Comment Moïse sépare-t-il la mer Rouge en deux ? Est-ce un miracle ou un phénomène scientifique ? Que dit la science à propos de ce passage ?
Évidemment, le titre musical le plus célèbre sur le passage de la Mer Rouge par le peuple hébreu a été composé par Bob Marley. Dans Exodus, le légendaire jamaïcain chante :
Movement of Jah people / Send us another brother Moses / From across the Sea.
Mouvement du peuple de Jah / envoie-nous un autre frère Moïse / par-delà la Mer.
Oui, on vous invite à relire une troisième fois le texte du passage de la mer Rouge,
convaincus qu’un des meilleurs moyens pour bien lire un texte, est tout simplement de le relire. Ne soyez pas flemmards !
Moïse étendit sa main sur la mer, YHWH* refoula la mer par un fort vent toute la nuit et il mit la mer à sec et les eaux furent divisées. Les fils d’Israël entrèrent au milieu de la mer à sec et les eaux étaient pour eux une muraille à leur droite et à leur gauche. Les Égyptiens [les] poursuivirent et entrèrent après eux, toute la cavalerie de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, au milieu de la mer.
*Vous ne savez pas ce que signifient ces quatre lettres ? C'est que vous n'avez pas encore lu notre article sur les noms de Dieu dans l'Ancien Testament.
« Y a-t-il une explication scientifique à la séparation en deux de la Mer Rouge ? », nous a demandé notre copain Robin. Et nous avons décidé d'y répondre pour deux raisons :
Le lien entre Bible et Histoire comme science moderne est la véritable clé pour répondre à cette question. Si vous nous suivez attentivement, on a déjà parlé :
Avant de commencer cette grande enquête scientifique, il faut bien comprendre la valeur historique de la traversée de la mer Rouge et ses différences avec la mythologie.
L'Histoire moderne ne saurait d'aucune manière se prononcer sur l'agir d'une divinité ou sur des causes surnaturelles. Dans une démarche scientifique rigoureuse, tout doit pouvoir se démontrer et s'expliquer par des causes naturelles.
De ce fait, les chercheurs ont passé des années à se demander quel phénomène naturel a pu provoquer la séparation de la Mer Rouge : est-ce le rôle des marées, est-ce le surgissement d’un cyclone ? Pour répondre à Robin, il y a des explications potentielles.
Mais, même si ces hypothèses sont vérifiées – et ce n'est pas le cas –, la science ne peut pas parler du rôle de Dieu.
Par exemple, lorsqu'un malade est guéri à Lourdes, le médecin peut simplement dire que la guérison est inexpliquée du point de vue scientifique : c'est l'Église, et non la science, qui reconnaît le miracle, et donc l'agir de Dieu.
D'après l’archéologue Israël Finkelstein*, on se trompe si l'on tâche d'harmoniser la foi et la recherche historique. Lorsqu'est lu solennellement ce récit de la Pâque au jour de fête, se demande l'archéologue, faut-il vraiment s'interroger sur la localisation de Pithom et le degré de véracité du récit ?
Seules importent, à son cœur et à son intelligence, la beauté du texte et la méditation sans fin que le texte propose sur l'esclavage et la liberté.
À supposer (et ce ne reste qu'une supposition) que le récit de l'Exode n'ait aucune véracité archéologique ni factuelle, on ne pourrait lui dénier sa vérité historique, comme le rappelle Amihai Mazar** :
Souvent, nos questions révèlent nos biais de lecture inconscients, c'est-à-dire nos préjugés, nos attentes et nos préoccupations qui ne sont pas forcément ceux du texte : « Est-ce que la séparation de la Mer Rouge en deux est scientifiquement possible ? ».
Pourquoi cette question de la scientificité est-elle importante pour nous ? Est-ce que l'on peut prouver la foi par des explications scientifiques ?
En fait, nos biais de lecture nous font souvent passer à côté du sens d’un texte.
Ici, l’enjeu, pour l’auteur biblique, n’est pas d’attester de la possibilité scientifique d’une séparation de la mer en deux, ni de savoir si Dieu est méchant, mais de révéler particulièrement deux choses :
Ceux qui ne pensent qu’à répondre à leurs biais, et cherchent à démontrer l’impossibilité scientifique d’un tel événement, risquent bien de passer à côté du sujet. En fait notre prof de français de première leur aurait probablement dit : « vous êtes hors-sujet » !
Cette option pour les pauvres, qui jaillit dans ces pages de l’Exode et qui traverse tous les Évangiles, aura inspiré les plus grands auteurs. Et comme ça fait bien longtemps qu’on n’avait pas cité Bernarnos, voilà ce qu’il fait dire à Dieu :
« Je n’aime pas mes pauvres comme les vieilles anglaises aiment les chats perdus, ou les taureaux des corridas. Ce sont là des manières de riches. J’aime la pauvreté d’un amour profond, réfléchi, lucide – d’égal à égal – ainsi qu’une épouse au flanc fécond et fidèle. Je l’ai couronnée de mes propres mains. Ne l’honore pas qui veut, ne la sert pas qui n’ait d’abord revêtu la blanche tunique de lin. Ne rompt pas qui veut avec elle le pain d’amertume. Je l’ai voulue humble et fière, non servile. Elle ne refuse pas le verre d’eau, pourvu qu’il soit offert en mon nom, et c’est en mon nom qu’elle le reçoit. »
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne, Plon, Paris, 1936.