Découvrez en quoi le fleuve Jourdain est un lieu de passage commun à Josué et Jésus. Pourquoi Jésus est-il baptisé dans le Jourdain ?
La bande-originale du film 1917 retraçant l’histoire de soldats britanniques pendant la Première Guerre mondiale est un chef-d'œuvre d’émotion et de sensibilité... mais elle contient en plus un ingrédient dont on se délecte chez PRIXM : des références bibliques pour qui y prête l’oreille.
En effet, ce titre est la reprise originale d’un morceau de folk-gospel américain du XIXe siècle. Et les paroles sont largement imprégnées de culture biblique !
In that bright land to which I go/ I'm going there to see my Father / I'm going there, no more to roam / I'm only going over Jordan / I'm only going over home.
Dans ce pays brillant vers lequel je vais/ Je m'y rends pour voir mon Père / Je m'y rends pour ne plus vagabonder / Je ne fais que passer le Jourdain / Je ne fais que rentrer à la maison.
Qu'est-ce que le Jourdain ? Pourquoi est-il question ici d’un passage, à l’image d’une vie humaine qui court de la naissance jusqu’à la mort ?
Aujourd’hui, lisons le tout début de l’évangile de Marc. Il est question du prophète Jean-Baptiste qui baptise Jésus… dans le Jourdain !
Commencement de l’évangile de Jésus Christ Fils de Dieu.
Comme il est écrit dans les prophètes : Voici, j’envoie mon messager devant ta face qui préparera ton chemin devant toi.
Voix de celui qui crie dans le désert :
— Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers.
Jean parut, baptisant dans le désert et prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés. Et sortaient vers lui tout le pays de Judée et les habitants de Jérusalem et tous étaient baptisés par lui dans le fleuve du Jourdain, en confessant leurs péchés.
Jean était vêtu de poils de chameau et une ceinture de peau autour de ses reins et il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Et il prêchait, disant :
— Vient un plus fort que moi après moi dont je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau mais lui vous baptisera dans l’Esprit Saint.
Et il arriva en ces jours-là que Jésus vint de Nazareth de Galilée et fut baptisé dans le Jourdain par Jean. Et, remontant aussitôt de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendant sur lui. Et il y eut une voix des cieux :
— Tu es mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu.
Et aussitôt l’Esprit le poussa au désert. Et il était là dans le désert durant quarante jours tenté par le Satan. Et il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.
Dans le Nouveau Testament, le Jourdain est un lieu où Jean baptise les gens (!) — d’où son nom « Jean le baptiste » ! Pour la petite anecdote, J-B est le cousin de Jésus.
En étant plongés dans l’eau du Jourdain par Jean, les hommes sont lavés de leurs fautes. En reconnaissant leur fautes, ils entrent dans une démarche de changement de vie. On ici de pénitence dans le texte latin.
« Jean était dans le désert, baptisant et prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés. Et sortaient vers lui tout le pays de Judée et les habitants de Jérusalem et tous étaient baptisés par lui dans le fleuve du Jourdain, en confessant leurs péchés. » (Mc 1, 4-5)
J-B baptise dans l’eau du Jourdain afin d’ouvrir la voie et d’annoncer la venue de Jésus — qui, lui, baptisera d’une autre manière :
« Jean-Baptiste prêchait en disant :
— Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau, mais lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » (Mc, 1, 7-8)
Jean-Baptiste a une mission : annoncer la venue de Jésus. Bref, il ouvre la voie à son jeune cousin (qui est surtout le Messie... et qu'il reconnaît comme tel).
Fait assez extraordinaire : Jésus lui-même se fait baptiser par Jean-Baptiste dans le Jourdain… comme de nombreuses personnes de son temps.
Jésus ne cherche pas à côtoyer les plus grands ou à se faire sacrer comme un prince. Au contraire, il vient se faire plonger dans les eaux du Jourdain par Jean-Baptiste… comme n’importe qui. Plus encore : il agit comme les gens qui se reconnaissent pécheurs.
Le baptême dans le Jourdain est pour Jésus un moment-clé. C’est à partir de cet épisode que Jésus commence véritablement sa « vie publique » et qu’il part enseigner aux foules. Le Jourdain est donc pour lui un lieu de passage, une étape essentielle.
On ne sait presque rien des premières années de vie de Jésus (seul Luc raconte deux-trois bricoles, et encore). Le baptême de Jésus est le tout premier épisode que relate l'évangile de Marc !
On l’a vu la semaine dernière, Josué et le peuple d’Israël traversent également le Jourdain — non pas pour se faire baptiser mais pour entrer en Terre Promise, eux. Le Jourdain est une frontière et sa « traversée » marque un événement fondateur… pour l’histoire de Josué, comme pour l’histoire de Jésus.
Le parallèle entre Jésus et Josué est encore plus profond que cette simple image de frontière. En Josué, les Pères de l'Église reconnaissent même une préfiguration de Jésus. Pourquoi ?
Bref, dans l'Ancien Testament, le Jourdain symbolise la porte vers la Terre Promise ; et dans le Nouveau Testament, la porte du Royaume de Dieu ! En se faisant baptiser, un chrétien entre dans le Royaume de Dieu.
Dans les baptistères anciens, on descendait quelques marches d'un côté, on était baptisé puis on remontait de l'autre côté, c'est-à-dire symboliquement, sur l'autre rive.
Pour le dire de façon théologique un peu stylée, Josué préfigure Jésus et Jésus accomplit la figure de Josué. Si besoin est de redire combien l’Ancien et le Nouveau Testaments sont inextricablement liés…
*inextricables = mot compte 10 au scrabble ! Et on finit là-dessus, olé !
Dans son recueil Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, Charles Péguy évoque son baptême, sacrement qu’il a reçu après sa conversion à l’âge adulte :
« Tout ce qui est petit
Est tout ce qu'il y a de plus beau et de plus grand.
Tout ce qu'il y a de neuf
Est tout ce qu'il y a de plus beau et de plus grand.
Et le baptême est le sacrement des petits
Et le baptême est le sacrement le plus neuf
Et le baptême est le sacrement qui commence.
Tout ce qui commence a une vertu
Qui ne se trouve jamais plus.
Une force, une nouveauté,
Une fraîcheur comme l'aube,
une jeunesse, une ardeur,
Un élan, une naïveté,
Une naissance qui ne se trouve jamais plus.
Le premier jour est le plus beau jour
Le premier jour est peut-être le seul plus beau jour
Et le baptême est le sacrement du premier jour
Et le baptême est tout ce qu'il y a de beau et de grand. »
Charles Péguy (1873-1914), extrait du poème « Le baptême est le sacrement qui commence », Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, 1911-1912
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