Découvrez La Prière au Jardin des Oliviers peinte par Mantegna ! Pourquoi Jésus est-il en agonie ? Pourquoi y a-t-il un ange avec un calice ?
Un gros rap pour commencer…
Dans son morceau « Mosaïque solitaire » sorti en 2018, le rappeur Damso chante : « J'attends la mort comme en Gethsémani ». Euh… C’est-à-dire ?
En fait, le rappeur belgo-congolais glisse ici une petite ref biblique bien sentie. Car « Gethsémani », c’est le lieu où Jésus prie juste avant d’être arrêté et conduit à la mort.
Quelle est donc cette manière particulière « d’attendre la mort comme à Gethsémani » ? Allez, direction l’évangile de Luc !
La scène à lieu à Jérusalem. Jésus vient de prendre son dernier repas avec ses disciples. Il se retire ensuite au Mont des Oliviers avec Pierre, Jacques et Jean.
Et, étant sorti du Cénacle, Jésus se rendit comme de coutume au mont des Oliviers, et ses disciples aussi le suivirent. Arrivé sur le lieu, il leur dit :
— Priez, pour ne pas entrer en tentation.
Et il s’arracha d’eux à environ un jet de pierre et, s’étant mis à genoux, il priait en disant :
— Père, si tu veux, éloigne de moi ce calice. Pourtant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne.
Et lui apparut un ange du ciel qui le réconfortait. Et, entré en agonie, il priait plus instamment et sa sueur devint comme des caillots de sang qui descendaient jusqu’à terre.
Et, se relevant de la prière, venant vers les disciples, il les trouva assoupis de tristesse. Et il leur dit :
— Quoi, vous dormez ? Levez-vous, priez pour ne pas entrer en tentation.
Comme il parlait encore, voici une foule. Le nommé Judas, l’un des Douze, marchait devant eux et s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser.
Aujourd’hui, c’est avec l’analyse d'une toile du peintre italien Andrea Mantegna qu’on se penche sur les derniers instants du Christ avant son arrestation.
Peint en 1459, le tableau La Prière au Jardin des Oliviers est un véritable chef-d'œuvre ! En avant pour 3 minutes de pure beauté !
Tandis qu'il sait qu’il va mourir, Jésus se retire avec ses trois plus proches disciples au Mont des Oliviers, en dehors des remparts de Jérusalem.
Mantegna peint ici Jésus en pleine agonie (ci-dessous). Il est à genoux, les mains jointes, la bouche ouverte, les yeux tournés vers le ciel. Il se tient d'ailleurs accoudé à une sorte de grotte qui peut symboliser son futur tombeau.
Mais pourquoi Jésus est-il en agonie ?
Commençons par un peu d’étymologie. Le mot « agonie » vient du grec agôn, qui signifie « combat ». Pour Jésus, il ne s’agit pas ici d’une bataille contre la mort, mais d’un combat contre l’angoisse et contre la tentation de se dérober à la mort imminente qui l’attend… Pour info, on parle aussi de « l’angoisse à Gethsémani ».
« Il priait en disant : “Père, si tu veux, éloigne de moi ce calice. Pourtant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne.” Et lui apparut un ange du ciel qui le réconfortait. » (Lc 22, 41-43)
Sur la toile (détail ci-dessus), l’ange présente à Jésus une coupe — le calice dont il parle dans sa prière. Mais alors, l’ange vient-il réconforter Jésus ou bien pour lui faire avaler sa mort prochaine ?
En fait, cette « coupe » est hautement symbolique. En effet, quelques versets plus tôt, Luc raconte la Cène (le dernier repas de Jésus) et rapporte ces paroles : « De même, Jésus prit la coupe après qu’il eut soupé, disant : “Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous.” » (Lc 22, 20).
En bref, cette « coupe » est le symbole de la Passion et de la mort du Christ. Au passage, remarquez qu'au cœur de sa prière, Jésus s’adresse à Dieu en assumant les mots qu’il a lui-même enseignés à ses disciples dans le Notre Père : « que ta volonté soit faite ».
Alors que Jésus vient d’entrer en agonie et se met à prier… ses disciples dorment profondément — Mantegna les représente d’ailleurs dans des positions assez étranges (ci-dessus) ! Assoupis, ils n’ont absolument pas conscience du drame qui se déroule à cet instant.
Pourtant, Jésus leur a explicitement demandé de prier et de veiller avec lui... donc de ne pas dormir ! Autrement dit, Jésus est abandonné par ses trois fidèles apôtres… qui ont notamment assisté à sa Transfiguration. Bref, Jésus est finalement tout seul pour affronter ce moment d’angoisse.
Sur la gauche du tableau (détail ci-dessous), on distingue une cohorte de personnages armés de lances et de boucliers. Cette troupe de soldats se rapproche dangereusement du lieu où se trouve Jésus. Qui sont ces gens ? En fait, l’homme en orange-rose qui guide ces soldats, c’est Judas. Il vient pour livrer Jésus aux autorités juives.
« Comme il parlait encore, voici une foule. Le nommé Judas, l’un des Douze, marchait devant eux » (Lc 22, 47)
Pour conclure, dans ce sublime tableau de Mantegna, le paysage reflète l'angoisse que vit Jésus.
Finalement, ce magistral tableau de Mantegna montre l’humanité du Christ. Comme chaque homme qui approche de la mort, il éprouve l’angoisse. Pourtant, la mort de Jésus n’est pas vaine. Pour les Chrétiens, elle est source de vie — comme le suggère habilement Mantegna via deux ou trois détails discrètement glissés dans ce tableau.
Dans son poème intitulé « Gethsémani », Alphonse de Lamartine compare la souffrance du Christ au Jardin des Oliviers à sa propre douleur, lui qui a perdu sa fille Julia :
Il est, au pied poudreux du jardin des Olives,
Sous l’ombre des remparts d’où s’écroula Sion,
Un lieu d’où le soleil écarte tout rayon,
Où le Cédron tari filtre entre ses deux rives :
Josaphat en sépulcre y creuse ses coteaux ;
Au lieu d’herbe, la terre y germe des ruines,
Et des vieux troncs minés les traînantes racines
Fendent les pierres des tombeaux.
Alphonse de Lamartine (1790-1869), « Gethsémani » ou « La mort de Julia », Œuvres complètes, tome 7, 1842
Andrea Mantegna (1431-1506) est un peintre italien de la Renaissance, connu pour son utilisation de la perspective et son style détaillé. Il a travaillé à la cour des Gonzague à Mantoue et a influencé de nombreux artistes de son époque.
Le tableau illustre l’épisode de l’agonie de Jésus au jardin des Oliviers (Matthieu 26, 36-46), juste avant son arrestation. Jésus s’écarte pour prier en solitude, tandis que ses disciples s’endorment, et que Judas arrive avec les soldats.
Les Évangiles rapportent que les trois disciples, accablés de tristesse et de fatigue, n'ont pas réussi à rester éveillés malgré la demande de Jésus de veiller et prier avec lui. Jésus se retrouve donc abandonné par ses disciples les plus fidèles, à un moment crucial.
Jésus mène un combat contre l’angoisse. Il lutte aussi contre la tentation de se dérober à la mort qui l’attend. Malgré tout, il accepte la volonté de son Père. Cependant celui-ci ne l’abandonne pas : Dieu (le Père) est auprès de Jésus (le Fils) durant ce moment d’angoisse et d’abandon.