L'Exode est-il un mythe ? La traversée de la Mer Rouge est-elle comparable aux mythes grecs et égyptiens ? Que disent les pères de l'Église ?
On vous a parlé de l'adaptation au cinéma du récit de l'Exode par Ridley Scott.
Ce qu'on n'a pas précisé c'est que la B-O du film a été composée par Coldplay, un de nos groupes préférés. Du coup, pour lire cette newsletter, on vous propose d'écouter le titre Midnight.
Dans ce texte de l’Exode, Pharaon se met à la poursuite du peuple hébreu qui a peur de mourir.
YHWH dit à Moïse :
— Pourquoi cries-tu vers moi ? Parle aux fils d’Israël et qu'ils repartent. Et toi, lève ton bâton, étends ta main sur la mer et fends-la, et que les fils d’Israël entrent au milieu de la mer sur le sec. Et moi, voici que j'endurcis le cœur des Égyptiens et ils entreront après eux ; et je serai glorifié au moyen de Pharaon et de toute son armée, de ses chars et de ses cavaliers.
Moïse étendit sa main sur la mer, YHWH refoula la mer par un fort vent toute la nuit et il mit la mer à sec et les eaux furent divisées. Les fils d’Israël entrèrent au milieu de la mer à sec et les eaux étaient pour eux une muraille à leur droite et à leur gauche. Les Égyptiens [les] poursuivirent et entrèrent après eux, toute la cavalerie de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, au milieu de la mer.
Dans le clip de Rap God, le rappeur Eminem reprend une gravure de Gustave Doré montrant Moïse dans le désert.
Moïse est, pour le rappeur américain, le symbole de la force et de la supériorité qu'il revendique pour lui-même sur le reste des rappeurs.
L’appropriation des qualités de Moïse dans le cadre d’un battle entre rappeurs ne nous apparaît pas forcément judicieuse. Du point de vue de l'exégèse biblique, en tout cas…
Pour creuser sur l'Exode et les questions historiques qu'il suscite, lisez cet autre article.
Le mot exode vient du grec ex-hodos :
Le livre de l'Exode raconte donc ce chemin vers l'extérieur. Pour le peuple hébreu, il s'agit de sortir d'Égypte et particulièrement dans le passage de la mer Rouge, de passer d’une rive à l’autre :
Symboliquement, ce texte du passage de la mer Rouge a toujours été interprété comme le passage du rivage de la terre mortifère, celle d’Égypte, à la vie.
Ce thème d’un passage d’une terre de la mort à une terre de la vie est aussi présent dans bien des mythologies et des littératures.
Si vous avez bien étudié Homère et la mythologie grecque au collège, vous vous souvenez peut-être qu’à la fin de la vie, on plaçait une pièce dans la bouche des morts. Cette pièce devait servir à payer le passage en barque, qui emmenait la personne morte, de la rive de cette vie terrestre aux Enfers. Le gars qui pilotait la barque s’appelait Charon.
Lorsque les égyptologues sont tombés sur cette barque funéraire de 43,5 mètres de long, ils ont sûrement halluciné. Enfouie pendant près de 5 millénaires (oui vous avez bien lu : 5 millénaires), cette embarcation fut trouvée en 1954 au pied de la pyramide de Kheops. Elle faisait partie des objets installés dans les tombeaux pour servir au passage du défunt dans la vie après la mort.
De nombreuses barques ont ainsi été retrouvées dans les tombeaux égyptiens : cela atteste de la nécessité pour les défunts de réaliser un passage.
Pour les Pères de l’Église (citons simplement Origène, Hilaire de Poitiers ou Ambroise de Milan), le récit de l’Exode préfigure le passage de la mort à la vie que réalise le Christ, par sa mort et sa résurrection. Voilà ce qu'ils nous disent :
Comme le bâton de Moïse, la Croix ouvre un passage, pour que la vie de l’homme ne cesse pas au moment de la mort.
Les chrétiens des premiers siècles en Égypte ont donc superposé le symbole de la croix au vieux symbole de la barque funéraire, comme sur cette photo d’une stèle qu’on est allé dénicher pour vous dans le magnifique musée Copte du Caire.
Pour les chrétiens de l’Antiquité, le lien entre ces récits mythologiques et les textes de l’Écriture était évident : tous se concentrent sur le thème du passage de la mort à la vie.
Deux différences de taille subsistent :
Dieu a agi au cœur de l’histoire pour montrer le chemin de la vie et de la libération à son peuple en Égypte. C’est Dieu qui a payé le passage, si on veut faire l’analogie avec le monde grec. Le chrétien est déjà habité par cette certitude qui fonde son espérance. C’est ce que les Chrétiens célèbrent pendant la période pascale.
Dans son texte magnifique, Le don désintéressé (quoi ? Vous ne l’avez pas encore lu ?, allez par ici, vous ne le regretterez pas), Jean-Paul II lie l’espérance, la résurrection et la beauté.
« Le point culminant de cette histoire est la Résurrection du Christ, et la résurrection est la révélation de la beauté absolue, la révélation annoncée d’avance, déjà sur le mont Thabor.
Et les yeux des Apôtres furent enchantés de cette beauté, ils désirèrent rester auprès d’elle et la beauté de la Transfiguration leur donna la force de survivre à l’humiliante Passion du Christ transfiguré.
La beauté est source de force pour l’homme.
Elle inspire pour travailler, elle éclaire l’obscurité de l’existence humaine, elle permet de surmonter grâce au bien, le mal et la souffrance, car l’espérance de la résurrection ne peut pas nous décevoir. Tous les hommes le savent déjà, chaque homme et chaque femme, depuis l’époque où le Christ est ressuscité. »
Jean-Paul II, Le don désintéressé, Méditation, 2012