Qui sont les personnages du Cantiques des cantiques ? Quels sont les paysages et les lieux de ce sublime poème biblique ? Le Cantique des cantiques n’est-il pas finalement une pièce de théâtre ?
Célèbre chant traditionnel, le morceau Kol Dodi est une interprétation musicale d’un passage* du Cantique des Cantiques, sublime poème de la Bible. Voici les paroles en hébreu et en français :
Kol dodi, kol dodi
Kol dodi hineh ze ba
Medaleg al heharim / Mekapetz al hagvaot
Voix de mon bien-aimé, voix de mon bien-aimé
Voix de mon bien-aimé, le voici, il vient
Il saute sur les montagnes / Il bondit sur les collines.
À nous désormais de bondir pour découvrir le texte biblique à l’origine de cette merveille délicatement accompagnée à la harpe.
*Pour être extrêmement précis et même parfaitement exhaustif, il s’agit de Ct 2, 8
Le Cantique des Cantiques est un poème qui chante l’amour, dans un dialogue passionné entre une femme et un homme.
— Un bruit... Mon amoureux !
Le voici qui vient,
bondissant par-dessus les montagnes,
sautant par-dessus les collines.
Mon amoureux est semblable à la gazelle, au jeune cerf.
Le voici qui se dresse derrière notre mur,
il regarde par les fenêtres, il épie par les treillis.
Mon amoureux prend la parole, il me dit :
Lève-toi, ma compagne, ma belle, et viens-t'en !
Car voici que l’hiver est passé ; la pluie a cessé, elle s'en est allée.
Les fleurs se laissent voir dans la campagne,
le temps des chansons est arrivé ;
la voix de la tourterelle se fait entendre dans nos campagnes ;
le figuier forme ses fruits naissants,
la vigne en bourgeon donne sa senteur.
Lève-toi, ma compagne, ma belle, et viens-t'en !
Ma colombe au creux d'un rocher,
en des retraites escarpées,
montre-moi ton visage,
fais-moi entendre ta voix ;
car ta voix est délicieuse,
et ton visage est ravissant.
La semaine dernière, nous avons introduit ce célèbre poème en expliquant qu’il est traditionnellement attribué à Salomon. Il est composé d'une série de dialogues. Cela fait du Cantique le livre biblique le plus proche à une pièce de théâtre. On peut distinguer :
Première remarque : avec tous ces personnages, le Cantique des Cantiques rappelle le genre théâtral antique, avec 2 personnages principaux (Elle et Lui) et quelques personnages secondaires qui ont des répliques de temps en temps (tous les autres).
Les filles de Jérusalem, souvent interpellées par la bien-aimée, évoquent le chœur antique qui conseille ou interroge le personnage principal, comme dans ce passage :
« Qu’a-t-il, ton bien-aimé, de plus qu’un autre, ô belle entre les femmes ?
Qu’a-t-il, ton bien-aimé, de plus qu’un autre que tu nous adjures ainsi ? » (Ct 5, 9)
La jeune femme est donc entourée des « filles de Jérusalem », qui sont comme ses suivantes, ou bien sa cour, ou bien les témoins de l’amour qui l’anime.
« Mon bien-aimé, pour moi, est un sachet de myrrhe : entre mes seins, il passera la nuit. Mon bien-aimé, pour moi, est un rameau de cyprès parmi les vignes d’Ein-Guedi. » (Ct 1, 13-14)
Le Cantique des Cantiques mentionne aussi des lieux à plusieurs reprises. Ces localisations et mentions géographiques plantent le décor et participent largement à créer cette ambiance poétique si particulière.
Ces lieux ne sont pas seulement des décors, mais ils sont aussi des éléments qui enrichissent les descriptions de l'amour et de la beauté dans le poème !
Comme on le verra la semaine prochaine, descriptions de paysages et descriptions du bien-aimé s’entremêlent, et ce n’est pas anodin…
Le thème de l’amour ne manque pas d’inspirer les poètes, évidemment. Alors on laisse à la plume de Louis Aragon le soin de conclure notre numéro du jour :
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l’enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C’était hier que je t’ai dit
Nous dormirons ensemble
C’était hier et c’est demain
Je n’ai plus que toi de chemin
J’ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l’amble
Tout ce qu’il a de temps humain
Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J’ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t’aime que j’en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.
Louis Aragon (1897-1982), « Nous dormirons ensemble », Le Fou d’Elsa (1963)
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