En quoi le film Dune et le personnage de Paul Atréides s'inspirent-ils de la figure du Christ ? Jésus est-il annoncé dans l'Ancien Testament ? En quoi prend-il les attentes à contre-pied ?
On préfère vous prévenir d’emblée : ne lisez pas ce numéro si vous ne souhaitez pas être spoilé sur le film Dune. Vous pouvez aller fureter sur notre site pour combler votre curiosité en lisant d'autres numéros (on en a écrit près de 280, alors vous avez de quoi faire !) ou en parcourant nos nombreuses sagas.
Tout récemment, Denis Villeneuve a porté à l’écran la première moitié du premier tome de la saga de Frank Herbert, le cycle de Dune, sorti en salle le 15 septembre 2021 en France. Les premiers tomes racontent l’histoire de Paul Atréides. Et ce personnage est finalement très inspiré par de nombreuses figures bibliques.
Ce chapitre décrit la figure d'un serviteur souffrant. Pour les Chrétiens, cette figure annonce prophétiquement les souffrances de Jésus-Christ. Cliquez ici pour lire notre numéro spécial sur ce texte d'Isaïe.
Il était méprisé et abandonné des hommes, homme de douleurs et familier de la souffrance, comme un objet devant lequel on se voile la face ; en butte au mépris, nous n'en faisions aucun cas.
Vraiment, c'était nos maladies qu'il portait, et nos douleurs dont il s'était chargé ; et nous, nous le regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié.
Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. [...]
On le maltraite, et lui se soumet et n'ouvre pas la bouche, semblable à l'agneau qu'on mène à la tuerie, et à la brebis muette devant ceux qui la tondent ; il n'ouvre point la bouche. [...]
On lui a donné son sépulcre avec les méchants, et dans sa mort il est avec le riche, alors qu'il n'a pas commis d'injustice, et qu'il n'y a pas de fraude dans sa bouche. [...]
C'est pourquoi je lui donnerai sa part parmi les grands ; il partagera le butin avec les forts. Parce qu'il a livré son âme à la mort et qu'il a été compté parmi les malfaiteurs ; et lui-même a porté la faute de beaucoup, et il intercédera pour les pécheurs.
Dans le livre et le film Dune, Paul Atréides est un adolescent issu d’une famille puissante, héritier d'une lignée de haut rang. Il bascule brutalement dans le tourbillon de l’histoire et devient, malgré lui et conformément à une prophétie, le Messie de la planète Dune à la tête d’une guerre qui va bouleverser l’ordre de l’univers.
Et c’est là que le blockbuster américain est héritier d’une influence biblique énorme. Car, à l’image de Jésus, la particularité de ce « Messie de Dune » (l’expression est même le titre du deuxième tome de Frank Herbert) est d’être au fond un messie souffrant :
Maintenant que vous savez déceler les influences bibliques de Dune, vous ne regarderez plus de la même manière ce blockbuster américain !
D'ailleurs, cette même influence se retrouve également dans Harry Potter et dans Le Seigneur des Anneaux, comme on en parle ici.
Tout au long de sa vie publique, le Christ n’a eu de cesse d’échapper à l’image que ses contemporains juifs se faisaient du messie d’Israël... C’est-à-dire l’image de celui qui, annoncé par les prophètes, allait délivrer son peuple du joug des envahisseurs (babyloniens, romains et autres) et restaurer la royauté (au sens politique) en Israël.
Cette attente était extrêmement forte et il était particulièrement difficile aux Juifs de l’époque d’imaginer un messie qui ne soit pas victorieux et puissant, surtout avec les Romains sur le dos.
Pourtant, Jésus est bel et bien victorieux et puissant, mais selon une perspective qui n'est ni militaire ni politique. Par sa résurrection, le Christ est victorieux de la mort et du péché, comme l'illustre le tableau de Rubens qui présente un Jésus triomphant et glorieux.
On profite de la fin de cet éclairage pour dire un grand merci à notre cher Jef, qui a très librement inspiré ce numéro !
Immense théologien suisse du XXe siècle, Hans Urs von Balthasar conclut ce numéro avec des mots puissants pour rappeler combien Dieu est victorieux par sa mort sur la croix :
« La vérité, mesure que la foi utilise, est la mort de Dieu par amour du monde - pour l’humanité et pour moi - dans la nuit de la croix de Jésus-Christ. Toutes les sources de la grâce jaillissent de cette nuit : la foi, l’espérance et la charité. Tout ce que je suis, en tant que je suis plus qu’un être éphémère sans espérance, dont la mort anéantit toutes les illusions, je le suis par cette mort, qui me donne accès à la plénitude de Dieu. Je fleuris sur la tombe du Dieu qui mourut pour moi, j’enfonce mes racines dans le sol nourricier de sa chair et de son sang. L’amour que j’y puise dans la foi ne peut donc être d’une autre nature que celle de l’être enseveli pour moi. »
Hans Urs von Balthasar (1905-1988), Cordula ou l’épreuve décisive, Éditions Beauchesne, Paris, 1969.
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