah, dont la femme était stérile et n’avait pas enfanté.
L’ange de YHWH apparut à la femme et lui dit :
— Voici donc, tu es stérile et sans enfant mais tu concevras et enfanteras un fils. Et maintenant prends bien garde, ne bois ni vin ni liqueur forte et ne mange rien d’impur, car tu vas concevoir et enfanter un fils. Le rasoir ne passera pas sur sa tête car cet enfant sera nazir de Dieu dès le sein de sa mère et c’est lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins.
La femme alla dire à son mari :
— Un homme de Dieu est venu vers moi, il avait l’aspect d’un ange de Dieu, un aspect très redoutable. Je ne lui ai pas demandé d’où il était, et il ne m’a pas fait connaître son nom. Mais il m’a dit : « tu vas concevoir et enfanter un fils, et maintenant, ne bois ni vin ni liqueur forte et ne mange rien d’impur car cet enfant sera nazir de Dieu dès le sein de sa mère, jusqu’au jour de sa mort. » [...]
La femme enfanta un fils et lui donna le nom de Samson. L’enfant grandit et YHWH le bénit.
Le personnage de Samson apparaît dans un livre de la Bible assez méconnu : le Livre des Juges. Il fait partie de ce qu’on appelle « les livres historiques » dans la Bible. Le Livre des Juges fait suite au Livre de l’Exode et au Livre de Josué et continue de raconter l'installation du peuple d'Israël en Terre Promise.
Pour info, le terme « juge », bien loin de désigner les juges drapés de noir de nos tribunaux, traduit en fait le terme « shofet » en hébreu. Ce terme désigne plus globalement celui ou celle qui gouverne, à l’image d’un chef militaire.
Le Livre des Juges comporte des récits de viols, de pillages et de guerres, et raconte, entre autres, la corruption grandissante des Juges et même de la population entière d’Israël… Le bilan est plutôt glauque. Lisez par exemple notre article sur « l’horreur dans la Bible ». Il y est question d’une innocente violée, tuée et dépecée (en Jg 19).
12 Juges (chiffre symbolique renvoyant au 12 tribus d'Israël) se succèdent ainsi, sans pleinement parvenir à sauver le peuple d’Israël. Samson est le dernier de cette liste de Juges choisis par Dieu pour gouverner. Et il est peut-être… le pire !
À bien lire le texte, 2 détails indiquent d’emblée l’importance de Samson :
En effet, on trouve dans l’évangile de Luc pratiquement la même phrase que pour Samson, lorsqu’il s’agit d’annoncer la naissance de Jésus :
Pour les Chrétiens, ce texte peut ainsi s’interpréter selon une « lecture typologique », c’est-à-dire selon une lecture où le texte de l'Ancien Testament devient le modèle type d'un texte du Nouveau Testament. L'évangéliste Luc a lu le récit de Samson. Ainsi, par ce jeu d’échos et de parallèles, Samson préfigure la naissance de Jésus-Christ.
Pour autant, Samson ne se présente pas vraiment comme un modèle. Bien au contraire, il semble plutôt constituer le parfait anti-héros, l’exemple à ne pas suivre !
Rendons avant tout à Samson les honneurs qui lui reviennent, car il est d'abord et surtout consacré à Dieu dès le ventre de sa mère. Il est ce qu’on appelle « nazir » :
« Le rasoir ne passera pas sur sa tête car cet enfant sera nazir de Dieu ». (Jg 13, 5)
Dans l'Ancien Testament, le naziréat était une institution réservée aux hommes et aux jeunes femmes choisis par Dieu pour être « consacrés » à Dieu, selon l’étymologie du mot. Pour plus de détails sur le naziréat, lisez le chapitre 6 du Livre des Nombres (Nb 6). Si quelqu’un devient nazir, il le montre :
Et les cheveux de Samson, parlons-en !
Contrairement à ce que l'imaginaire collectif retient un peu trop vite, les cheveux de Samson ne sont pas un super-pouvoir, mais seulement le signe de sa consécration à Dieu, seule source de sa force surhumaine.
Samson possède donc une force surhumaine, grâce à l'esprit de Dieu, qui l’enjoint à accomplir toutes sortes d’actions inédites !
Rappelons que ce personnage demeure une construction historique et théologique, à la croisée de plusieurs récits. Voici ces différents exploits en quelques mots, pour vous donner une petite idée :
Si on creuse un peu, tous ces « exploits » sont en réalité anecdotiques et tournés vers la propre satisfaction de Samson ! Il ne répond pas du tout à son rôle de Juge qui est de sauver le peuple d'Israël.
Au contraire, il réalise seulement quelques hauts-faits... mais ceux-ci sont tournés vers lui et vers la libération du peuple d'Israël. Bref, en vérité Samson est sans doute le plus ambigu des 12 juges !
Pour conclure, retenons simplement que :
Samson ne s'en remet jamais à Dieu, contrairement à Jésus. En fait, Samson revêt les caractéristiques d'un anti-héros !
Bref, Samson est un personnage complexe et ambigu. La suite au prochain épisode, la semaine prochaine !
Le philosophe Emmanuel Levinas analyse le naziréat de Samson comme une convocation, un engagement immédiat :
« Samson, c’est un naziréen engagé sans décision personnelle. Ce n’est même pas sa mère qui prononce les vœux, mais un messager du Seigneur ou un ange. Et un vœu qui est l'ordre de Dieu. Samson sera naziréen par volonté divine. [...] Un ange du Seigneur prononce des vœux à votre place, et vous voilà engagé ! Rien n’est plus scandaleux pour une conscience où tout doit commencer dans un acte libre et où la conscience de soi, achevant la conscience, est une suprême liberté. »
Emmanuel Levinas (1906-1995), Du Sacré au Saint, Paris : Minuit, 1977, p. 70
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