Comment lire le psaume 23 ? Que signifie l’identification de Dieu à un berger ? Pourquoi parle-t-on de Jésus comme « le bon berger » ?
Pour être honnête, on s'est même étonné cette semaine de n'avoir pas parlé de cette pépite dans une newsletter précédente !
En 2018, Marnik & Smack sortent un morceau électro au nom énigmatique : Gam Gam. En fait, les deux groupes italiens et finlandais de house electro créent un son et une ambiance hyper entraînante pour accompagner une voix qui chante… un psaume en hébreu !
Pour être tout à fait exact, le refrain reprend en boucle le verset 4 du psaume 23. Voici la version en hébreu translittéré, suivie de la traduction française, pour vous inviter à chanter à pleine voix les psaumes remixés par deux DJ…
Gam gam gam ki elech / Be be gey tzalmavet
Lo lo lo irah rah / Ki atah imadi
Malgré tout je marcherai / Dans l’ombre de la mort
Je n’aurai pas peur / Parce que tu es avec moi
Les psaumes sont des poèmes adressés à Dieu, et constituent la base des prières juives et chrétiennes. Aujourd’hui, nous vous proposons une toute nouvelle traduction très littérale qui vous surprendra sans doute un peu et vous donnera un regard nouveau sur ce psaume bien connu et tout de même difficile.
YHWH me faisant paître je ne manque pas [de quoi que ce soit].
Dans des pâturages d'herbe il me fait m'étendre,
près d'eaux de repos il me conduit, il fait revenir ma gorge.
Il me guide dans les traces de la justice à cause de son nom.
Même si je vais dans la vallée de l'ombre de la mort je ne crains pas le mal,
car toi [tu es] avec moi : ton bâton et ta houlette, eux, me réconfortent.
Tu prépares en face de moi une table
devant mes adversaires tu as graissé avec de l'huile ma tête
ma coupe [est] surabondance.
Oui, le bien et la loyauté me poursuivent tous les jours de ma vie
et je suis revenu dans la maison de YHWH pour une longueur de jours.
Le psaume 23 chante et présente Dieu sous la figure d’un berger qui fait paître et reposer ses protégés.
Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien.
Il me fait reposer dans de verts pâturages.
Il me mène près des eaux rafraîchissantes, il restaure mon âme.
Or, cette métaphore qui consiste à parler de Dieu comme un pasteur est une caractérisation biblique très fréquente, que l’on retrouve dans le Nouveau comme dans l'Ancien Testament.
Dans l'Ancien Testament, le Livre de Jérémie applique la métaphore pastorale aux rois d’Israël pour leur reprocher de mal accomplir leur fonction (Jr 10, 21 ; Jr 23, 1-2) et annoncer que Dieu donnera à son peuple de nouveaux pasteurs plus justes.
Et parmi ces nouveaux pasteurs se trouvera un « germe » bien particulier :
« Je susciterai pour elles des pasteur et ils les feront paître et elles n’auront plus de crainte et elles ne seront plus effrayées et aucune ne se perdra [...]. Voici venir des jours où je susciterai à David un germe juste ; un roi régnera et il sera sage et il fera droit et justice dans le pays » (Jr 23, 4-5)
À travers ce « germe juste » qui désigne le Messie, descendant de David, Dieu devient lui-même pasteur de son peuple.
Ces formules de Jérémie correspondent en fait à l’annonce d’une ère messianique où Dieu régnera lui-même sur son peuple. Et ce roi-berger qui est Dieu en personne, les Chrétiens le reconnaissent en Jésus-Christ.
L’image du roi-berger est très ancienne dans le patrimoine de l’Orient, et spécialement dans la culture juive (mais aussi égyptienne).
Cette métaphore est d’autant plus pertinente que les psaumes sont les prières courantes des Juifs. Jésus lui-même les a priées et récitées.
Ce n’est donc pas inconsciemment que Jésus utilise à plusieurs reprises cette métaphore pour s’auto-désigner comme un bon berger.
C’est un dada chez PRIXM, et c’est un ressort classique de l’exégèse biblique, mais on le répète : on ne peut saisir toute la profondeur du Nouveau Testament qu’en décelant les références et allusions à l’Ancien Testament.
Car Jésus était Juif, et s’inscrit dans un héritage et une histoire particulière.
Lorsque Jésus se décrit lui-même comme le « bon berger », il reprend un motif qui est accordé à Dieu, et laisse ainsi deviner sa propre divinité. Mais il y a plus que ça...
Le Nouveau Testament reprend bien ce motif du roi-berger, mais va encore au-delà : aucun berger de l’Ancien Testament ne donne sa vie pour ses brebis, contrairement à Jésus. C'est Jésus qui dit ainsi :
« Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. » (Jn 10, 11)
Les psaumes sont les prières qui rythment la vie des moines. Dans un roman retraçant sa rencontre avec les moines d’une abbaye pyrénéenne, Pierre Adrian nous offre une page lumineuse sur la poésie qui émane d’un moment hors-temps, durant la prière des complies le soir :
« Dans la chapelle, Pierre est en prière, la tête abritée sous la capuche de son habit. Ainsi que le vieil Albert, les yeux clos, toujours assis à la même place. Le silence néglige la pluie et son vain bruit.
Où donc aller loin de ton souffle ? Où fuirais-je loin de ta face ? Je gravis les cieux : tu es là ; Je descends chez les morts : te voici.
Dans une langue accidentée, les psaumes sont chantés. Oh, c’est une prière bien pauvre et maladroite, cette poésie des hommes vers Dieu. Mais voilà une paix retrouvée après la nuit et ses colères. Ici, les mots sont un premier pas. Les psaumes leur donnent une magnificence. Pas un qu’ils laissent au hasard.
J’avais dit : « les ténèbres m’écrasent ! » Mais la nuit devient lumière autour de moi. Même la ténèbre pour moi n’est pas ténèbre, Et la nuit comme le jour est lumière ! »
Pierre Adrian, Des âmes simples, Paris, Gallimard, 2019