Découvrez l'origine des 10 commandements dans la Bible ? Quelles sont les paroles que Dieu adresse à Moïse lors du Décalogue ?
Dans son dernier film comme réalisateur, Mel Gibson prend à bras le corps un passage biblique ultra connu : le Décalogue, souvent appelé « les 10 commandements ».
À partir de l’histoire vraie de Desmond Doss (1919-2006), incarné par l'acteur Andrew Garfield, ce film a pour intrigue centrale un court verset biblique : « Tu ne commettras pas de meurtre ». Desmond Doss est un soldat américain qui veut servir son pays et contribuer, à sa manière, à l’effort de guerre – à sa manière car il refuse de tuer et se servir d’une arme. Il décide ainsi de devenir infirmier et de participer en sauvant les blessés et les mourants sur le champ de bataille.
En bonus, sachez qu’au moment de la sortie du film, à l’occasion d’une interview donnée à France 2, Mel Gibson déclara : « Je ne le vois pas comme un film de guerre mais comme une histoire d’amour »…
Ce passage biblique du livre de l’Exode est hyper connu. Ce sont les dix paroles écrites par Dieu sur les « Tables de la Loi ».
Alors Dieu prononça toutes ces paroles en disant :
— Je suis YHWH ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage.
Tu n’auras pas d’autres dieux que moi.
Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre. […]
Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque en vain son nom.
Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié.
Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu.
Tu ne commettras pas de meurtre.
Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne commettras pas de vol.
Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient.
Le but de notre éclairage aujourd'hui n'est pas de s'arrêter sur chacun des versets de ce passage, mais bien d'en saisir la cohérence générale.
À première vue, on a l'impression de lire une série d'interdictions qui limitent la liberté humaine. Pourtant, ce texte ne ferme pas le chemin mais ouvre un horizon de liberté que Dieu veut pour le peuple qu'il s'est choisi.
Notre société a été bâtie sur ces paroles. Mais ce texte du don des Tables de la Loi à Moïse n’est pourtant pas une simple charte juridique qui fixe une morale à suivre.
Comme nous allons le montrer aujourd’hui, le don des Dix Paroles est une étape majeure dans l’histoire de l'alliance entre Dieu et son peuple.
Les commandements dont il s'agit ne sont pas dictés par un Dieu à la manière d'impératifs militaires, mais bien par un Dieu aimant, à l'image d'un père ou d'une mère pour son enfant.
On appelle traditionnellement ce passage biblique « les 10 commandements » mais cette expression réduit ce texte à un énoncé de lois. Ainsi, la tradition juive la première, tout simplement et plus rigoureusement, ne parle pas de « dix commandements » mais de « dix paroles ». En reprenant le terme issu du grec δεκά-λογος, le français emploie le mot « déca-logue ».
La donation des Tables de la Loi fait suite à la libération d'Égypte. Autrement dit : c'est à un peuple libre que Dieu s'adresse, et à un peuple qu'il a lui-même rendu libre en l'extirpant de l'esclavage. L'existence même de la loi présuppose la liberté : un esclave suit les ordres arbitraires de son maître.
On pourrait ainsi mettre ces paroles dans la bouche de Dieu : « Je t’ai libéré, sois libre » ou encore « Je t’ai libéré, sois libre et reste libre ».
Le deuxième verset peut passer inaperçu à la première lecture, mais c'est bien lui qui est capital et qui donne l'inflexion générale de ce passage.
De fait, la première de ces dix paroles est une présentation : Dieu se présente en disant qui il est et ce qu'il a fait pour son peuple :
— Je suis YHWH ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage (Ex 20,2)
La série d’interdits énoncés dans ce passage intervient non seulement dans le cadre d’une discussion, mais plus encore à la suite d'une présentation. Dieu commence par dire qui il est, ce qu'il a fait et ce qu'il fait. L’énoncé de son identité se décline selon 3 axes :
et non pas comme un dieu à la manière des philosophes des Lumières, hors du monde et indifférent à l'individu. Dieu s'adresse ainsi personnellement à Moïse :
qui agit dans les événements de la vie des hommes. Dieu dit ce qu’il fait et se révèle comme un sauveur fidèle à sa promesse :
Ce texte du Décalogue devient une étape dans un dialogue entre Dieu et son peuple.
Après la mort de la génération de l'Exode, dans le Livre du Deutéronome, Dieu répète les Dix Paroles en invitant la nouvelle génération à entrer à nouveau, aujourd'hui, dans cette alliance et ce dialogue :
Moïse convoqua tout Israël et leur dit :
— Écoute, Israël, les lois et les ordonnances que je vous fais entendre aujourd’hui apprenez-les et mettez-les soigneusement en pratique. Le Seigneur notre Dieu a conclu avec nous une alliance à l’Horeb. Ce n’est pas avec nos pères que le Seigneur a conclu cette alliance, mais c’est avec nous qui sommes ici, aujourd’hui, tous vivants. (Dt 5, 1-3)
Malgré le commandement divin, le meurtre reste possible. Pourtant, pour le philosophe Emmanuel Levinas, le commandement demeure et transparaît dans l’existence même de l’être humain qui me fait face et dans la manifestation de son visage :
« Le meurtre, il est vrai, est un fait banal : on peut tuer autrui ; l’exigence éthique n’est pas une nécessité ontologique. L’interdiction de tuer ne rend pas le meurtre impossible, même si l’autorité de l’interdit se maintient dans la mauvaise conscience du mal accompli. […] Le visage est pour moi à la fois, la tentation de tuer et le “tu ne tueras pas” »
Emmanuel Levinas (1905-1995), Éthique et infini, Paris, Calmann-Lévy, 1986.