Dans son sermon sur la montagne, Jésus parle d'aimer ses ennemis. Comment peut-il donner un tel commandement ? N'est-ce pas impossible ?
Dans son dernier album Ceinture Noire, Maître Gims chante La même avec Vianney, et ils déclament ensemble une parole évangélique « On peut aimer même nos ennemis ». On part retrouver la source de cette parole dans l’Évangile selon Matthieu !
Vous avez entendu qu’il a été dit :
— Œil pour œil et dent pour dent.
Moi, je vous dis de ne pas résister au méchant mais celui qui te frappera sur ta joue droite, tends-lui aussi l’autre. A celui qui te demande donne et de celui qui veut t'emprunter ne te détourne pas.
Vous avez entendu qu’il a été dit :
— Tu aimeras ton prochain et tu auras en haine ton ennemi.
Moi je vous dis :
Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient afin que vous soyez des fils de votre Père qui est dans les cieux car il fait lever son soleil sur les bons et les mauvais, et pleuvoir sur les justes et les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quel salaire aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes ne font-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous de plus ? Les païens eux-mêmes ne font-ils pas de même ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste lui-même est parfait.
Un des personnages d'Une panthère dans la cave, un roman d'Amos Oz (1939-... écrivain israélien), nous offre un point de vue au vitriol sur l’amour des ennemis :
« Aimer son ennemi, c’est pire que transmettre des informations.
Pire que trahir ses frères.
Pire que dénoncer.
Pire que lui vendre des armes.
Pire encore que devenir transfuge.
Aimer l’ennemi est la pire des trahisons. »
Amos Oz, Une panthère dans la cave, traduction Sylvie Cohen,
Gallimard : Paris, 2004.
Hilaire de Poitiers, père de l’Église du quatrième siècle y voit plutôt un remède à la violence dans son commentaire de l’Évangile de Matthieu :
« La foi brise les mouvements de violence dans l'esprit de l'homme, non seulement en empêchant la colère de se venger, mais encore en l'apaisant jusqu'à nous faire aimer celui qui a tort. »
L’amour des ennemis demandé par Jésus est une des plus hautes exigences de l’Évangile. Elle est tellement élevée qu’elle est le signe de la filiation divine. Celui qui parvient à cet amour est fils de Dieu. Et Celui qui prononce ce discours est :
Le mot de la fin de cette saison est laissé à Hannah Arendt. La grande philosophe juive allemande parle de l'essence de l'action humaine et du caractère inattendu du pardon :
« Par opposition à la vengeance, qui est la réaction naturelle, réaction à laquelle on peut s'attendre et que l'on peut même calculer en raison de l'irréversibilité du processus de l'action, on ne peut jamais prévoir l'acte de pardonner. C'est la seule réaction qui agisse de manière inattendue et conserve ainsi, tout en étant une réaction, quelque chose du caractère original de l'action. En d'autres termes, le pardon est la seule réaction qui ne se borne pas à ré-agir mais qui agisse de manière nouvelle et inattendue, non conditionnée par l'acte qui l'a provoquée, et qui par conséquent libère des conséquences de l'acte à la fois celui qui pardonne et celui qui est pardonné. »
Hannah Arendt (1906-1975), Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy Agora : Paris, 1988.