Quel est le lien entre Jésus et Harry Potter ? Le Christ sait-il qu'il va mourir avant d'être livré par Judas ? Est-il angoissé face à la mort ?
S'il on vous parle de Jésus, de la Passion, de sacrifice et de mort, quel est le lien avec la bande-annonce du Seigneur des Anneaux - La communauté de l'Anneau ?
Regardez-la, lisez le texte de l'Évangile et on vous donne l'explication en dessous.
Nous vous proposons de suivre la Passion du Christ pas à pas dans l'Évangile de Matthieu.
Après son dernier repas avec ses disciples, Jésus descend au mont des Oliviers : le texte que nous vous présentons précède son arrestation et le baiser de Judas.
Alors Jésus arrive avec eux en un domaine appelé Gethsémani et il dit à ses disciples :
— Asseyez-vous ici jusqu'à ce que m'en étant allé, j'ai prié là-bas.
Ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée il commença à ressentir tristesse et angoisse. Alors il leur dit :
— Mon âme est triste jusqu’à la mort restez ici et veillez avec moi.
Et s’étant avancé un peu il tomba sur sa face priant et disant :
— Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Cependant non pas comme moi je veux mais comme toi [tu veux].
Et il vient vers les disciples et il les trouve endormis et il dit à Pierre :
— Ainsi vous n’avez pas eu la force de veiller une seule heure avec moi. Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation. L’esprit est ardent mais la chair est faible.
Il s’en alla une seconde fois et pria, disant :
— Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté se fasse.
Étant revenu, il vint de nouveau et il les trouva endormis. Leurs yeux en effet étaient appesantis. Et les laissant, il s’en alla de nouveau et pria pour la troisième fois, disant la même parole.
La figure de l’élu, angoissé devant le sacrifice qu’il doit faire de sa vie, a traversé toute la littérature, jusqu’aux héros les plus fameux de notre époque.
Dans Le Seigneur des anneaux, le personnage de Frodon reprend les caractéristiques d’un héros désarmé, impuissant, angoissé devant la mission salvatrice qu’il doit accomplir face au prince des ténèbres.
Malgré sa réputation, l’apparence de ce héros est banalement humaine. Tout cela rappelle évidemment la figure de Jésus.
Sous son nom complet John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) a bâti son récit, volontairement sur des références bibliques. Tolkien fut un très grand critique littéraire, en particulier de la Bible : il dirigea la première édition de la Jérusalem Bible inspirée par le travail des frères dominicains de l’École Biblique de Jérusalem !
(*Attention spoil) : Harry Potter incarne les mêmes traits : pour vaincre Voldemort, le Seigneur des ténèbres, il doit consentir à mourir et il est pétrifié d’angoisse à cette idée. C’est la figure de Jésus angoissé à Gethsémani, Dieu désarmé, tout-puissant qui se rend impuissant, qui sert de modèle aux traits de ces héros.
La littérature naît toujours dans une terre, elle prend ses racines dans une culture et les plus grands héros de la littérature occidentale ont un ancrage biblique évident. On retrouve d'ailleurs cette même inspiration dans le film Dune, issu des livres de Franck Herbert et récemment porté à l'écran par le réalisateur Denis Villeneuve.
Cette expérience de l’angoisse devant la mort, cette peur du néant, habite en fait toute l’humanité. Chacun peut se retrouver dans l’expérience que raconte Olivier Clément :
« Je m’émerveillais encore plus des étoiles, ces grappes d’étoiles extraordinaires comme Van Gogh a su les peindre. Et puis en même temps venait l’angoisse, j’avais demandé :
— Qu’est-ce que c’est les étoiles ?
Et puis après, qu’est-ce qu’il y a après les étoiles ?
Et on m’avait dit :
— Après il y a rien, il y a du vide, encore du vide, toujours du vide, n’est-ce pas ?
Et on m’avait dit :
— Tu sais il y a des étoiles qui sont mortes depuis longtemps, depuis des milliers d’années et leur lumière nous parvient encore.
Et alors quand je regardais les étoiles, c’est là que pour moi l’angoisse et l’émerveillement se conjuguaient.
Il y avait à la fois cette espèce de jubilation de la beauté cosmique, ces étoiles qui sont comme une célébration, comme une danse dans le ciel. Et puis il y avait cette idée que peut-être elles sont mortes et finalement nous allons tous mourir. Que sommes-nous au regard des étoiles ? Un instant à la surface du néant. Alors tout est absurde, pourquoi exister ? […]
Je pense que pour moi la clef de cette relation de l’angoisse et de l’émerveillement, c’est le mystère de la croix. Véritablement par la croix, c’est l’angoisse elle-même qui est devenue le lieu de l’émerveillement.
Au lieu de fuir l’angoisse, au lieu de fuir la mort, je crois que de ce point de vue le christianisme n’est pas du tout une consolation, c’est cette épaisseur même d’angoisse qui devient une épaisseur de confiance, puisque Dieu lui-même est descendu jusque dans sa propre absence. »
Radioscopie, émission du 16 janvier 1976, entretien entre Jacques Chancel et Olivier Clément