Le mot Selah a été repris par Kanye West dans son album Jesus is King. Mais que signifie donc « Selah » ? D'où vient ce mot biblique ?
Kanye et la Bible, toute une histoire. Le rappeur américain a sorti en octobre 2019 un album très, très attendu et franchement intéressant. Jesus is King (« Jésus est Roi »), joue sur les tonalités du gospel américain, de la soul et de la pop, mais c’est avant tout un album de rap qui cherche à dire la grandeur de Jésus-Christ. Chez PRIXM, on aime particulièrement God is ou Use this Gospel.
Mais on s’est penché sur l'un des plus gros titres de cet incroyable opus : Selah.
Selah est un mot hébreu qui apparaît beaucoup dans la Bible. Si Kanye l’a utilisé, ce n’est pas un hasard !
*Avant les prises de position nauséabondes de Kanye West, qui ont provoqué chez nous autant de tristesse que de colère, on appréciait et même on admirait une partie de son œuvre qui était totalement dénuée des déclarations que nous découvrons ces derniers temps. Nous avions donc analysé ses œuvres que nous continuons à interpréter, tout en dénonçant ses propos insupportables.
YHWH ! qu'ils ont été nombreux mes adversaires
nombreux ceux qui se lèvent
nombreux ceux qui disent de ma gorge :
Point de salut pour elle en Dieu ─
Selah
Et toi YHWH [tu es] un bouclier en ma faveur et celui qui relève ma tête
Ma voix vers YHWH : j'appelle
il m'a répondu de sa montagne sainte ─
Selah
Moi je me suis couché et je dors
je me suis réveillé car YHWH me soutient
Je ne crains pas les très nombreux du peuple
qui autour se sont mis contre moi
Lève-toi YHWH
sauve-moi mon Dieu
Car tu as frappé tous
mes ennemis à la mâchoire
les dents des méchants tu [les] as brisées
À YHWH
le salut
sur ton peuple ta bénédiction ─
Selah
Ce sont les Psaumes qui citent le plus le mot selah.
👉 En effet, la plupart des psaumes sont en fait des poèmes chantés avec des instruments. Les textes des psaumes donnent aussi bien des paroles que la façon dont il faut les déclamer, les chanter.
Les mots hébreux ont plusieurs sens possibles car on n’écrit que leurs consonnes. Pour le Targum – texte hébreu de la Bible traduit en araméen et accompagné de commentaires –, le mot renvoie à la notion d'éternité. L'éternité s'oppose à la vanité des choses, à leur précarité.
👉 Dans ce sens, Selah insiste sur la solidité de ce qui vient d’être dit, sur la possibilité de s’y appuyer comme sur quelque chose d'impérissable.
Si on résume, il y aurait deux interprétations possibles pour le mot Selah :
Le rappeur US est un gars assez complexe qui est passé par pas mal de phases différentes dans sa vie. Notamment quelques grosses périodes de difficultés entrecroisées de délires mégalo.
Avec cet album, il semble vouloir rendre un hommage à Dieu. Le titre Selah est peut-être un moyen pour lui d’indiquer combien il a été important de se reposer sur Dieu, de faire une pause dans sa vie super dense pour méditer sur l’éternel amour divin.
Les paroles de la chanson insistent sur un thème très classique dans les psaumes : celui de la libération que lui a apportée Dieu et plus précisément Jésus-Christ. Le morceau est scandé par les paroles surpuissantes d’un chœur Gospel chantant Alleluia et parle des grands thèmes de la foi : la résurrection des morts, l’incompréhension de ceux qui ne croient pas devant la foi des chrétiens et la nécessité de s’appuyer sur Dieu… Franchement, on a beaucoup aimé !
On n'ira pas jusqu’à mettre monsieur West au même niveau que le grand Augustin d’Hippone, mais il se trouve que le saint d’Afrique du Nord est lui aussi passé par pas mal de tribulations avant de trouver son repos en Dieu :
« Voilà ce que j'étais alors : aussi je bouillonnais, je soupirais, je pleurais, sans qu'il y ait ni repos ni dessein. Car je portais, pantelante et sanglante, mon âme qui ne tolérait plus d'être portée par moi. Où la déposer ? Je ne trouvais pas. Ni dans le charme des bois, dans les jeux et les chansons, ni dans les sites embaumés, dans les festins recherchés, ni dans la volupté de la chambre et du lit, ni enfin dans les livres et les poèmes, elle ne trouvait le repos. […] Vers toi, Seigneur, il fallait la soulever pour la guérir ; je le savais, mais ne voulais ni ne pouvais, d'autant plus que pour moi tu n'étais pas quelque chose de consistant et de ferme, quand je me faisais une idée de toi. »
Saint Augustin, Les Confessions, Bibliothèque Augustinienne 13 et 14, trad. Tréhorel E. et Boussiou, G., Paris, Études Augustiniennes, 1962.
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