Qui est la première personne à constater que le tombeau de Jésus est vide ? À quelle heure Marie-Madeleine se rend-elle au sépulcre ?
L’histoire de Marie-Madeleine rencontrant Jésus au tombeau a largement inspiré les artistes de tout style et de toutes les époques. Mais la meilleure interprétation est sans doute celle de Dalida dans son morceau « Marie-Madeleine* ».
L’immense chanteuse franco-italienne nous offre ainsi une exceptionnelle entrée en matière :
« Marie-Madeleine lève-toi / Toi qui l'aimais, toi tu le reconnaîtras
Va sans tarder prévenir tous ses frères / Jean et Mathieu, et surtout Simon-Pierre »
*Dans le passage de l’évangile de Jean que nous vous présentons, il est question de Maria è magdalènè — littéralement « Marie la Madgaléenne », parfois aussi « Marie de Madgala ». Car Magdala est le nom d’une ville de Galilée située au bord du Lac de Tibériade, au Sud de Capharnaüm. Certaines traductions simplifient parfois en désignant ce personnage comme « Marie-Madeleine ».
Bref, place au texte !
Le passage qui suit raconte le matin de la Résurrection. Marie-Madeleine rencontre d’abord une tombeau vide, puis Jésus ressuscité.
Le premier jour de la semaine, Marie la Magdaléenne vient au sépulcre le matin, alors qu’il y avait encore des ténèbres et elle voit la pierre enlevée du sépulcre. Elle court donc et vient vers Simon-Pierre et vers l’autre disciple, celui que Jésus aimait et elle leur dit :
— Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons pas où ils l’ont mis.
Pierre sortit donc ainsi que l’autre disciple et ils venaient au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble mais l’autre disciple courait en avant plus vite que Pierre et arriva le premier au sépulcre. Et s’étant penché, il [aperçoit] posées les bandelettes. Pourtant, il n’entra pas. Vient donc aussi Simon-Pierre qui le suivait et il entra dans le sépulcre et il voit les bandelettes posées et le suaire qui avait été sur sa tête, non pas posé avec les bandelettes mais enroulé dans un endroit à part. Alors donc entra aussi l’autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre et il vit et il crut. Car ils ne savaient pas encore l’Écriture : qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts. Les disciples s’en retournèrent donc de nouveau chez eux.
Or Marie[-Madeleine] se tenait près du sépulcre, en-dehors, pleurant. Donc comme elle pleurait, elle se pencha vers le sépulcre. Et elle voit deux anges en blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, là où avait été mis le corps de Jésus. Ceux-ci lui disent :
— Femme, pourquoi pleures-tu ?
Elle leur dit :
— Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où ils l’ont mis.
Ayant dit cela, elle se retourna en arrière et elle voit Jésus se tenant debout et elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit :
— Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?
Elle, pensant que c’était le jardinier, lui dit :
— Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi je l’enlèverai.
Jésus lui dit :
— Marie !
S’étant retournée, elle lui dit en hébreu :
— Rabbouni ! C’est-à-dire : « maître » !
Jésus lui dit :
— Cesse de me toucher car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères et dis-leur : « Je monte vers mon Père et votre Père vers mon Dieu et votre Dieu. »
Vient Marie la Magdaléenne annonçant aux disciples qu’elle a vu le Seigneur.
La scène de découverte du tombeau vide, telle qu’elle est racontée par l’évangéliste Jean, est tout bonnement une merveille de beauté. Arrêtons-nous simplement sur le premier verset, qui pose le cadre spatio-temporel.
« Le premier jour de la semaine, Marie la Magdaléenne vient au sépulcre le matin, alors qu’il y avait encore des ténèbres et elle voit la pierre enlevée du sépulcre. » (Jn 20,1)
Analysons chaque détail à la loupe 🔎
Dans un ancien épisode, nous soulignions la beauté et la finesse de ce texte — qui raconte la première expérience avec Jésus ressuscité au moyen de trois verbes différents (apercevoir / contempler / voir).
Mais aujourd’hui, on a décidé de centrer notre éclairage sur la figure de « Marie la Magdaléenne ». Car cet épisode fait la part belle à celle qui est même appelée « l'apôtre des apôtres » dans la tradition latine : Marie-Madeleine.
En lisant les premiers versets du chapitre 20 de l’évangile de Jean, on comprend d’ailleurs l’origine de cette appellation. Marie-Madeleine est « l'apôtre des apôtres » puisque :
« Elle court donc et vient vers Simon-Pierre et vers l’autre disciple, celui que Jésus aimait et elle leur dit : "Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons pas où ils l’ont mis." » (Jn 20, 2)
À cet égard, remarquons que Dalida ne s’y trompe pas lorsqu’elle chante : « Va sans tarder prévenir tous ses frères / Jean et Mathieu, et surtout Simon-Pierre »...
L’événement de la Résurrection décrit dans l’évangile de Jean prend des airs particulièrement dynamique et pressant. En effet, il est beau de voir naître comme une « chaîne de domino »… et même un relais de sprinters !
Les personnages de cet épisode sont tous en mouvement :
Finalement, de tout ce passage ressort l’impression d’une accélération. Tout le monde se met à courir et les personnages vont et viennent les uns vers les autres, se passant le message. C’est d’ailleurs ce que nous avons relevé en soulignant tous les verbes de mouvement dans ce passage, car il n’y en a pas moins de 15 !
Cette accélération, qui se matérialise par les courses et les allers-retours des apôtres et de Marie-Madeleine, indique finalement quelque chose d’essentiel : la Résurrection est l’événement par excellence, c’est « la » bonne nouvelle que Jésus vient apporter et que les disciples sont chargés d’annoncer : Jésus a vaincu la mort. Il y a bien de quoi s’agiter et courir prévenir les copains !
Pour conclure, le théologien Olivier Clément (1921-2009) rappelle que la Résurrection est la victoire de la vie. La mort du Christ ne peut se comprendre qu'en ce sens.
« S’il souffre et meurt, c’est volontairement, pour faire de la mort et de toutes les formes de mort un passage vers la vie. Grégoire de Nazianze nous montre le Dieu fait homme assumant concrètement toutes nos situations de finitude close – la tentation, la soif, la fatigue, l’imploration, les larmes, le deuil, l’esclavage qui transforme l’homme en objet, la croix, le tombeau, l’enfer — non par quelque masochisme doloriste (rien n’est plus étranger à la sensibilité des Pères), mais, chaque fois, pour redresser et guérir notre nature, pour libérer le désir bloqué par la multiplicité des besoins, pour vaincre la séparation et la mort et transformer par la croix la déchirure de l’être créé en source d’eau vive. »
Olivier Clément, Sources, Paris, Desclée De Brouwer, 2017, p. 154