Qui sont les femmes qui entourent Jésus et quelles sont leurs missions ? Sont-elles présentes tout au long de la vie de Jésus ? (Spoil : oui !)
Jésus ne laisse pas indifférent. Dans la bande-originale du film Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil de 1972, l’actrice Ginette Garcin pousse la chansonnette avec ironie — et délicatesse :
« Maintenant tous les jours je chante / Pour moi la vie n'est plus méchante
Et de joie je suis éperdue / Dans les bras de Jésus »
Ces paroles, on pourrait les attribuer à Marie-Madeleine... si on suit ce que raconte l'évangile de Luc !
Le passage qui suit souligne l’importance des femmes dans la mission de Jésus.
Et il advint qu’ensuite, [Jésus] cheminait par ville et village, proclamant et annonçant la bonne nouvelle du royaume de Dieu. Et les Douze étaient avec lui, ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée Magdaléenne, de laquelle sept démons étaient sortis ; et Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode et Suzanne et beaucoup d’autres qui les assistaient de leurs biens.
Dans ce passage, Luc souligne le rôle des femmes qui entourent Jésus. Seul l’évangile de Luc rapporte ce court épisode.
Certes, Jésus a librement choisi de s’entourer de douze hommes qui deviendront ensuite les témoins privilégiés de sa vie… mais n’oublions pas trop vite les femmes qui, elles aussi, ont suivi Jésus tout au long de sa vie publique.
À ce titre, il est regrettable que les artistes au long des siècles aient pour bonne part oublié ce court passage de l’évangile… car nous avons trouvé très peu de tableaux représentant Jésus parlant à une assemblée composée d’hommes et de femmes. À bon entendeur, si quelques artistes contemporains se sentent inspirées ou inspirés…
Jésus voyage avec un groupe composé à la fois d'hommes et de femmes. Or, la composition d'un groupe « mixte » va à l'encontre des coutumes sociales du premier siècle. En effet, à l'époque, les hommes juifs ne parlaient pas en public à des femmes juives mariées autres que leur propre épouse.
Autrement dit, la nature du groupe qui suit Jésus constituait un écart complet par rapport aux normes acceptées et la présence de femmes non mariées dans l'entourage de Jésus a probablement occasionné de l'étonnement et de l'indignation chez ses contemporains, pour des questions de coutumes et de bienséance.
Pourtant, on ne trouve aucune objection à cet arrangement, ni dans l’évangile de Luc, ni dans aucun des évangiles.
« Marie-Madeleine, Jeanne, Suzanne et beaucoup d’autres femmes les assistaient de leurs biens. » (Lc 8, 3)
Dans le texte grec, le verbe diekonoun [ici traduit par « assister »] est conjugué à l’imparfait. Grammaticalement, l’usage de ce temps souligne le soutien continu. Autrement dit, il ne s’agit pas d'un soutien occasionnel.
Bref, Marie-Madeleine, Jeanne, Suzanne et les autres femmes qui ne sont pas nommées apportent une aide qui se prolonge tout au long du ministère public de Jésus en Galilée.
Elles s’occupent de ce groupe en fournissant les biens nécessaires… S’agit-il de logement ? de nourriture ? de vêtements ? Le texte ne le dit pas, mais on peut deviner qu’il est question de cela. Ce qui est certain, c’est que leur investissement déborde le cadre d’un soutien ponctuel.
En « assistant de leurs biens » Jésus et ses 12 apôtres, ces femmes agissent donc comme de véritables mécènes, qui rendent possible le ministère de Jésus... Disposant de leur fortune, elles offrent un exemple éloquent de juste usage de l’argent.
L’évangile de Luc est le seul à montrer la sollicitude de Jésus envers les femmes de Jérusalem sur le chemin du Calvaire, et le seul à souligner la présence de femmes (sans les nommer) tout au long de la Passion du Christ.
Voici les références, texte à l'appui :
Dernier détail avant de conclure : la première femme citée n’est autre que... Marie-Madeleine. Ce n’est pas anodin.
Comme Pierre, renégat repenti à qui Jésus donne une place toute particulière en lui remettant un drôle de jeu de clefs, Marie-Madeleine est d’emblée caractérisée par l’événement extraordinaire qu’elle a connu : elle a été libérée de sept démons. Autrement dit, son rapport à Jésus se place aussitôt sous le signe de la libération.
À vrai dire, il y a bien d'autres Marie dans les évangiles (Marie la mère de Jésus, Marie de Béthanie, Marie-Cléophas), mais Marie-Madeleine est toujours citée en premier. Ce détail montre son importance dans l’Église primitive.
En effet, c’est elle qui découvre le tombeau vide, c’est elle le premier témoin de la Résurrection, et c’est elle qui est appelée « apôtre des apôtres »…
Pour conclure, laissons la parole à Olympe de Gouges. Dans ce texte historique et révolutionnaire pour l’époque, elle rappelle combien l’humanité repose sur la rencontre et la coopération entre les femmes et les hommes :
« Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le Créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens. Cherche, fouille et distingue, si tu le peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout, tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel. »
Olympe de Gouges (1748-1793), Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, 1791