Découvrez pourquoi Abram change de nom et devient Abraham. Que signifie ce changement ? Quel est le sens d’un changement de nom dans la Bible ?
Composé par Jean-Jacques Goldman à partir du roman de Marek Halter, le morceau La Mémoire d’Abraham, interprété par Céline Dion, est une magnifique ode à l’histoire du peuple juif, soutenu par la transmission de génération en génération.
Dans l’histoire d’Israël, Abraham est un personnage capital. Et le nom « Abraham » est lui-même significatif. Aujourd’hui, on se penche justement sur l’épisode où Dieu donne à Abram un nouveau nom.
Ce passage du Livre de la Genèse raconte l'alliance que Dieu fait avec Abram, une fois celui-ci parti pour la Terre Promise. Dieu lui promet une descendance et un fils avec Sarah : ce sera Isaac. Mais surtout, Dieu change le nom d'Abram, qui récupère une syllabe de plus pour devenir Abraham.
Lorsqu’Abram fut arrivé à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, YHWH lui apparut et lui dit :
— Je suis le Dieu tout-puissant : marche devant ma face et sois parfait. J’établirai mon alliance entre moi et toi et je te multiplierai à l’infini.
Abram tomba la face contre terre et Dieu lui parla ainsi :
— Moi, mon alliance [est] avec toi : tu deviendras père de nombre de nations. On ne t’appellera plus « Abram » mais ton nom sera « Abraham », car je te fais père de nombre de nations. Je te ferai croître d'une manière extraordinaire, je ferai de toi des nations, et des rois sortiront de toi. J’établis mon alliance entre moi et toi, et ta descendance après toi, au fil des générations : une alliance éternelle pour être ton Dieu et celui de ta descendance après toi. Je te donnerai tout le pays de Canaan, à toi et à ta descendance après toi, le pays où tu séjournas, tout le pays de Canaan en possession éternelle ; et je serai leur Dieu.
Dieu dit à Abraham :
— Et toi, tu garderas mon alliance, toi et ta descendance après toi, au fil des générations.
À la lecture de ce passage, nous nous sommes interrogés sur un élément très précis du texte : pourquoi Dieu donne-t-il à Abram un nouveau nom ? Quel est le sens de cet acte : l’appeler désormais Abraham ?
Pour répondre à cette bonne question, plongeons-nous dans la culture traditionnelle de l’époque où le nom n’est pas une réalité secondaire. Il entre en mystérieuse interaction avec la réalité. Le nom possède un pouvoir de concrétisation plus important que sa valeur identificatrice : il peut rendre présente la personne nommée.
C'est déjà vrai dans le monde païen, et ça l'est encore plus dans l'univers biblique, pour qui Dieu crée l'univers par sa Parole (et donc en prononçant des noms).
Dans la révélation biblique, comme dans le Proche-Orient ancien, le nom a donc une fonction très importante : non seulement il exprime une réalité, mais il est quelque chose de cette réalité.
Voici, en trois grands points, le sens et la signification d’un tel acte qui consiste à nommer ou renommer :
Nommer est dans une certaine mesure créer. Dans le premier chapitre de la Genèse, comme nous en parlions ici, Dieu crée le monde par sa Parole. Ainsi Dieu donne-t-il leur nom aux étoiles, car il en est le créateur :
« Il compte le nombre des étoiles, il les appelle toutes par leur nom » (Ps 146,4)
Par le nom, la personne reçoit son identité, présente et future. Le nom assume une fonction descriptive, mais il véhicule également des informations sur l’individu : son ascendance, sa provenance, son statut, sa place dans la hiérarchie.
En Gn 3,20 : Ève signifie « la vivante » car elle est la mère de tous les vivants.
En Gn 5,29 : Noé signifie « garder », comme on en parlait ici.
Donner un nouveau nom à quelqu’un revient à manifester une évolution dans sa position, ou simplement un changement dans sa fonction.
Abram tomba la face contre terre et Dieu lui parla ainsi :
— Moi, mon alliance [est] avec toi : tu deviendras père de nombre de nations. On ne t’appellera plus « Abram » mais ton nom sera « Abraham », car je te fais père de nombre de nations. (Gn 17, 3-5)
Dans l’Ancien Testament, il en est ainsi pour Abraham, mais aussi pour Jacob :
Vous l’aurez compris, lorsqu’un personnage biblique change de nom, c’est un signe très fort et une indication puissante qui reflète quelque chose de son itinéraire de vie.
Ainsi, dans le Nouveau Testament, le Christ donne également un nouveau nom à certains de ses disciples, et notamment à Simon – qui devient Pierre –, comme on en parlait il y a quelques semaines (Mt 16,17-18).
Etty Hillesum, jeune femme juive déportée et morte au camp de concentration d'Auschwitz, n’a jamais cessé d’écrire, même à l’approche de son emprisonnement et de sa mort. Dans cet extrait de son journal, elle rappelle qu’il faut être capable d’appeler les choses par leur nom, pour élaguer les possibles vapeurs de fausseté du langage :
« Parfois j’ai peur d’appeler les choses par leur nom. Peut-être parce que, alors, il n’en reste plus rien ? Les choses doivent pourtant pouvoir supporter d’être appelées par leur nom. Dans le cas contraire, elles n’ont pas le droit à l’existence. On essaie de sauver beaucoup de choses de la vie par une sorte de mysticisme vague. Or le mysticisme doit reposer sur une sincérité d’une pureté cristalline. [En appelant les choses par leur nom], il faut d’abord mettre à jour la réalité la plus nue des choses. »
Etty Hillesum (1914-1943), Une vie bouleversée, Paris, éditions du Seuil, 1995, p.130
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