Découvrez comment la Bible raconte le premier meurtre de l'Histoire. Que se disent Caïn et Abel ? Comment Dieu réagit-il au fratricide ?
Le thème du meurtre d’Abel par Caïn a bien travaillé le rap français. Après vous avoir fait découvrir l’opus de Sefyu, on vous propose le titre Abel et Caïn de Dosseh. Le rappeur orléanais y présente un personnage que cette certitude déchire : « Ce soir je m’apprête à fumer mon propre frère ».
Le texte, brutal, et le clip, violent, rejouent avec force le meurtre biblique originel et le transposent dans le contexte de la lutte des gangs.
Et [Adam] connut Ève sa femme. Elle conçut et enfanta Caïn et elle dit :
— J’ai acquis un homme avec YHWH.
Et elle enfanta encore Abel son frère, et Abel fut pasteur de brebis et Caïn laboureur.
Et il arriva, au bout de quelque temps, que Caïn apporta du fruit du sol en offrande à YHWH. Et Abel lui aussi fit venir des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse et YHWH regarda Abel et son offrande.
Mais YHWH ne regarda pas Caïn ni son offrande. Caïn en fut très irrité et son visage fut abattu.
Et YHWH dit à Caïn :
— Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu [agis] bien ne te relèveras-tu pas ? Et si tu n'[agis] pas bien, le péché ne se tapit-il pas à la porte ? Et son désir sera [tourné] vers toi, et toi tu le domineras.
Et Caïn parla à Abel son frère. Et il arriva, lorsqu'ils étaient au champ, que Caïn se dressa contre son frère Abel et il le tua.
Et YHWH dit à Caïn :
— Où est Abel, ton frère ?
Et il lui dit :
— Je ne sais pas, suis-je le gardien de mon frère ?
Et YHWH dit :
— Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie jusqu’à moi depuis le sol. Et maintenant tu es maudit du sol qui a ouvert sa bouche pour recevoir le sang de ton frère de ta main.
Quand tu travailleras le sol il n'apportera plus sa force pour te la donner. Tu seras fugitif et errant sur la terre.
Et Caïn dit à YHWH :
— Ma peine est trop grande à porter. Voici que tu me chasses aujourd’hui des faces du sol et je serai caché de tes faces, je serai fugitif et errant sur la terre et quiconque me trouve me tuera.
Et YHWH lui dit :
— si quelqu’un tue Caïn, il sera vengé sept fois.
Et YHWH mit à Caïn un signe afin que quiconque le trouverait ne le tuât pas. Et Caïn sortit de devant la face de YHWH et il habita sur la terre, errant, devant Éden.
Avant que Caïn ne tue son frère, Dieu s'adresse à Caïn en ces termes :
« Le péché est tapi à ta porte comme une bête qui te convoite, et toi tu le domineras. » (Gn 4,7)
Autrement dit : Dieu sait que le péché est tout près de Caïn. Caïn a encore le choix et Dieu l'appelle à dominer sa pulsion meurtrière. Il ne le culpabilise pas, mais le responsabilise et l'invite à renoncer à sa vengeance.
Dans le premier chapitre de la Genèse déjà, Dieu invitait l’homme à dominer, à être maître et gardien des éléments du monde. Ici, le terme de « domination » revient : dans la version grecque, c’est le même mot qui est employé dans le récit de la Création.
Analysons le passage du texte parlant du meurtre. Le texte hébreu dit exactement au verset 8 :
« Caïn dit à son frère Abel. Et quand ils furent aux champs, il le tua. » (Gn 4,8)
La phrase « Caïn dit à son frère Abel » semble inachevée, elle s'arrête là, en plein vol. C’est comme s’il y avait un blanc dans le texte.
Caïn dit quoi ? Rien du tout.
Hypothèse : cette absence de parole ne serait-elle pas une des causes de ce jaillissement de violence, aboutissant au meurtre ? Ce serait cette absence de communication qui aurait conduit à la violence meurtrière.
Remarquons avec quelle rapidité le bibliste relate le meurtre. D’un simple et laconique « et il le tua », on apprend que la jalousie de Caïn et son esprit de vengeance ont redoublé de violence ; qu’il n’a pas su appliquer le commandement divin : « le péché est tapi à ta porte. Et toi, tu le domineras ».
Relisons le texte (Gn 4, 9-10) :
« Et YHWH dit à Caïn :
— Où est Abel, ton frère ?
Et il lui dit :
— Je ne sais pas, suis-je le gardien de mon frère ?
Et YHWH dit :
— Qu’as-tu fait ? »
Cette question est très surprenante !
Dans ce meurtre archétypique où s’enchaînent jalousie, absence de parole, meurtre, alors que Caïn fuit sa responsabilité, Dieu pose une question comme pour mettre une limite à cette montée de la violence.
Cette question et cet espace laissé au repentir, semblent être une des leçons que l’auteur biblique a placées dans les premiers chapitres de l’Écriture.
Tout au long de son histoire, l'homme est invité à devenir maître de lui-même, à découvrir le sens de la responsabilité et finalement à répondre à la question divine : « Qu’as-tu fait ? » pour apprendre à se repentir.
C'est justement ce moment post-meurtre qu'a choisi de saisir l'artiste Henri Vidal dans sa sculpture, laissant transparaître la prise de conscience de Caïn à la suite de cette question. Il semble perdu, contrit, la main sur le visage.
Le livre de la Genèse inaugure toute l’histoire biblique qui sera, pour la théologie chrétienne, celle de l’initiation à la miséricorde divine, du retournement de l’homme vers Dieu, de son repentir pour se plonger dans l’amour infini. Et pour le mot de la fin, on avait le choix du roi ; on a retenu cet appel de la petite Thérèse à ne pas désespérer :
« Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui. »
(Ms C, 36r-37v) St Thérèse de l’Enfant Jésus, Histoire d’une âme, Manuscrit C, Source : site du Carmel.
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