Louis Armstrong et Queen Elisabeth II voyagent avec nous entre Paris et l'Iran pour discuter des représentations de Dieu dans le judaïsme, chez les chrétiens et dans l'Islam.
L'immense Louis Amstrong (1901-1971) chante Go Down Moses, l'appel que Dieu lance à Moïse pour qu'il guide son peuple hors d’Égypte.
YHWH parlait à Moïse face à face comme un homme parle à son ami. […]
Il dit :
— Tu ne pourras pas voir ma face car l’homme ne peut me voir et vivre.
YHWH dit :
— Voici un lieu près de moi : tu te tiendras sur le rocher.
Et quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher
et je te couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé.
L'Ancien Testament présente un paradoxe :
Cela pose deux questions fondamentales :
Toutes les religions se sont posé ces questions, et plus particulièrement celles qui adorent le Dieu unique, les religions monothéistes.
Et on vous propose une réponse en deux temps :
Dieu est parfaitement clair dans le texte d'aujourd'hui (Ex 33, 11-12) : l’homme ne peut pas Le voir.
Mais cette impossibilité est davantage une incapacité qu’un interdit : en réalité, l'homme ne peut pas endurer une telle interaction.
Déjà, à l'échelle des interactions humaines, comme l'a noté Emmanuel Levinas (philosophe du XXe et grand penseur du visage) : regarder quelqu’un dans les yeux ne peut se prolonger trop longtemps car l’intensité d’une telle relation entre deux personnes humaines n’est pas soutenable indéfiniment. Essayez aujourd’hui et vous verrez : regarder quelqu’un dans les yeux pendant plus de 2 minutes sans dévier est très difficile !
À fortiori, quand il s'agit de Dieu !
Au fond, en énonçant l'impossibilité de Le voir, Dieu cherche à préserver l’homme — et non pas à le punir ni à l’infantiliser. Dans notre texte, il couvre même de Sa main les yeux de Moïse, un peu comme un père qui retient l’enfant attiré par le feu. (Au passage : le Saint Esprit ne manque pas d'humour en évoquant la « main » de Dieu au moment où il Le déclare non visible par l'homme !).
Ainsi donc, quand Dieu dans le Décalogue interdit de représenter le divin, c'est par bienveillance paternelle, et pas seulement par précaution contre l'idolâtrie. En conséquence, les lieux de culte juifs ne sont ornés d'aucune représentation de Dieu.
Les mosquées recèlent souvent une ornementation riche et magnifique, mais elles ne contiennent jamais de représentation figurative. La raison de l’absence d’image de Dieu dans l’islam se fonde sur l'idée qu'Allah diffère totalement du reste de la création.
Le Coran affirme : « Rien ne Lui ressemble » (42:11) ; « nul ne peut L’égaler » (112:4). La tradition musulmane comprend : une représentation de Dieu en image est interdite, pas même (et surtout pas) sous une forme humaine. Pour l’islam, l’homme n’est pas créé « à l’image de Dieu » comme dans la Bible.
Cette pensée d’un Dieu inaccessible à la vision de l’homme a traversé les siècles et se retrouve dans la cérémonie du couronnement des rois et des reines en Angleterre. Dans The Crown, série diffusée sur Netflix, Édouard de Galles regarde le couronnement de sa nièce Élisabeth II. Tout d’un coup, l’écran de télévision devient noir et on n’entend plus que le son. Un hôte lui demande :
« — Où est-elle passée ?
— C’est le moment de l’onction. Le moment le plus saint, le plus solennel et le plus sacré de tout le service.
— Pourquoi ne le voit-on pas ?
— Parce que nous sommes des mortels. »
The Crown, série créée par Peter Morgan, produite par Stephen Daldry
On vous propose de suivre des cours aux Bernardins