Les Hébreux ont-ils traversé la mer Rouge dans le Coran ? Que nous révèlent le texte musulman sur ce passage de l'Exode ?
Dans la Bible, Moïse reçoit un appel de Dieu pour qu'il libère le peuple hébreux de l'esclavage où il se trouve en Égypte. Tout le peuple part mais est poursuivi par l'armée de pharaon qui l'accule à la mer. Moïse étend la main et Dieu sépare la mer en deux pour lui ouvrir le passage. Ce texte de l’Exode est repris par le Coran et mérite d’être lu de près. On a donc demandé aux frères dominicains du Caire de nous aider.
Basé dans la capitale égyptienne, l’Idéo, Institut dominicain d’études orientales, est un repaire d’érudits parlant l’arabe à merveille et disposant d’une des plus incroyables bibliothèques pour étudier l’Islam. Franchement, sans eux, on aurait été incapables de déceler l’enjeu des spécificités coraniques qui émergent de ce texte emprunté à la Bible.
On a fait l’hypothèse que vous ne connaissiez pas le Coran par cœur et que vous ne seriez pas fâchés de lire comment il retranscrit le récit de l’Exode :
Si vous nous lisez depuis quelques années, vous n’êtes pas surpris de retrouver un épisode biblique dans le Coran. Écrit plusieurs siècles après la Bible, le Coran n’hésite pas à retranscrire des textes bibliques, pour y insérer des modifications significatives.
Comme toujours dans le Coran, le sens obvie du texte cache des perles symboliques qui sont riches de sens. Dieu a envoyé Moïse aux Hébreux pour les libérer de l’esclavage. Sa pédagogie divine se déploie. Mais le vocabulaire choisi recèle une surprise :
Dans le Coran, il y a deux mots pour dire « mer » :
Et l’on retrouve ces deux termes dans les extraits du récit de l'Exode que vous venez de lire :
👉 Ces textes nous dévoilent deux eaux, yamm, celle où l’on se noie parce qu’on se croit l’égal de Dieu, comme Pharaon. Et baḥr que l’on traverse pour vivre, comme les Hébreux sauvés par Dieu, s’ils acceptent de rentrer dans sa pédagogie. En surface, c’est la même eau, mais ce qu’elle deviendrait pour le croyant dépendrait de son rapport à Dieu.
Dans son encyclique Foi et raison, Jean-Paul II rappelle que dans toutes les civilisations, à chaque instant de l’histoire, les hommes recherchent la réponse aux questions existentielles. Au-delà de cet extrait, l'intégralité du texte est un sommet de la réflexion sur le sujet des rapports de la foi et de la raison, à bon entendeur...
« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. C'est Dieu qui a mis au cœur de l'homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le connaissant et L'aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même. […]
Un simple regard sur l’histoire ancienne montre […] clairement qu’en diverses parties de la terre, marquées par des cultures différentes, naissent en même temps les questions de fond qui caractérisent le parcours de l’existence humaine : Qui suis-je ? D’où viens-je et où vais-je ? Pourquoi la présence du mal ? Qu’y aura-t-il après cette vie ?
Ces interrogations sont présentes dans les écrits sacrés d’Israël, mais elles apparaissent également dans les Védas ainsi que dans l’Avesta ; nous les trouvons dans les écrits de Confucius et de Lao Tseu, comme aussi dans la prédication des Tirthan-karas et de Boudha ; ce sont encore elles que l’on peut reconnaître dans les poèmes d’Homère et dans les tragédies d’Euripide et de Sophocle, de même que dans les traités philosophiques de Platon et d’Aristote.
Ces questions ont une source commune : la quête de sens qui depuis toujours est pressante dans le cœur de l’homme, car de la réponse à ces questions dépend l’orientation à donner à l’existence. »
Jean Paul II, Lettre encyclique Fides et ratio, Vatican, 1998.